Budget: surplus, surplus, surplus, que faut-il faire avec vous?

Publié le 17/03/2016 à 16:23

Budget: surplus, surplus, surplus, que faut-il faire avec vous?

Publié le 17/03/2016 à 16:23

BLOGUE. Comment un gouvernement peut-il engager des dépenses supplémentaires de plus d'un demi-milliard de dollars alors que ses revenus s'apprêtent à subir une baisse de la même ampleur?

C'est ce que s'apprête à faire celui de Québec alors qu'il dépensera cette année 552 M$ de plus que ce que qu'il prévoyait au dernier budget, et 725 M$ de plus l'année suivante. Pendant ce temps, ses revenus subissent des révisions à la baisse de 500 M$.

Comment la chose est possible? La chance!

Québec est trois fois chanceux.

Premier facteur qui permet de financer les nouvelles dépenses: le coût de la dette. Le gouvernement prévoyait l'an dernier que les taux d'intérêt 10 ans (du Canada) seraient à 2,6-% en 2016, ils devraient plutôt être cette année en moyenne à 1,5%.

Deuxième facteur qui permet de financer les nouvelles dépenses: ce que le gouvernement appelle «la gestion responsable des dépenses». Le choix de qualificatif (page A.13) nous a fait sourire.

Il y a effectivement d'intéressant montants là (quelques centaines de millions), mais les récupérations financières sur ces années s'expliquent principalement par deux choses.

Le fait qu'il y a moins de projets financés par le Fonds Vert que ce qui était attendu cette année. Le fait que les coûts de financement du Fonds routier sont significativement en baisse à cause de la diminution des taux d'intérêt et de l'étirement de périodes d'amortissement. C'est peut-être une gestion responsable des dépenses, mais le retard des investissements au Fonds vert semble davantage s'expliquer par la polémique qui entoure ses allocations, et étirer des périodes d'amortissement n'est pas réellement un fait d'arme recherché par les grands gestionnaires.

Le troisième facteur qui permet d'augmenter les dépenses, tient au fait que, contre toute attente, les transferts fédéraux seront plus élevés que ce que l'on anticipait (+ 203 M$ en 2016-17 et 340 M$ l'année suivante). Avec l'économie albertaine qui bat de l'aile, tout le monde s'attendait à ce que les paiements de péréquation soient fortement amputés. Il n'en est rien.

Ce devrait même être le contraire dans les prochaines années. La situation s'explique par le fait que la capacité fiscale de l'Alberta baisse, mais qu'elle demeure supérieure à celle du Québec. Il y a donc toujours matière à transfert. Comme l'enveloppe fédérale de péréquation progresse en fonction du PIB nominal du pays, et qu'il est prévu que le PIB du pays dans globalité avancera (malgré les difficultés en Alberta), les transferts continuent d'augmenter.

Faut-il utiliser les surplus?

Le gouvernement pousse-t-il trop sa chance en engageant plus d'un demi-milliard de nouvelles dépenses sur les récupérations dont on vient de parler (notamment sur la baisse du service de la dette).

Pas vraiment. Le chiffrier budgétaire permet de voir que d'importants surplus se dessinent: 2 G$ cette année, 2,5 G$ l'an prochain, plus de 3 G$ en 2019-20.

Il y a de l'espace pour encaisser de l'imprévu.

Ce qui nous amène cependant à une discussion sur la pertinence d'utiliser les surplus.

Il y a beaucoup de confusion dans le public à cet effet.

La CAQ demande depuis quelques semaines qu'on utilise une partie des surplus 2016-17 pour stimuler l'économie en abaissant les impôts.

Pendant ce temps, certains croient qu'en raison d'un engagement électoral du premier ministre Couillard en campagne, la moitié des surplus seront éventuellement retournés en baisses d'impôt et l'autre moitié versée au Fonds des générations pour diminuer la dette.

Monsieur Leitao a cependant répété jeudi que les surplus seraient affectés à 100% au remboursement de la dette. S'il y a des baisses d'impôt dans l'avenir - ce qu'il a dit souhaiter - elles devront donc se faire à partir d'autres compressions, ou de revenus plus importants provenant d'une économie plus forte.

Bonne ou mauvaise position du gouvernement?

Bonne. L'objectif du gouvernement est de ramener l'endettement du Québec à un ratio dette brute/PIB de 45% en 2026 (actuellement à 55,1%).

En virant les surplus projetés au Fonds des générations, le ratio devrait être à 49,5% en 2021 (année où s'arrêtent les projections de surplus du gouvernement).

Si on ne virait pas ces surplus, et qu'on les retournait en baisses d'impôt, le ministère des finances estime que le ratio dette/PIB serait à ce moment autour de 52-52,5%.

L'écart n'est pas si énorme avec le 49,5% et il est vrai que la tentation est forte d'utiliser les surplus.

Il faut toutefois savoir que le ratio postule une progression moyenne du PIB nominal de 3,2% pour les cinq prochaines années. Si une récession devait venir à passer sur la période, tout s'effondrerait et le ratio dette/PIB remonterait immédiatement à 55,1% (et probablement même au-delà).

Mieux vaut donc effectivement continuer d'affecter 100% des surplus au remboursement de la dette.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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