François Pouliot : Le coton s'emballe, malheur pour Gildan?

Publié le 22/09/2010 à 08:18, mis à jour le 22/09/2010 à 09:50

François Pouliot : Le coton s'emballe, malheur pour Gildan?

Publié le 22/09/2010 à 08:18, mis à jour le 22/09/2010 à 09:50

Photo : Gildan

Analyse. Jeté un œil au prix du coton ces dernières semaines? Assez impressionnant. Depuis l'été, il a bondi de plus de 30%. De quoi donner quelques soucis à Gildan. À moins que…

Au mois de juillet, la livre de coton oscillait autour des 0,75$ US. La voilà maintenant qui frôle 1$ US. Il n'en fallait pas plus pour que l'on ne commence à se demander si Gildan sera en mesure de maintenir sa rentabilité.

La flambée est-elle durable?

C'est la première interrogation à se poser. Après tout, si l'épisode ne dure que quelques semaines, ou encore quelques mois, il n'y a pas trop d'inquiétude à y avoir. Un simple mauvais passage.

Les inondations au Pakistan ont, ces dernières semaines, eu un certain impact sur l'offre (le Pakistan est un important producteur mondial). Publiées il y a quelques jours, les dernières données du Département de l'agriculture des États-Unis permettent cependant de constater que le retrait de production n'explique pas en lui-même le déficit de l’offre sur la demande.

En fait, depuis 2005-2006, la demande dépasse constamment la production sur le marché du coton. Si bien que l'inventaire mondial, qui se situait à l'époque à plus de 60 millions de balles de coton, devrait terminer 2010 à 45 millions de balles, en baisse de 3,5 millions.

À la faveur de la poussée des prix, il ne serait pas étonnant de voir la production s'accroître l'an prochain et le marché revenir près de l'équilibre. Il n'est pas exclu que les prix redescendent à ce moment. Ce n'est toutefois pas certain, le marché pouvant souhaiter une reconstruction des stocks avant de vraiment battre en retraite. Or, cette reconstruction pourrait prendre une couple d'années.

Peut-être pas si durable donc la flambée, mais probablement suffisamment longue pour dérégler les résultats de Gildan.

Quel est l'impact?

À chaque fois que le prix du coton monte de 0,01$ US, calcule la maison Paradigm Capital, le bénéfice par action de Gildan coupe de 0,03$ US.

Voyons y de plus près.

Les prix du coton sur le marché à terme s'étalent de 0,92$ la livre pour janvier à 0,82$ la livre pour décembre 2011. Ils pourraient encore monter, mais il faut tenir compte que Gildan a déjà acheté toute sa production du premier trimestre à 0,78$. L'un dans l'autre, il apparaît conservateur de pronostiquer un coût moyen de 0,90$ la livre pour 2011. Le tout est à mettre en perspective avec un prix du coton qui aura tourné autour de 0,70$ US en 2010 (il est déjà acheté pour les mois à venir). C’est donc 0,20$ de différence. Suivant la règle du pouce citée plus haut (0,01$ de hausse coupe de 0,03$ le bénéfice), c'est un impact potentiel sur le bénéfice d'environ 0,60$ par action.

Assez significatif merci si l'on tient compte que le consensus des analystes attend un bénéfice de 1,64$ par action en 2010.

Condamnée à souffrir Gildan?

Pas nécessairement. Du temps qu'il dirigeait Canam, Marcel Dutil ne détestait pas les hausses du prix de l'acier. Il expliquait aux analystes que celles-ci permettaient généralement aux fournisseurs de poutres et poutrelles de passer des augmentations supérieures à celles qu’ils subissaient.

Spencer Churchill, de Paradigm, calcule que selon l’hypothèse retenue, il faudrait une augmentation globale des prix de Gildan de 7% pour contrebalancer la hausse de la matière première.

Impossible?

Effective au 1er octobre, une augmentation de 3,5% vient récemment d’être décrétée par Gildan. Et, comme l’aurait sans doute prédit M. Dutil, tous les compétiteurs ont suivi.

Plusieurs n'ayant pas d'aussi faibles coûts de production que Gildan, quelque chose nous dit que le marché aura encore tendance à suivre pour l’autre moitié du chemin.

Il se pourrait cependant que les hausses soient modulées dans le temps et moins rapides que la hausse des coûts. Ce qui pourrait créer deux ou trois trimestres difficiles et placer le titre sous pression.

Paradigm Capital estime que l'entreprise pourrait doubler d'ici deux ou trois ans, grâce à ses projets d'expansion sur le marché asiatique. Même convaincu que l’expansion est sans risque, on attendrait une probable correction de prix attribuable au coton avant de placer sa mise. Situation plate pour les actionnaires actuels, mais potentiellement intéressante pour ceux qui souhaitent entrer au capital.

Comme quoi, le malheur des uns, fait le bonheur des autres.

 

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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