Le cours de ces inébranlables est-il aussi inébranlable ?

Offert par Les Affaires


Édition du 11 Juin 2016

Le cours de ces inébranlables est-il aussi inébranlable ?

Offert par Les Affaires


Édition du 11 Juin 2016

[Photo : Shutterstock]

Le hasard nous a amené la semaine dernière à feuilleter un vieux livre sur l'investissement : Investir dans la valeur : de Benjamin Graham à Warren Buffett et même au-delà.

Ce même hasard devait, quelques minutes plus tard, placer sous nos yeux un passage intéressant sur les enseignements de Warren Buffett. Les auteurs y abordent le rapport annuel 1991, où l'oracle discute de la baisse de valeur de ses investissements dans les journaux, notamment le Buffalo News et la société mère du Washington Post.

Sujet de la classe : la différence entre un investissement dans ce qu'il appelle une «franchise économique» et celui dans «une bonne affaire».

La franchise économique, dit-il, se manifeste lorsqu'un produit ou un service 1) est nécessaire ou désiré ; 2) est considéré par les clients comme n'ayant aucun produit de substitution et 3) n'est pas sujet à un encadrement de prix. La présence de ces trois conditions est prouvée par la capacité de la société à vendre ses produits ou ses services à des prix élevés. Ce modèle offre des rendements élevés sur les fonds propres. La franchise tolère des erreurs de gestion. Des dirigeants incapables peuvent diminuer sa rentabilité, mais ils ne peuvent pas la condamner à mort.

Une bonne affaire, elle, dure un temps, mais cette société est à risque de ne pas durer. Des concurrents peuvent finir par l'ébranler.

Dans l'ère pré-électronique, les journaux étaient des franchises économiques. Ils avaient expertise coûteuse à mettre sur pied pour les concurrents, et généralement une position de monopole ou de quasi-monopole dans les créneaux de marché qu'ils visaient. Ils étaient essentiels pour le client (publicitaire ou lecteur), il n'y avait pas beaucoup de produits de substitution et ils n'étaient pas réglementés.

Ce préambule pour dire que la lecture nous a conduit à nous interroger s'il n'y avait pas actuellement au Québec des sociétés de cette espèce : difficilement ébranlables en raison de la nature de leurs activités et de leurs avantages concurrentiels (souvent le poids) par rapport à leurs concurrents.

On croit en avoir trouvé quelques-unes, dont trois qui sont prépondérantes.

Lorsqu'on parle de sociétés difficilement ébranlables, on fait référence à leur rentabilité à long terme. À court terme, et parfois même à moyen, un revirement cyclique peut nuire temporairement à cette rentabilité. Si le marché est à ce moment un peu trop grisé par l'optimisme, il est probable que les multiples fondent, et qu'on assiste à des reculs momentanés qui peuvent parfois être sentis.

Warren Buffett n'a jamais dit qu'il achèterait les franchises économiques qu'il recherchait à n'importe quel prix.

Voyons donc ce qu'on a trouvé, et à quoi ça ressemble en matière d'évaluation.

Alimentation Couche-Tard (ATD.B, 58,30 $)

Probablement la championne toute catégorie. Le dépanneur est un service recherché, généralement localisé dans un endroit où il y a peu d'options de proximité, et qui peut vendre ses produits à plus hauts prix. À moins d'une très forte densité de population, une fois un dépanneur ouvert, il est rare de voir arriver beaucoup de nouveaux concurrents dans le secteur. Il s'installe en monopole ou quasi-monopole dans le créneau de marché. La recette en magasin de Couche-Tard est pendant ce temps continuellement en amélioration pour hausser la rentabilité. Les concurrents qui détiennent l'expertise, l'agilité et sa taille ne sont pas très nombreux. Le reste est donc affaire de consolidation des plus petits à un prix raisonnable et de temps pour y parvenir.

L'entreprise veut encore doubler sa taille sur cinq ou six ans. Le titre se négocie à environ 18 fois le bénéfice normalisé attendu par Marchés mondiaux CIBC pour 2017, ce qui paraît raisonnable étant donné son profil de croissance. Le rendement de l'action devrait dans l'avenir être supérieur au marché en général.

Dollarama (DOL, 91,62 $)

En théorie, une franchise vend à gros prix et non à petit prix. Mais il est possible de vendre à petit prix et de faire gros. Tout est relatif.

Quelle destination vous vient à l'esprit, lorsque vous recherchez un article à petit prix ? Dollarama. Le magasin à 1 $ occupe un créneau important dans le commerce de détail et, au Canada, peu ont l'échelle suffisante pour concurrencer Dollarama. Seule une distance éloignée pourra parfois vous faire opter pour un autre détaillant. Il suffit donc de densifier le paysage et de récolter la manne. Tout en profitant du fait que l'on est la destination réflexe pour ajouter des articles à prix plus élevé. C'est le plan de match de Dollarama, qui prévoit faire passer son nombre de magasins de 1 000 à 1 400 au cours des prochaines années.

La société sera plus rentable dans cinq ans. On est cependant moins sûr en ce qui concerne le cours de l'action.

Dollar Tree (DLTR, 91,05 $ US), le géant américain de 13 000 établissements, souhaite forcer le jeu au Canada en faisant passer sa base de 200 à 1 000 magasins. Il y a quelques semaines, on s'était en outre amusé à projeter une croissance des bénéfices de Dollarama de 15 % par année sur cinq ans, un scénario de BMO. En appliquant un multiple de 17 au bénéfice de la cinquième année, on en arrivait à un titre qui devrait se négocier à environ 107 $.

Les derniers résultats trimestriels ont beau avoir été meilleurs que prévu, le cours actuel n'est pas très loin de la cible de... 5 ans.

Stella Jones (SJ, 49,71 $)

Un court mot sur le manufacturier montréalais de poteaux de bois et de traverses de chemin de fer. Il est l'un des deux acteurs dominants en Amérique du Nord (avec Kopper) dans le secteur du rail et détient 40 % du marché du poteau. C'est un peu le Coca-Cola ou le Pepsi de son secteur, à la différence que la concurrence semble encore moins forte.

L'interrogation est ici aussi du côté de l'évaluation. Ce sont des secteurs à maturité et, avec de telles parts de marché, la consolidation ne pourra pas durer encore bien des années. Le titre est à 19 fois le bénéfice prévu en 2016 et à 17,5 fois celui de l'année suivante.

Plus difficile à dire sur celui-là.

Sur le radar

Les recommandations des analystes qui suivent le titre d'Alimentation-Couche-Tard (ATD.B, 58,30 $)

1 Sous-performance

1 Conserver

3 Acheter

9 Surperformance

Cours cible : 70 $

Source : Thomson Reuters

françois.pouliot@tc.tc

Chroniqueur | twitter@f_pouliot

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

Blogues similaires

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?