Faut-il embarquer dans le train électrique de la Caisse?

Publié le 22/04/2016 à 15:15

Faut-il embarquer dans le train électrique de la Caisse?

Publié le 22/04/2016 à 15:15

On s'attendait à une annonce sur un SLR qui passerait sur le pont Champlain pour relier l'île à la rive sud, et qui poursuivrait ensuite sa route en Ouest jusqu'à l'aéroport de Dorval. Avec son projet de Réseau électrique métropolitain (REM), c'est quelque chose de bien différent que vient de présenter la Caisse de dépôt et placement.

Les deux objectifs initialement envisagés sont dans le projet, mais on se trouve en quelque sorte à améliorer une bonne partie de desserte du réseau existant. Le train de banlieue qui va vers Deux-Montagnes (rive nord) verra ses rails être doublées là où c'est nécessaire. C'est en passant par cette même ligne (qui longe l'autoroute 40), que l'on se rendra à l'aéroport, grâce à la construction d'un nouveau tronçon vers le sud. Tant qu'à descendre, on fait aussi partir à mi-chemin une nouvelle desserte vers l'Ouest qui se rendra jusqu'à Saint-Anne-de-Bellevue. Sur la rive-sud, le réseau de train de banlieue vers Brossard est également allongé, et amélioré.

Les nouveaux ajouts devraient permettre aux usagers d'avoir des temps de parcours améliorés par rapport à ceux de la voiture. Les parcours retapés devraient afficher des temps de liaison plus rapides et une meilleure fréquence de desserte.



Ce nouveau réseau de la Caisse s'étendra sur 67 km et comprendra 24 stations. Il sera en service 20 heures par jour, et fonctionnera 7 jours sur 7. Beaucoup de ces stations sont déjà en place pour les réseaux de trains existants, mais, à vue de nez, au moins huit nouvelles seront construites, principalement pour descendre de l'axe de l'autoroute 40 vers Sainte-Anne-de-Bellevue et l'aéroport. L'année prévue pour la mise en marche du nouveau réseau est 2020.

Et tout cela fonctionnera à l'électricité, une annonce à point pour le jour de la Terre, comme l'a fait remarquer le maire Denis Coderre.

La Caisse affirme que le réseau devrait permettre de désengorger les réseaux de transport actuels et donner à Montréal et une partie de sa banlieue une capacité suffisante pour soutenir l'accroissement projeté des déplacements dans l'avenir. Bref, une desserte plus rapide, plus fréquente, qui devrait au surplus permettre d'enlever plusieurs véhicules polluants de sur les routes.

Le volet financier

Il y aura assurément des critiques sur le tracé. Certains auraient préféré voir le lien centre-ville vers l'aéroport plutôt suivre l'autoroute 20. Mais la reconstruction de l'échangeur Turcot ferait perdre cinq ans et le réseau coûterait 1G $ de plus que ce qui est sur la table.

Quelques observations financières sur le projet.

Il y a quelques mois, le gouvernement du Québec espérait que la Caisse prendrait totalement à sa charge les 5 G$ nécessaires pour la construction du SLR du pont Champlain et du lien vers l'Ouest jusqu'à l'aéroport. Aucun denier public à emprunter, la Caisse gérant seule le risque de construction et d'exploitation du projet.

Les choses ont changé. Le projet vaut cette fois 5,5 G$ et la Caisse est prête à mettre 3 G$. Le reste (2,5 G$) devra être financé par les gouvernements.

Monsieur Sabia s'est défendu de demander des subventions à Québec et Ottawa. Il a plutôt parlé d'investissements de leur part.

Selon ce que l'on comprend de la structure de financement envisagée, la Caisse veut obtenir un rendement "commercial" sur son projet. Si sa rentabilité est supérieure à son objectif, elle est prête à faire bénéficier les gouvernements d'une partie de la plus-value.

Monsieur Sabia n'a pas voulu s'avancer sur le rendement que l'institution avait en vue, mais il a indiqué qu'il serait apparenté à celui de projets similaires. Il a réitéré l'engagement de le dévoiler plus tard, dans une étude comparative.

Interrogé sur qui supporterait le risque de dépassement de coût dans le projet, le PDG de la Caisse a répondu qu'il ne voulait pas penser en termes d'échec, mais en termes de succès. "Notre but est de mettre la puck dans le net", a-t-il indiqué en anglais.

Hors conférence, des représentants de la Caisse précisaient que c'est le consortium qui construira le projet (un appel international sera lancé) qui devra supporter les risques de dépassement de coût. La Caisse n'assumera que le risque d'exploitation (exemple: si jamais l'achalandage était plus bas que ce qui est prévu).

Un bon projet?

Il serait étonnant que les gouvernements refusent d'embarquer dans le projet qui leur est présenté. On le disait plus haut, celui-ci devrait permettre une meilleure desserte de la région de Montréal, plus rapide, plus fréquente, et avec moins de véhicules polluants sur les routes.

C'est exactement ce qui est recherché par tous. À Ottawa, le nouveau gouvernement veut mettre de l'argent dans les transports. À Québec, la volonté est similaire. Et même si les budgets d'immobilisation sont limités, la somme demandée (probablement autour de 1,250 G$ à chacun) permet de réaliser des investissements de 5,5 G$.

Il reste cependant à voir: 1-) quel rendement recherche la Caisse sur ce projet, et 2-) à mieux définir qui assumera le risque de construction.

Un rendement jugé trop élevé pourrait notamment permettre de demander une plus grande part d'investissement à la Caisse. Il ne s'agit pas de lui donner carte blanche, les contribuables sont quand même appelés à 45% du financement de ce projet.

Il est tout aussi important de préciser qui assumera le risque de dépassement de coûts de construction. Monsieur Sabia a beau laisser entendre que ça n'arrivera pas parce que "le but est de mettre la puck dans le net", si elle n'y va pas, et que le constructeur enclenche des poursuites sur un malentendu, il faut, dès le départ, avoir précisé qui est au bâton. Ce risque a une valeur.

Oui, au projet, donc, mais pas nécessairement un oui automatique aux hauteurs de financement suggérées par la Caisse.

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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