Investir sur un coup de dés

Offert par Les Affaires


Édition du 06 Février 2016

Investir sur un coup de dés

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Édition du 06 Février 2016

Photo: Bloomberg

Pour le parieur, vaut-il mieux jouer au casino ou lancer un coup de dés en Bourse? La discussion est venue parmi les collègues il y a quelques jours. Et nous a fait nous demander quels seraient les titres auxquels s'attarder s'il fallait lancer les dés.

Une précision avant d'aller plus loin. Il ne s'agit surtout pas de dire que la Bourse est une table à roulettes. Il s'y présente néanmoins parfois des situations où la décision d'investir ou non ressemble à un pari.

Quels sont ces titres qui relèvent actuellement du pari ? C'est-à-dire qui pourraient offrir un solide rendement dans l'avenir, mais dont le risque de perte est aussi très élevé.

En voici quelques-uns.

Bombardier (BBD.B, 0,90 $)

«Je vais te vendre ça pour 1 $», dit l'expression populaire. C'est à peu près ce qui se passe ces jours-ci avec l'action de l'avionneur québécois.

Réussira, ne réussira pas le CSeries ? La réponse qu'on donne à cette interrogation influera sur la mise du parieur. Malgré les derniers refinancements et l'aide de Québec, la dette de Bombardier continue de peser sur sa valeur, et le marché semble redouter qu'elle n'augmente encore dans le futur, alors que sa rentabilité baissera. Si Bombardier parvenait cependant à atteindre les objectifs de revenus et de marges que la direction a fixés à son nouveau plan quinquennal, le titre pourrait remonter à environ 5 ou 6 $ d'ici cinq ans, calculent des analystes.

Bellus Santé (BLU, 1,05 $)

La société montréalaise vient d'annoncer l'achèvement de l'étude de validation de phase III du produit Kiacta pour le traitement de l'amylose AA. Il s'agit d'une maladie rare qui fait suite à une inflammation chronique ou à une infection grave et qui peut mener à l'insuffisance rénale terminale et au décès.

Les patients enregistrés au programme doivent effectuer une visite finale. Il est prévu que les premiers résultats de l'étude clinique soient annoncés au deuxième trimestre 2016.

Analyste chez Bloom Burton & Co., David Martin est d'avis que le Kiacta a une chance raisonnable de devenir le premier produit effectif pour le traitement de la maladie et de se voir conférer le titre de médicament orphelin.

L'analyste assigne une cible de 3 $ au titre, sur une probabilité de succès de 50 %. Si l'étude est positive, l'action pourrait conséquemment atteindre 6 $. Dans l'éventualité de résultats défavorables, la valeur du titre chuterait cependant non loin de zéro.

BRP (DOO, 14,99 $)

Depuis le 11 décembre, date des derniers résultats et des prévisions pour 2016, le titre a reculé de 30 %. Gerrick Johnson, de BMO Marchés des capitaux, attribue le pas arrière à des préoccupations quant aux faibles quantités de neige, à un avertissement de résultats chez le concurrent Polaris et au fait que le marché punit actuellement les titres des sociétés dont les revenus sont liés aux dépenses discrétionnaires.

L'analyste estime cependant que la plupart de ces inquiétudes sont démesurées. Il fait valoir que les conditions d'enneigement varient d'une année à l'autre et que la motoneige n'a jamais été considérée comme un catalyseur clé chez BRP. Il estime également que Polaris a plusieurs problèmes qui lui sont propres, alors que la société de Valcourt est plus diversifiée et a de meilleurs créneaux de croissance (dans le secteur nautique, par exemple).

M. Johnson estime que, si un investisseur est d'avis que l'économie mondiale se dirige vers de sévères difficultés, il doit éviter le titre. Si l'opinion est contraire, il le voit à 27 $. La cible moyenne des analystes est à 28 $.

Valeant (VRX, 86,12 $ US)

La société pharmaceutique a connu toute une dégelée boursière en 2015, avec un titre en recul de 60 % par rapport à son sommet. Elle n'a qu'elle-même à blâmer. Valeant a fortement augmenté le prix de plusieurs de ses médicaments et ainsi attiré le regard des politiciens américains. Hillary Clinton jure de s'attaquer à ce qu'elle qualifie d'abus, et le marché redoute maintenant une intervention réglementaire sur les prix. La société s'est aussi retrouvée au coeur d'une polémique en raison de ses liens avec une pharmacie spécialisée plus ou moins fantôme. Et comme si ce n'était pas assez, son chef de direction, et principal artisan des réussites passées, Michael Pearson, est en congé de maladie depuis Noël, en raison d'une pneumonie sévère. Le tout dans un contexte de dette relativement élevée.

Beaucoup d'analystes jugent que les craintes sont exagérées, ce qui fait que la cible moyenne est à 180 $ US. C'est à voir.

Concordia Healthcare (CXRX, 27,39 $ US)

Une autre société pharmaceutique canadienne, qui ressemble un peu à Valeant. Elle se spécialise dans l'acquisition de produits pharmaceutiques et leur mise en marché.

Le titre faisait flèche de tout bois, et les investisseurs récompensaient le flair de la direction, jusqu'à ce que, l'automne dernier, l'entreprise annonce l'acquisition d'Amdipharm Mercury.

Du jour au lendemain, sa dette allait bondir de 1,3 à 3,5 G$ US. Au même moment, la discussion sur le prix des médicaments aux États-Unis arrivait sur le tapis. Soudainement, les choses venaient de changer. Le titre a depuis perdu 70%.

Les pessimistes trouvent qu'à 6,6 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) 2015, son ratio d'endettement est fort élevé et ne laisse pas beaucoup de place à l'erreur. Une baisse du prix des médicaments, et la société pourrait avoir de la difficulté à honorer ses engagements. Ils ne sont pas convaincus que la valeur du portefeuille de produits d'Amdipharm est toujours la même.

Les optimistes soutiennent que la majorité des produits de Concordia ne sont pas menacés par une éventuelle réglementation. Ils n'ont pas fait l'objet de fortes augmentations de prix, parce qu'ils étaient pour la plupart dans des créneaux où la concurrence était importante. Ils ajoutent qu'Amdipharm devrait amener sur le marché une soixantaine de nouveaux produits d'ici trois ans, ce qui signifie que la rentabilité n'a pas fini de grimper.

La question est donc de savoir quel est le réel potentiel d'Amdipharm. La cible moyenne des analystes est à 52,50 $ US, avec d'importants écarts entre les optimistes et les pessimistes.

Suivez François Pouliot sur Twitter @f_pouliot

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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