Cobalt: est-ce trop beau pour être vrai?


Édition du 24 Mars 2018

Cobalt: est-ce trop beau pour être vrai?


Édition du 24 Mars 2018

L’­auto électrique et l’électrification des transports ­sont-elles sur le point de faire flamber le marché du cobalt? [Photo: Pixabay]

C'est une histoire minière comme bien des promoteurs aimeraient pouvoir en raconter. L'auto électrique et l'électrification des transports sont-elles sur le point de faire flamber le marché du cobalt ?

L'investisseur qui cherche à investir dans l'avenir électrique en arrive souvent à la conclusion qu'il vaut mieux passer son chemin. Des titres comme Tesla sont chèrement évalués, avec nombre de points d'interrogation quant à l'exécution du plan stratégique. Le secteur du lithium, pendant ce temps, est difficile à comprendre.

Un lecteur nous a cependant demandé, récemment, ce que l'on pensait du cobalt. Et, du coup, nous a fait découvrir un potentiel d'investissement fort intéressant à étudier.

L'histoire

Le cobalt est un métal essentiel dans la fabrication des batteries au lithium.

Depuis 1970, il s'est négocié entre 10 $ US et 30 $ US la livre, selon Cormark Securities, affichant une valeur moyenne ajustée en fonction de l'inflation autour de 26 $ US la livre.

Pendant des années, le marché du cobalt a aussi été en surplus de production. Les choses se sont cependant inversées en 2015, alors que le marché est tombé en déficit. Le signal d'une importante série à venir, aux yeux de plusieurs analystes.

Cormark prévoit que la demande pour les batteries au lithium, que ce soit pour l'automobile, les téléphones cellulaires et autres appareils à pile, devrait doubler d'ici 2025, ce qui pourrait faire passer la demande pour le cobalt de 104 000 tonnes par année qu'elle était en 2015, à 300 000 tonnes.

Oui, mais la production s'ajustera pour répondre à la demande, diront les habitués du secteur minier.

C'est ici que l'histoire devient intéressante. Les caractéristiques de l'industrie du cobalt ne sont pas ordinaires.

Deux facteurs propres sont à prendre en considération.

1 Le cobalt est un sous-produit. Il n'existe pratiquement pas de mine de cobalt dans le monde. Seulement 1 % des volumes proviennent de l'exploitation de telles mines. Le reste de l'offre provient plutôt des mines de cuivre (67 %) et des mines de nickel (37 %), qui le récolte au passage en focalisant sur leurs principales opérations.

2 Environ 62 % de la production de cobalt provient de la République démocratique du Congo. Pendant ce temps, près de 52 % du cobalt brut est raffiné en Chine et, dans quelques années, en raison de récentes acquisitions par China Molybdenum, les Chinois pourraient en fait contrôler 84 % du raffinage mondial.

Vous voyez le scénario se dessiner.

Il n'est pas si évident que l'industrie pourra répondre à une demande accrue. L'analyste MacMurray Whale fait remarquer que les producteurs de cuivre et de nickel n'ont pas de très grands motifs d'augmenter leur production. Le cobalt représente un faible pourcentage de leurs revenus et bénéfices, et une augmentation de production forcerait aussi une augmentation des volumes de cuivre et de nickel. L'augmentation de production nécessaire pour répondre à la demande de cobalt semble telle qu'une hausse correspondante des volumes de cuivre et de nickel ferait assurément lourdement chuter leurs prix (et la rentabilité des producteurs).

En parallèle à cette situation, on peut voir qu'un petit nombre de joueurs contrôle l'offre. Ce n'est d'ordinaire pas très favorable à de faibles prix. Il y a en plus un risque important de chute des approvisionnements du fait que la majorité de ceux-ci proviennent du Congo, un pays politiquement instable.

On ajouterait qu'étant donné ce paysage, il ne serait pas étonnant de voir se pointer à un certain moment quelques acteurs spéculatifs qui pourraient accumuler des positions et viendraient, pour un temps, perturber le marché (cela s'est vu sur d'autres métaux).

Évidemment, les acheteurs de cobalt tenteront, à un certain niveau de prix, de trouver des métaux de substitution. Mais ce n'est pas chose facile, quand on veut concevoir des batteries performantes, de changer sa recette. Il faudra du temps.

Est-ce trop beau pour être vrai ?

À court terme, peut-être.

À la faveur des perspectives que l'on vient de décrire, le prix du métal a significativement grimpé ces derniers mois et cote maintenant autour de 36 $ US la livre.

Au Congo, Glencore est à redémarrer un important projet minier du nom de Katanga, qui devrait ajouter pas mal de production en 2018. Aux yeux de quelques analystes, le gisement pourrait permettre de demeurer en équilibre jusqu'en 2019.

Il n'est pas impossible, donc, que, dans quelques mois, à la lumière des chiffres sur la production, les prix du cobalt chancellent.

À long terme cependant, il ne serait pas étonnant de voir les cours avancer à des niveaux nettement supérieurs. Entre 2006 et 2008, le déficit d'approvisionnement du marché avait poussé le prix du cobalt à un sommet de 51,25 $ US la livre.

Sur qui miser ?

Les sociétés ne sont pas légion. À part quelques juniors, il n'y a en fait pour l'instant qu'une réelle option : Cobalt 27 (KBLT, 12,53 $ CA).

Récemment entrée en Bourse, la société a acheté pour près de 3 000 tonnes de cobalt qui sont stockées dans des entrepôts de Baltimore, Antwerp et Rotterdam. Elle achète aussi des redevances minières sur le cobalt de projets en développement (la dernière acquise touche le projet de nickel-cobalt de Dumont au Québec, un projet évalué à 1 milliard de dollars que tente de développer RNC Minerals).

Sur la seule valeur du minerai acheté, au cours actuel (36 $ US la livre), Cormark évalue que le titre vaut autour de 11,75 $ CA. C'est à peu près le cours où il se négocie actuellement.

C'est cependant sans accorder de valeur aux ententes de redevances en place. Et sans tenir compte que, d'ordinaire, dans le secteur minier, lorsqu'un métal est haussier, sa valeur en Bourse grimpe au-dessus de sa valeur aux livres. C'est pourquoi la maison a une cible à 16,30 $.

Quelque chose nous dit que le titre pourrait peut-être faiblir dans les prochains mois, compte tenu du redémarrage du projet Katanga, au Congo. Sur un horizon un peu plus long (de deux à trois ans), cette cible semble toutefois avoir de bonnes chances d'être atteinte et même dépassée.

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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