Les décapités


Édition du 27 Février 2016

Les décapités


Édition du 27 Février 2016

Les premières semaines de l'année ont été difficiles. Si certains titres ont repris de la force, d'autres ne se sont pas encore relevés. Pourrait-il être intéressant de jouer les décapités ?

C'est le collègue Marc Gosselin - responsable de la mise en page de cette chronique - qui a attiré notre attention sur le sujet.

Après tout, c'est souvent dans les périodes de grand pessimisme que se réalisent les meilleures affaires. Voici donc les titres de notre palmarès Top 50 Québec, publié chaque semaine dans le journal, qui ont le plus reculé depuis le début de l'année. Avec une appréciation du potentiel de rebond.

Produits forestiers Résolu (RFP, 4,37 $ US)

Le titre de la société affiche la pire dégelée du Top 50 Québec avec une chute de plus de 43 %. Les derniers résultats ont été loin des attentes. Au quatrième trimestre, le consensus était pour un bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) de 58 M$ ; le résultat a plutôt été de 41 M$.

Résolu peut toujours compter sur de bonnes liquidités, mais elle a aussi besoin d'investir massivement dans sa diversification, ce qui complique la situation. Après avoir acheté le producteur de papier tissu Atlas Paper en novembre 2015 aux États-Unis, elle entend investir 165 M$ cette année dans son usine de Calhoun, au Tennessee, qui doit également commencer à produire du papier tissu en 2017.

En fonction des prévisions de la TD, le ratio dette/BAIIA devrait alors passer de 1,9 à 4,1 fois, ce qui commence à être élevé. Au cours actuel, le titre se négocie à 5,8 fois le BAIIA de 2017, alors que les pairs sont à 6 fois.

Bref, pas de réelle aubaine ici.

Bombardier (BBD.B, 0,90 $)

La chute est de plus de 15 %. Elle était de 39 % avant l'annonce de la commande de 30 appareils CSeries d'Air Canada. On commence à réchauffer pour le titre. Il est clair dans notre esprit qu'Ottawa s'en vient également avec de l'aide. Une seule autre commande importante, et l'atmosphère changera. Cela dit, l'investissement demeure toujours de l'ordre du coup de dés. Potentiel de doubler et peut-être même de quintupler la mise sur cinq ans, mais il faut pour cela qu'il se vende des CSeries et que les objectifs de performance soient atteints. À défaut, potentiel de pertes supplémentaires.

BRP (DOO, 15,42 $)

Un autre titre dont on parlait récemment, et dont le pas arrière est de plus de 25 %. Si l'économie mondiale se dirige vers de sévères difficultés, le plongeon n'est pas terminée, les véhicules récréatifs coûtent chers et c'est l'un des premiers postes budgétaires où le consommateur réduira ses dépenses. Si l'économie tient à son niveau actuel, le titre pourrait bien avoisiner les 20 à 25 $ plus tard cette année.

Air Canada (AC, 8,41 $)

C'est le plus intéressant des titres discutés jusqu'à maintenant. L'action est aussi en recul de 25 %. Le marché craint vraiment la fin d'un cycle et une remontée des cours pétroliers. La vérité est que le cycle pourrait faiblir sans nécessairement prendre fin. Et que les multiples auxquels se négocient le transporteur sont très faibles. Si le prix du carburant doublait sur une période d'un an, Air Canada se négocierait vraisemblablement toujours sous son multiple historique (4,5 fois le BAIIA). Or, il est peu probable que le prix du carburant double. Le risque d'un recul supplémentaire reste présent, mais son ampleur semble contenue. Si une embellie économique se présentait, même temporaire, le multiple devrait s'ajuster à la hausse.

Aimia (AIM, 7,82 $)

Les temps sont difficiles pour la société mère du programme Aéroplan, avec une action en descente de 20 %. En outre, elle est encore plus abrupte si on remonte plus loin dans le temps.

Le passage d'Aéroplan de la carte de crédit CIBC à celle de la TD n'a pas donné le succès espéré. Des membres ne renouvellent pas. Qui plus est, des changements aux taux payés par les commerçants lors de l'utilisation des cartes de crédit semblent réduire la rentabilité des banques. Certains avancent que la TD a probablement dû réduire ses frais de marketing pour conserver sa rentabilité et que la promotion du programme a été amputée.

Pendant ce temps, la déflation souffle sur le secteur de l'épicerie en Angleterre, et Sainsbury émet moins de points pour un autre programme de fidélisation, Nectar.

Certains estiment que le creux a été atteint et notent qu'à 10,5 %, le dividende offre un rendement alléchant. Ce pourrait être vrai. Cela dépend de la manière dont l'économie évoluera au cours des prochains mois.

Gildan (GIL, 23,84 $ US)

La météo clémente de l'automne et du début de l'hiver semble à l'origine de la glissade de plus de 15 % du titre. En clair, il s'est vendu moins de bas et de chandails en coton ouaté dans les derniers mois. La demande a baissé, et une concurrence accrue sur les prix a été constatée.

Les prochains résultats (publiés le 23 février) ne seront pas à la hauteur escomptée par le marché avant Noël. Il est possible que les résultats des trimestres suivants en souffrent aussi. CIBC fait en effet remarquer que les deux plus importants distributeurs aux États-Unis, AlphaBroder et Bodek & Rhodes, viennent de fusionner. La fusion pourrait amener certaines opérations de déstockage en première moitié d'année.

À long terme, les perspectives ne semblent cependant pas moins bonnes qu'elles ne l'étaient avant la météo de Noël.

Cascades (CAS, 10,44 $)

Une chute à peu près similaire à celle de Gildan. On soupçonne ici qu'une décote (à «performance de marché») de Financière Banque Nationale est responsable du mouvement.

La glissade s'amorce le jour même de la diffusion de la décote. Il faut dire que, sur un an, le titre était en hausse de près de 70 %.

Dans le contexte, il est assez clair qu'il ne s'agit pas d'une aubaine.

Suivez François Pouliot sur Twitter @f_pouliot

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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