Qui arrêtera Marine Le Pen?

Publié le 05/12/2015 à 09:41

Qui arrêtera Marine Le Pen?

Publié le 05/12/2015 à 09:41

Source photo: Shutterstock

ANALYSE DU RISQUE - Depuis près de 40 ans, le Front national (FN) progresse dans les intentions de vote en France. Et le parti d'extrême droite devrait encore faire des gains lors des élections régionales, ce dimanche, avec l'objectif ultime de conquérir la présidence du pays en 2017. Qui peut encore stopper Marine Le Pen?

Ces élections régionales - les premières depuis le redécoupage de la France en 13 super régions fusionnées - sont tenues moins d'un mois après les attentats sanglants du 13 novembre à Paris. Elles se tiennent aussi sur fond d'une crise migratoire sans précédent en Europe depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Le premier tour des régionales a lieu demain, dimanche, le second, le 13 décembre.

Ce jeudi 3 décembre, Le Front national était en tête des intentions de vote au premier tour dans 6 régions sur 12 (excluant la Corse et outre-mer), de même que dans le total agrégé au plan national, selon un vaste sondage Ipsos-Sopra.

Des résultats qui donnent toute la mesure de la progression de l'extrême droite en France, et de la mobilisation plus faible de la gauche pour aller voter.

Aussi, si les attentats du 13 novembre ont eu un effet sur la mobilisation des électeurs, c'est avant tout au profit des troupes de Marine Le Pen, affirment les analystes.

Rappelons qu'un électeur sur quatre a voté pour les candidats du FN aux élections européennes de 2014 ainsi qu'aux élections départementales du printemps 2015.

Employés, ouvriers, professions intermédiaires, cadres supérieurs... Ceux qui votent pour le FN proviennent d'horizons très variés, comme l'explique Le Monde diplomatique dans son édition de décembre.

Mais ils sont avant tout opposés à l'immigration, et au premier chef à l'immigration musulmane.

Marine Le Pen présidente en 2017?

Peut-on imaginer que Marine Le Pen remporte l'élection présidentielle en mai 2017?

La majorité des analystes en doute. Et vous en doutez probablement.

Vous souvenez-vous de la présidentielle de 2002?

En 2002, l'ancien président et fondateur du Front national, Jean-Marie Le Pen, avait créé toute une surprise au premier tour de l'élection.

Il avait alors récolté 16,86% des voix, éliminant à la surprise générale le candidat socialiste, le premier ministre Lionel Jospin.

Pour barrer la route à Jean-Marie Le Pen, une écrasante majorité de Français - à gauche comme à droite - avaient alors réélu le président sortant de centre droit, Jacques Chirac, qui avait rassemblé 82% du suffrage.

Si Marine Le Pen se glissait au deuxième tour de la présidentielle de 2017, une mobilisation citoyenne, à gauche comme à droite, l'empêcherait sans doute de conquérir le pouvoir.

Comme en 2002.

À moins que...

À moins que l'élection n'ait lieu sur fond de crise nationale, comme à la suite de nouveaux attentats meurtriers et qu'une majorité de Français, estimant que les autres partis n'ont plus la crédibilité de gouverner, décident d'élire Marine Le Pen.

Dans un éditorial, Le Monde explique à quel point une victoire du FN à la présidentielle serait une catastrophe pour la France.

Ses politiques économiques - sortie de l'euro et rétablissement du franc, protectionnisme et quasi-autarcie économique, augmentations des bas salaires, baisses des tarifs énergétiques, etc. - ruineraient l'économie française déjà stagnante.

De plus, l'image de la France dans le monde en pâtirait, affirme Le Monde.

«Elle s’effondrerait aussi vite que son économie si, d’aventure, Mme Le Pen arrivait à ses fins. Ce serait celle d’un pays retranché derrière ses frontières, obsédé de sa pureté ethnique, portant la responsabilité du démantèlement de l’Union européenne, enfermé dans l’impasse d’un nationalisme étriqué et hargneux. Bref, un pays déconsidéré, tournant le dos à son histoire, autant qu’à son avenir.»

La France n'est pas la seule à courir ce risque.

En fait, l'extrême droite progresse dans plusieurs pays d'Europe, en Suisse, en Autriche, en Suède, aux Pays-Bas, en Italie.

Même en Allemagne, un pays qui s'était pourtant démarqué par son ouverture envers les migrants syriens, n'échappe plus à ce phénomène, même si les intentions de vote pour l'extrême droite demeurent sous la barre des 10%.

Ce qui inquiète les spécialistes, c'est que les partis modérés - de gauche comme de droite - ont de la difficulté, en France et ailleurs en Europe, à contrer le discours des partis xénophobes et anti-Union européenne.

Mais comment faire?

Comment peut-on combattre l'extrême droite?

Critiquer, mépriser et ridiculiser les électeurs qui votent pour le FN n'ont pas arrêté la progression des idées de l'extrême droite auprès d'une frange de plus en plus importante de la population.

Selon certains analystes, il faut tenter de comprendre pourquoi les gens votent de plus en plus pour le parti de Marine Le Pen.

Plusieurs questions doivent être posées et débattues.

Pourquoi les électeurs du FN voient-ils dans l'immigration musulmane une menace à l'identitié européenne, voire les fondements de sa civilisation?

Pourquoi les socialistes n'arrivent-ils pas à attirer le vote des ouvriers?

Pourquoi des cadres et des entrepreneurs se méfient-ils à ce point de l'Union européenne et du marché commun, qui représentent pourtant un avantage pour les entreprises françaises?

Pourquoi, plus fondamentalement, le FN est-il de plus en plus perçu comme une alternative politique et économique et non plus comme un simple vote de protestation?

Sans une remise en question en profondeur de leur programme, les partis traditionnels en France pourront difficilement stopper la progression des idées de l'extrême droite.

Une véritale auto-critique sans complaisance s'impose donc, affirment des intellectuels.

Car, si Marine Le Pen ne prend pas le pouvoir lors de la présidentielle de 2017 (ce qui est, du reste, peu probable), cela pourrait être en 2022 ou en 2027, craignent certains analystes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand