Reagan, Trump: même combat ou presque

Publié le 28/01/2017 à 10:02

Reagan, Trump: même combat ou presque

Publié le 28/01/2017 à 10:02

ANALYSE GÉOPOLITIQUE - Conservatisme, protectionnisme, isolationnisme... La première semaine au pouvoir de Donald Trump a donné le ton au mandat de son administration. Mais ce n'est pas la première fois qu'un nouveau président provoque un tsunami politique aux États-Unis. Dans les années 1980, le républicain Ronald Reagan avait lui aussi provoqué une petite révolution, même si les deux hommes diffèrent sur certains points.

Dans une récente note (Remembering Ronald Reagan), la Banque CIBC souligne que l'administration Reagan (1981 à 1989) peut servir d'un «possible modèle» afin de mieux comprendre ce qui pourrait se passer dans les prochaines années avec le conservateur Donald Trump au pouvoir à la Maison-Blanche.

Par exemple, au niveau commercial, Ronald Reagan avait lui aussi une rhétorique protectionniste, même si beaucoup d'analystes le décrivent comme un «libre-échangiste», et ce, en raison de l'Accord de libre-échange (ALE) avec le Canada, entré en vigueur en 1989.

Son secrétaire au Trésor James Baker l'a même décrit comme «l'un des présidents américains les plus protectionnistes» des dernières décennies, soulignent les analystes de la CIBC.

Reagan, le protectionniste

Par exemple, peu de temps avoir été élu, Ronald Reagan a déclenché une guerre commerciale contre le Japon (le pays que tout le monde craignait à l'époque), un peu comme semble vouloir le faire actuellement Donald Trump avec la Chine.

Ce tableau produit par la CIBC met bien en perspective les similitudes et les différences entre le Japon et la Chine dans leur relation respective avec les États-Unis.

À l'époque, le président Reagan avait fait pression sur le Japon et l'avait convaincu de restreindre volontairement ses exportations de voitures aux États-Unis, avec les fameuses Volontary Export Restrictions (VER).

Ces restrictions étaient en fait des quotas sur les importations de véhicules japonais. Par exemple, au début des années 1980, les VER permettaient d'importer 1,68 million de voitures par année aux États-Unis. Ce programme a pris fin en 1994, sous la présidence du démocrate Bill Clinton.

Pour contourner ces restrictions, les Toyota et Honda de ce monde ont alors commencé à investir aux États-Unis pour y construire des voitures japonaises Made in USA.

Donald Trump cherche à faire la même chose en menaçant de punir les entreprises américaines, au premier chef les constructeurs automobiles, qui fabriquent des produits à l'étranger pour ensuite les vendre aux États-Unis.

Durant ses huit années au pouvoir, Ronald Reagan a aussi imposé des restrictions sur les importations d'acier, de sucre, de vêtements, de produits électroniques, de semi-conducteurs, sans parler du bois d'oeuvre.

Reagan, le pourfendeur du gouvernement

Ronald Reagan était aussi un néolibéral (conservative, en anglais) qui croyait en une intervention minimale du gouvernement dans l'économie, rappellent les analystes de la CIBC.

L'une de ses phrases célèbres illustre bien sa philosophie économique:«The nine most terrifying words in English language are: I'm from the government and I'm here to help

Sous l'administration Reagan, le gouvernement fédéral a réduit massivement les impôts et la réglementation. Donald Trump propose la même chose: il veut réduire de moitié le taux combiné d'impôt des entreprises (fédéral et les États américains), en plus de supprimer 75% de la réglementation aux États-Unis.

Reagan, le libre-échangiste

C'est le grand paradoxe de Ronald Reagan et une différence fondamentale avec Donald Trump: il était à la fois protectionniste et libre-échangiste, tandis que le président Trump n'est que protectionniste, du moins pour l'instant.

Outre l'ouverture de négociations de libre-échange avec le Canada, le président Reagan a aussi lancé, en 1986, le cycle de négociations commerciales multilatérales dit de l'Uruguay.

Ce cycle qui a duré plusieurs années a permis de libéraliser davantage le commerce international. Il a aussi mené à la création de l'Organisation mondiale du commerce, en 1995, qui a remplacé le GATT (Accord général sur les tarifs et le commerce), entré en vigueur en 1948.

Reagan, le leader du monde libre

Enfin, Ronald Reagan et Donald Trump diffèrent aussi grandement en ce qui a trait au rôle des États-Unis dans le monde.

Comme tous les présidents américains depuis 1945, Reagan était le leader du «monde libre» face au bloc communiste. Dans un discours célèbre prononcé à Berlin, il avait exhorté le dirigeant soviétique Michael Gorbatchev «à abattre» le mur de Berlin.

De plus, malgré des divergences, l'administration Reagan a toujours soutenu ses alliés, sans rendre la protection des États-Unis conditionnelle à quoi que ce soit.

Le contraste avec l'administration Trump est frappant, soulignent les analystes politiques.

Non seulement le nouveau président ne se présente pas comme le leader du monde libre, mais il rend désormais conditionnelle la protection des États-Unis, en demandant aux pays membres de l'OTAN d'investir au moins 2% de leur PIB dans leurs dépenses militaires.

Enfin, en ce qui a trait au mur de Berlin, il va sans dire que le contexte politique entre la guerre froide et la situation au Mexique est totalement différent.

Néanmoins, Donald Trump vient d'ordonner la construction d'un mur avec l'un de ses principaux partenaires commerciaux.

Et un pays démocratique.

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand