La CAQ ouvre le jeu: faut-il utiliser les surplus du Québec?

Publié le 26/01/2016 à 19:33

La CAQ ouvre le jeu: faut-il utiliser les surplus du Québec?

Publié le 26/01/2016 à 19:33

Photo: Shutterstock

Alors que le Parti québécois est ces jours-ci forcé de discuter paradis fiscaux, et que le gouvernement se relève d'une polémique intra-parti sur la présence ou non d'une vision de développement, la CAQ semble vouloir se positionner pour diriger la discussion économique.

Pendant que monsieur Péladeau tente tant bien que mal d'expliquer comment les paradis fiscaux sont utilisés chez Québecor(Tor., QBR.B) et que les libéraux se remettent d'une discussion serrée entre Nathalie Normandeau et Monique Jérôme-Forget, François Legault a été particulièrement actif ces derniers jours.

Lundi, il annonçait sa volonté de mettre sur pied un fonds pour améliorer la productivité des entreprises manufacturières du Québec.

Mardi, monsieur Legault invitait le gouvernement à puiser dès l'an prochain dans les surplus qu'il affecte au Fonds des générations et à retourner 500$ à chaque contribuable gagnant moins de 150 000$.

Que penser des deux propositions?

Le fonds manufacturier

Un gouvernement caquiste débloquerait 1 G$ par année pendant cinq ans pour faire des prêts à 15% d'intérêt et permettre aux entreprises de moderniser leurs équipements. Investissement Québec gérerait le programme, le prêt et les intérêts seraient remboursés s'il y a gain de productivité de la part de l'entreprise.

La cible est bonne, la productivité des entreprises québécoises connaît en effet des difficultés depuis plusieurs années. Une étude du Centre sur la productivité et la prospérité rappelait lundi qu'entre 1981 et 2014, la productivité du travail au Québec n'a augmenté que de 1,02% en moyenne annuellement. C'est la quatrième plus faible progression observée parmi les 30 provinces et pays analysés par l'organisation.

Le moyen proposé par la CAQ risque cependant d'être assez fortement débattu dans le public. À quel niveau de risque Investissement Québec serait-elle exposée?

Monsieur Legault ne nie pas qu'il y aurait des pertes, mais croit qu'au final, l'expérience serait neutre pour les fonds publics, en raison des fortes récupérations (15% d'intérêt) sur les projets qui fonctionneraient.

Verdict?

Il est trop tôt pour se prononcer sur cette proposition. Il faudra analyser de plus près l'expérience allemande sur laquelle s'appuie la CAQ. Mais, de façon préliminaire, 1 G$ par année, c'est à peu près doubler les interventions courantes d'Investissement Québec. Gros projet, risque difficile à cerner.

Que penser de l'utilisation des surplus?

C'est la première fois que l'un des grands partis ouvre la porte à cette possibilité.

Monsieur Legault souhaite utiliser 1,75 G$ des 2,2 G$ de surplus qui iraient au Fonds des générations en 2016-17 pour stimuler l'économie. À défaut, dit-il, la cible d'un ratio dette brute/PIB de 45% en 2026 (55% actuellement) sera ratée parce que le PIB croît trop faiblement.

La consommation des ménages représentent 60% du produit intérieur brut, dit le chef de la CAQ. Il faut la fouetter pour ramener la confiance et permettre au PIB d'accélérer, plaide-t-il. Plus de richesse sera ensuite créée et les finances publiques s'amélioreront.

À la mise à jour économique, l'idée que le gouvernement puisse être tenté par une utilisation des surplus nous était venue à l'esprit. Ils grimpent notamment à plus de 3,3 G$ par année à partir de 2019-20.

Le ministre des finances, Carlos Leitao, s'était cependant fermement opposé à la suggestion en estimant que l'utilisation entraînerait une décote de la dette du Québec.

Avec quelle force les surplus affectés au Fonds des générations contribuent-ils à abaisser le ratio dette/PIB? Ça dépend en fait des hypothèses que l'on adopte quant à la croissance du PIB nominal dans l'avenir. Il serait souhaitable qu'au prochain budget, le gouvernement fournisse plus de détails sur ses calculs afin que tout le monde puisse voir la différence de ratio dette/PIB sur l'horizon 2026 lorsque l'on affecte les surplus au Fonds et lorsqu'on ne les affecte pas. Pour l'instant, il est difficile de bien voir.

Cela dit, les bas prix du pétrole et la menace conséquente d'amputation des paiements de péréquation viennent jeter de l'eau froide sur l'idée de la CAQ.

Il serait en effet dommage de donner 500$ à tous les contribuables cette année et de devoir leur réclamer le cadeau dans deux ans parce que, l'opération de stimulation n'ayant pas fonctionné comme prévu, nous flirterions de nouveau avec un déficit et serions encore plus loin du ratio dette/PIB que l'on souhaite atteindre.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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