Ce que vaudra Bombardier dans cinq ans, prise 2


Édition du 10 Mai 2014

Ce que vaudra Bombardier dans cinq ans, prise 2


Édition du 10 Mai 2014

On s'attendait à ce que l'ambiance soit assez maussade lors de l'assemblée annuelle de Bombardier, tenue le 1er mai. Les derniers développements - le report de l'entrée en service du CSeries et les 1 700 mises à pied dans l'aéronautique - ne laissaient pas présager une formidable atmosphère. Pourtant, tel ne fut pas le cas.

L'humeur était assez bonne et relativement optimiste.

Un récent financement a permis d'aller chercher 500 M$ US supplémentaires, ce qui semble avoir rassuré les esprits. Les essais en vol du CSeries semblent aussi bien se dérouler.

Ce qu'on retient de l'assemblée

Deux choses.

La première : il faudra probablement encore quelques mois avant que des commandes de CSeries ne viennent. Les tests ne sont pas encore très avancés. Par exemple, l'appareil est uniquement testé en mode manuel pour l'instant et n'a pas encore été utilisé avec les ordinateurs de vol. Le salon de Farnborough qui aura lieu cet été semble trop rapproché pour générer une grande récolte de commandes.

La seconde, et c'est ce qui nous a le plus frappé : une petite omission dans l'allocution de Pierre Beaudoin.

À pareille date l'an dernier, M. Beaudoin disait : «Nous planifions, dans un horizon de cinq ans et plus, augmenter nos revenus de 10 G$ US à 16 G$ US...».

Cette année, il a indiqué : «Nous visons 10 à 15 G$ US de revenus annuels additionnels dans un horizon de cinq ans».

Jusque-là, rien de nouveau. On est dans les mêmes eaux.

L'an dernier, M. Beaudoin avait cependant aussi dit : «Nous prévoyons augmenter notre marge bénéficiaire (avant intérêts et impôts), de 3 à 4 points de pourcentage par rapport à 2012».

Cette année ? Rien ! À l'évidence, la direction de Bombardier a décidé d'être plus prudente en ce qui concerne l'avenir.

Où se trouve la zone d'ombre ?

Dans son allocution, le nouveau patron de la division Transport, Lutz Bertling, a dit viser une marge bénéficiaire de 6 % pour 2014, et a précisé que l'objectif à atteindre demeurait 8 %, la cible qu'a toujours eue Bombardier.

Guy Hachey, le patron de la division aéronautique, s'est montré nettement plus circonspect. Il a parlé de la marge enregistrée au dernier trimestre (5 %) et dit qu'elle était supérieure à celle de l'an dernier (4,5 %). Sans plus.

Décryptage : Bombardier ne semble plus aussi sûre de ce que sera sa marge dans l'aéronautique dans cinq ans.

Pourquoi ? Ce n'est pas clair.

Ce que vaudra Bombardier dans cinq ans, prise 1

L'an dernier, au lendemain de l'assemblée, on s'était livré à un petit exercice d'évaluation dans lequel on tentait de voir ce que pourrait valoir le titre du géant montréalais dans cinq ans.

On avait utilisé la méthode de la valeur d'entreprise, qui consiste à appliquer un multiple au bénéfice avant intérêts et impôts (BAII), à soustraire la dette de la société et à diviser le résultat par le nombre d'actions en circulation.

Il était présumé que la dette augmenterait dans les trimestres à venir, mais qu'elle commencerait ensuite à reculer au fur et à mesure que les flux de trésorerie progresseraient, ce qui, dans cinq ans, la ramènerait à peu près au niveau initial.

Il était aussi présumé que le multiple de 11 fois le BAII auquel se négociait alors le titre de Bombardier ne bougerait pas. Ce qui est tout aussi incertain que le niveau de dette futur. Mais il faut bien scénariser quelque part.

Le résultat avait été le suivant :

> Dans l'éventualité où les revenus grimpaient de 10 G$ US et que la marge augmentait de 3 %, le titre se négocierait alors à 12 $.

> Dans l'éventualité où les revenus grimpaient de 16 G$ US et que la marge augmentait de 4 %, le titre avancerait plutôt à 17,25 $.

Selon le scénario le plus pessimiste, un investisseur faisait 3 fois le prix actuel du titre (4,15 $) ; selon le plus optimiste, quatre fois.

Ce que vaudra Bombardier dans cinq ans, prise 2

Devant la nouvelle prudence de Bombardier, on a décidé de faire de nouveaux calculs.

> Dans le premier cas, celui où les revenus augmentent de 10 G$ US, on a fait grimper la marge de la division Transport à son objectif de 8 %, mais on a laissé la marge de la division aéronautique à son niveau actuel de 5 %. En envoyant la hausse des revenus à 75 % dans l'aéronautique et à 25 % dans le transport (en raison d'autres prévisions fournies par M. Hachey dans son allocution), on arrive dans cinq ans à une valeur de 8,75 $ pour le titre du géant montréalais.

> Dans le second cas, celui où les revenus augmentent de 15 G$ US, avec les mêmes hypothèses, on arrive à une action qui vaut 11 $ dans cinq ans.

Conclusion

Il n'est pas impossible que les scénarios de la prise 1 soient encore les bons. La marge dans l'aéronautique pourrait en effet augmenter par rapport à aujourd'hui. Avec toutes les mésaventures de Bombardier, on se rabattrait cependant davantage sur les scénarios de la prise 2.

Si un investisseur croit que les prévisions de ventes de l'entreprise montréalaise se matérialiseront, c'est encore un rendement potentiel fort intéressant (le titre pourrait doubler, voire tripler sur une période de cinq ans). Le risque demeure néanmoins important.

Sur le radar: Bombardier (Tor., BBD.B)

Les recommandations des analystes
Cible moyenne : 4,25 $

3 Sous-performance

3 Surperformance

11 Conserver
7 Achat

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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