Dollarama, ou la théorie de l'entrepôt

Offert par Les Affaires


Édition du 20 Février 2016

Dollarama, ou la théorie de l'entrepôt

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Édition du 20 Février 2016

Projetez-vous d'agrandir votre entrepôt bientôt? L'interrogation fait sourire. Elle est pourtant à la source d'un de nos meilleurs investissements au cours des dernières années.

Retour en arrière, il y a deux ans.

À la recherche de titres non suivis par les analystes (parce que personne n'est encore venu dire qu'ils sont sous-évalués...), voilà que notre oeil tombe sur Lunetterie New Look (BCI, 26 $).

Rendement de dividende de 5 %, faible dette. En raison du vieillissement de la population, il devrait normalement se vendre plus de lunettes et de services optiques dans les prochaines années. Le placement semble intéressant. L'action n'a qu'à progresser de 5 % par année et, à long terme, avec le dividende, la performance du titre dépassera celle du marché.

Comme chaque fois, le doute se présente cependant rapidement : y a-t-il quelque chose qu'on ne voit pas ?

Hésitation, tergiversation...

- Ah, tiens, ils agrandiront la superficie de l'entrepôt et du centre de distribution. Il faut que la direction ait confiance en l'avenir.

Achat du titre de New Look, à 11 $.

Il est aujourd'hui à 26 $, après quelques acquisitions qu'on ne voyait pas du tout venir.

Le dernier développement côté entrepôt : Dollarama (DOL, 70,97 $)

L'aventure New Look nous est revenue en mémoire il y a quelques jours à la suite de l'annonce par le détaillant Dollarama d'un investissement de 60 M$ à Montréal, qui lui permettra d'ajouter un sixième entrepôt et d'augmenter la surface de plancher de 40 %.

L'histoire est différente de celle de New Look (le titre est très suivi), mais témoigne néanmoins de la confiance de la direction en l'avenir.

Moment d'investir dans Dollarama ?

Trois questions auxquelles il faut d'abord répondre.

1. Est-ce que la société sera en mesure d'accroître ses volumes dans l'avenir, et conséquemment de remplir cet entrepôt ?

2. Si oui, avec quelle rentabilité le fera-t-elle ?

3. Jusqu'à quel point cet ajout de rentabilité futur est-il déjà escompté par le marché ?

Les volumes augmenteront-ils ?

Réponse assez facile ici : oui. Dollarama croit pouvoir faire passer sa base de magasins au Canada de 1 000 à 1 400 établissements dans les années à venir. À une cadence d'ouverture de magasins qui devrait se situer à environ 70 annuellement, l'opération devrait être achevée d'ici cinq ou six ans. Il n'y a pas de doute que les volumes augmenteront significativement.

La rentabilité suivra-t-elle ?

La plupart des analystes s'entendent pour dire qu'avec la baisse du dollar canadien, les marges de l'entreprise souffriront au cours des prochains trimestres.

Peu importe, la question est davantage destinée à l'après 2016.

Peter Sklar, de BMO Marchés des capitaux, voit les bénéfices de l'entreprise connaître une croissance minimale de 15 % par année à la faveur de l'ouverture des nouveaux établissements et de l'introduction de produits à plus hauts prix. En deuxième moitié d'année, le détaillant commencera notamment à introduire des articles à 3,50 $-4 $.

Neil Linsdell, de Valeurs mobilières Industrielle Alliance, est moins convaincu de la stratégie d'articles à prix plus élevés. Il y voit un risque que Dollarama ne mise trop sur des produits qui se retrouvent aussi chez des escompteurs tels que Walmart. M. Linsdell redoute que le concurrent Dollar Tree Canada, qui n'offre que des produits à 1,25 $, ne devienne la destination des acheteurs de produits à faibles prix.

Aux yeux de l'analyste, le risque est en outre composé par le fait que Dollar Tree n'entend pas elle non plus rester inactive, en matière d'ouvertures de magasins. Dans les prochaines années, elle veut faire passer sa base de 225 à 1 000. Une présence accrue qui devrait intensifier la concurrence dans le créneau. Et une présence qui bénéficie d'un meilleur pouvoir d'achat que Dollarama grâce aux activités de la société mère américaine, qui compte plus de 13 000 magasins.

La différence de perspective fait que M. Sklar a une cible à 93 $ sur le titre, tandis que celle de M. Linsdell est plutôt à 67 $, avec une rare recommandation de vente.

Qui a raison ?

On pencherait plutôt du côté de M. Sklar. Dollarama a une bonne longueur d'avance sur Dollar Tree au Canada. Sa proposition de produits semble plus intéressante. Quelque chose nous dit que la plupart des consommateurs canadiens qui fréquentent les magasins à 1 $ ne cherchent pas nécessairement des prix à 1 $. Ils cherchent un environnement où ils pourront trouver un produit peu cher. La stratégie de prix de Dollarama semble pouvoir offrir de meilleures marges, autrement elle ne continuerait pas de faire entrer des produits à prix plus fort.

Quant aux 1 000 établissements projetés par Dollar Tree, il se pourrait bien qu'ils n'ouvrent jamais faute d'un rendement de l'investissement adéquat, Dollarama ayant déjà saturé beaucoup de marchés.

L'ajout de rentabilité est-il déjà escompté dans le titre ?

Restons avec le scénario optimiste de M. Sklar. Un bénéfice qui progresserait de 15 % par année à partir de 2016 et auquel on accolerait un multiple de 17 dans cinq ans donnerait une action à 107 $ à ce moment. Un rendement de 50 %, ou 8 % annuellement.

C'est un peu plus élevé que le rendement historique du marché, mais guère plus. Et selon un scénario relativement optimiste.

Morale de l'histoire ?

L'entrepôt ne promet pas de rendement extraordinaire à la New Look, parce que la progression de rentabilité qui y transitera est en bonne partie déjà escomptée dans les cours.

Cela dit, une offre non sollicitée d'un acteur américain comme Dollar Tree est toujours possible. Il n'y a pas d'actionnaire de contrôle chez Dollarama.

Sur le radar

Dollarama (DOL, 70,97 $)

Le titre, sur un an

Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Dollarama

3 Conserver

2 Acheter

1 Vendre

8 Surperformance

1 Sous-performance

Cours cible : 90,50 $

Cours actuel : 70,97 $

Source : Bloomberg

Suivez François Pouliot sur Twitter @f_pouliot

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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