Attaque sur PKP: dragon Mitch crache trop vite le feu

Publié le 02/04/2015 à 17:28

Attaque sur PKP: dragon Mitch crache trop vite le feu

Publié le 02/04/2015 à 17:28

À l'époque, le premier grand défi de Pierre Karl Péladeau fut de décider s'il achetait Vidéotron ou pas.

C'était une de ces situations "damned if you do, damned if you don't", comme disent nos amis anglophones. Monsieur Péladeau n'était pas convaincu de l'avenir des médias papiers et des activités d'impression. Il faisait cependant face à un marché des télécom très cher. Qui était en fait en bulle, mais, par définition, une bulle est quelque chose dont on acquiert la certitude qu'après éclatement.

S'il y a une grande erreur que l'on peut lui reprocher, c'est peut-être ici. Le statu quo n'était pas une option, mais peut-être aurait-il dû diversifier dans un secteur moins cher.

Là n'est cependant pas le point de monsieur monsieur Garber, qui fait porter sa critique sur une douzaine d'années de gestion.

Voyons donc voir quel était le défi du gestionnaire Pierre Karl Péladeau lorsqu'il amorça son séjour à la barre de Québecor, après avoir piloté l'acquisition de Vidéotron.

Au mois d'août 2001, un analyste faisait remarquer que la participation de 28,5% de Québecor dans l'imprimeur Quebecor World représentait une valeur de 25,50$ par action de Québecor. Le titre du holding, lui, se négociait à… 25,75$!

Autrement dit, le marché n'attribuait aucune valeur à la division Québecor Media et à Vidéotron. Toute la valeur de Québecor reposait sur World.

World était malheureusement dans une position plus ou moins enviable. Des années de sous-investissements, la plaçait dans une situation compétitive difficile. La décision de monsieur Péladeau fut d'investir assez massivement dans la modernisation des imprimeries.

C'était défendable. Il aurait certes pu choisir de sortir de l'imprimerie, mais pour aller où? Avec l'acquisition de Vidéotron qui demandait beaucoup d'apprentissage et d'énergie, il était somme toute logique que Québecor reste dans son "core business" encore pour un temps. D'autant qu'il n'est pas facile de vendre quand on est le numéro un mondial: il n'y a pas une foule d'opérateurs capables de vous acheter.

Survint, la crise financière de la fin des années 2000. World tomba.

Certains diront que c'est parce qu'elle avait été mal gérée. On ne peut pas totalement écarter la prétention. Mais on a personnellement toujours plutôt considéré que c'est le refinancement de World qui était arrivé à un bien mauvais moment.

Le marché du crédit était en train de geler pour tous, mais on ne s'en rendait pas tout à fait compte (tous les refinancements n'arrivent pas en même temps). Quelques mois plus tard, le refinancement de World se serait probablement opéré. Les bailleurs de fonds étaient à l'époque davantage en mesure de réaliser que le problème n'était pas intimement lié à World mais macro. Le Fonds de solidarité et la Caisse firent notamment preuve dans les mois suivants d'une salutaire audace avec certaines sociétés de Québec inc, et s'exposèrent à des ratios et des risques qui avaient été courus dans le passé, mais que la plupart hésitaient désormais à prendre.

Au final?

Sachant que Québecor World est aujourd'hui disparue, et qu'elle représentait la totalité de la valeur du holding Québecor en 2001, il faut que monsieur Péladeau ait réussi à créer vraiment beaucoup de valeur en télécommunication pour générer un rendement de 94% sur la période. Il devait en outre le faire avec une société très fortement endettée, qui n'avait pratiquement pas de capacité de réinvestissement.

Dans le contexte, la critique de monsieur Garber est fort discutable. Le dragon crache trop vite son feu. Souhaitons qu'il soit moins expéditif et plus clairvoyant dans sa nouvelle émission.

 SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

Blogues similaires

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?