Révolution tranquille énergétique en Afrique

Publié le 28/05/2021 à 21:52

Révolution tranquille énergétique en Afrique

Publié le 28/05/2021 à 21:52

Un parc d'éoliennes dans le nord-est de l'Éthiopie, doté d'une puissance installée de 120 mégawatts. (Photo: Getty Images)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE — Sans tambour ni trompette, l’Afrique pourrait devenir dans les prochaines années l’un des marchés énergétiques affichant la plus forte croissance en raison de l’explosion démographique du continent. 

Une situation qui représente des occasions d’affaires potentielles pour les entreprises canadiennes qui peuvent offrir leurs produits, leurs services et leur expertise pour aider à l’électrification de l’Afrique, à commencer par Hydro-Québec International.

La société d’État donne peu d’information sur ses intentions en Afrique.

Elle fait toutefois valoir qu’elle est membre du Global Sustainable Electricity Partnership (GSEP), ce qui lui permet «de participer à des initiatives éducatives et de collaboration diverses, de nature non commerciale», notamment en Afrique.

Même si la transition énergétique s’accéléra surtout dans les pays développés et en Chine, l’Afrique ne sera pas en reste, soulignent plusieurs études à ce sujet.

Mais analysons d’abord la démographie du continent pour mettre les choses en perspective, et ce, afin de comprendre le potentiel de la demande énergétique future en Afrique.

 

La population doublera d’ici 2050

Actuellement, le continent compte 1,3 milliard d’habitants, selon la Banque Mondiale. Or, la population devrait doubler d’ici 2050, et elle pourrait même atteindre 4,2 milliards en 2100, selon les prévisions de l’UNICEF.

À titre de comparaison, la population de la Chine fondera de moitié d’ici 2100, passant de 1,4 milliard à 732 millions d’habitants à la fin de ce siècle, selon une étude publiée en septembre 2020 par la revue The Lancet.

Pareille progression de la population africaine (surtout en Afrique subsaharienne) représente un défi immense.

Il faudra nourrir, éduquer, loger, bâtir des infrastructures, offrir des services, créer des emplois pour ces centaines de millions de nouveaux habitants, sans parler de l’approvisionnement en énergie des résidences, des entreprises et des organisations.

Or, actuellement, près de 600 millions d’Africains n’ont encore pas accès à des sources d’énergie fiables, selon un récent balado du magazine Foreign Policy («Africa Forward — Powering change») consacré au marché énergétique en Afrique.

Actuellement, la demande d’électricité du continent s’élève à 700 térawattheures (TWh), selon l’Agence internationale de l’énergie («Africa Energy Outlook 2019»), dont 70% est concentrée dans le nord du continent et en Afrique du Sud.

 

Un ingénieur faisant une inspection dans une centrale solaire en Ouganda. (Photo: Getty Images)

 

À titre de comparaison, la production d’électricité du Canada s’est établie à 641,1 TWh en 2018, montrent les données de Ressources naturelles Canada.

D’ici 2040, l’AIE prévoit que la demande d’électricité en Afrique doublera pour atteindre 1 600 TWh (selon un scénario s’appuyant sur les politiques énergétiques actuelles). Cette demande pourrait atteindre 2 300 TWh (selon un scénario plus optimiste) si les États et les entreprises accélèrent l'utilisation de l’électricité, notamment dans le secteur industriel.

 

75% des nouvelles capacités sont renouvelables

La transition énergétique est du reste déjà bien en marche en Afrique.

Environ 75% des nouvelles capacités de production d’électricité seront de sources renouvelables, et ce, de l’éolien à l’hydroélectricité en passant par la géothermie et le solaire, selon l’AIE.

L’Afrique possède d’ailleurs le plus grand potentiel solaire au monde, mais le continent n’abrite actuellement que 1% de la production mondiale d’énergie solaire.

L’Égypte exploite néanmoins l’une des plus grandes centrales solaires de la planète (le parc Benban), qui est située à 650 kilomètres au sud du Caire et qui a été mise en service en 2019. Sa production annuelle de 3,8 TWh peut alimenter un million de foyers égyptiens.

Malgré sa forte croissance démographique, la part de l’Afrique dans la demande mondiale d’énergie demeurera cependant «relativement petite» d’ici 2050, nuance une analyse de l’Energy Information Administration («International Energy Outlook 2020»).

Selon l’agence gouvernementale américaine, cette consommation relativement faible tient en partie à la portée limitée du réseau électrique central dans les zones rurales, sans parler «du manque de fiabilité» du réseau électrique central dans les zones urbaines.

Aussi, les entreprises qui pourront transformer ces barrières à l'électrification en occasions d'affaires pour produire, transporter ou distribuer de l'énergie aux quatre coins de l’Afrique dans les prochaines années seront bien positionnées pour décrocher des contrats.

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand