Baseball à Montréal: aucune balle, deux prises

Publié le 13/12/2013 à 09:33

Baseball à Montréal: aucune balle, deux prises

Publié le 13/12/2013 à 09:33

C'est un bon travail qu'ont réalisé la Chambre de commerce de Montréal, les avocats BCF, la firme EY et le groupe de Warren Cromartie pour tenter de ramener une franchise du baseball majeur à Montréal. La probabilité que la chose survienne est cependant comparable à celle qu'un frappeur avec un compte d'aucune balle, deux prises tape un coup de circuit.

L'une des grandes conclusions que l'on tire de l'étude, c'est que même s'il y avait une possibilité d'expansion du baseball majeur, Montréal n'aurait pas un marché suffisamment intéressant pour être considérée.

Le plan d'affaires postule en effet que, pour que le projet fonctionne, la Métropole devrait recevoir environ 20 M$ en partage de revenus des équipes les plus rentables. On voit mal comment la Ligue pourrait décider d'allouer une franchise dans un marché qui générerait des dépenses aux autres équipes plutôt que de leur rapporter des revenus.

Il ne reste donc que l'option du déménagement d'une franchise. C'est-à-dire celle de transporter ici une équipe parce qu'elle coûterait moins cher à opérer que dans la ville où elle se trouve actuellement.

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Aucune question n'a été posée jeudi sur qui décide du transfert d'une équipe, mais il serait étonnant que la Ligue puisse unilatéralement forcer un propriétaire à vendre son club. Or, il semble difficile de trouver des clubs qui, dans l'état actuel des choses, aient vraiment intérêt à transporter leur franchise à Montréal.

Les Rays de Tampa Bay sont dans la nouvelle comme une franchise boiteuse qui cherche à déménager. Le dernier classement de Forbes permet cependant de voir qu'en tenant compte des paiements de soutien, le club a réalisé un bénéfice d'exploitation de 10 M$ US. Si on était propriétaire de la franchise, on ne verrait pas nécessairement de très grande urgence à chercher un nouveau marché. En fait, sur la liste de Forbes, on ne voyait guère que les Marlins de Miami, avec leur perte de 7 M$ US, qui pourraient avoir un intérêt à se délocaliser. Mais comme tous le savent, l'équipe appartient à un certain Jeffrey Loria, qui ne porte pas nécessairement Montréal dans son cœur…

Là où ça peut être intéressant

Postulons cependant que la hauteur de l'aide aille en s'abaissant et qu'à un certain moment, une équipe ou deux se mettent à perdre beaucoup de soutien. Au point où des pertes se présentent. Ou encore que le propriétaire soit quand même prêt à tenter un investissement supplémentaire pour améliorer sa rentabilité.

L'équation devient alors effectivement plus intéressante pour Montréal.

Parce qu'il n'y a pas de franchise à acquérir. On la possède déjà. Qu'elle conserve sa valeur, et peut même augmenter.

Dans le cas de Tampa Bay, notre collègue Marc Gosselin a parlé à l'économiste Andrew Zimbalist, qui souligne que l'équipe est liée par bail jusqu'en 2027. Un propriétaire qui voudrait déménager le club devrait assumer ce bail, une somme évaluée entre 200 et 300 M$. Il lui faudrait de plus ajouter 165 M$ pour sa participation dans la construction du stade.

Ce 365-465 M$ est beaucoup moins cher que le 690 M$ que postule l'étude de faisabilité pour de nouveaux propriétaires, et c'est conséquemment un rendement sur l'investissement à espérer nettement supérieur au 8% que fait miroiter cette même étude. Une quarantaine de millions de bénéfices (c'est en fait une cinquantaine, mais on retranche le bénéfice de 10 M$ de Tampa Bay) sur 365 M$ d'investissements neufs donne plutôt un rendement de près de 15%. C'est aussi mieux que le rendement de 5% que donnent les 10 M$ de bénéfices actuels sur un éventuel loyer que l'on continuerait de payer à Tampa Bay.

Le hic, c'est que lorsqu'on a manqué son coup dans un marché, on est généralement peu disposé à en remettre encore davantage pour tenter sa chance dans un autre marché, surtout si les promesses de ce marché sont incertaines. Montréal a déjà eu un club de baseball, et il est parti. Chat échaudé craint l'eau froide. Sur papier, il y a de l'argent à faire, mais la possibilité que l'on ait sorti de l'argent pour rester sur la même rentabilité, ou encore creuser sa perte davantage, existe. Et le passé n'aide pas à l'effacer le scénario de l'esprit.

C'est pourquoi on n'attacherait pas une très forte probabilité à un déménagement de franchise par des propriétaires actuels.

Et un achat par des propriétaires d'ici, alors?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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