Pourquoi le Japon est en train de sombrer

Publié le 13/06/2015 à 08:17

Pourquoi le Japon est en train de sombrer

Publié le 13/06/2015 à 08:17

Le vieillissement de la population entraîne aussi des «coûts astronomiques» pour la société japonaise, selon Angelo Katsoras et Pierre Fournier.

Aujourd'hui, 26,4% de la population est âgée de 65 ans et plus (soit la proportion la plus élevée au monde), et ce niveau pourrait atteindre 30,7% en 2030. Aux États-Unis, cette proportion est de 14,7%, et elle devrait s'établir à 20,1% en 2030.

Pourquoi la société japonaise vieillit-elle si vite? Le Japon affiche un faible taux de fécondité de 1,4% (le seuil pour le renouvellement des générations est de 2,1%), et le pays est pratiquement fermé à l'immigration.

Deux facteurs qui auront un impact majeur sur la population du pays. Car, si la tendance se maintient, la population glissera de 127 millions à 87 millions d'habitants d'ici 2060, selon le magazine Time.

Cette saignée démographique étranglera l'économie japonaise, car il y aura moins de travailleurs pour stimuler la croissance économique et moins de contribuables pour financer les services publics.

De plus, l'augmentation du nombre de personnes âgées fera bondir les dépenses publiques liées aux retraites et aux soins de santé.

À la stagnation économique et au vieillissement de la population s'ajoutent aussi les coûts énergétiques qui sont très élevés au Japon.

Actuellement, 90% de l'énergie consommée dans le pays est importée, soit la proportion la plus élevée des pays développés, selon l'Energy Information Administration (EIA).

«Cela explique en grande partie pourquoi les tarifs d'électricité au Japon sont parmi les plus élevés au monde - de deux à trois fois plus élevés qu'aux États-Unis», précisent Angelo Katsoras et Pierre Fournier.

Or, l'accès à des sources d'énergie abordables figure parmi les principaux critères de compétitivité des entreprises manufacturières dans le monde.

Le Japon fait aussi face à un autre problème de taille.

Les grandes entreprises japonaises délocalisent de plus en plus leurs productions à l'extérieur du pays.

Aujourd'hui, le tiers de la production japonaise est délocalisée, alors que c'était un peu plus de 10% dans les années 1980, selon la Japan Bank for International Corporation.

Et selon la FBN, cette tendance devrait se poursuivre, même si certaines entreprises comme Panasonic, Sharp et Nissan rapatrieront une partie de leur production au Japon en raison de la dépréciation du yen et de la hausse des salaires dans les pays émergents.

«Malgré le recul du yen et la montée des coûts à l'étranger, de nombreuses entreprises refusent encore d'investir davantage sur le marché intérieur. Le Japon, avec son économie stagnante et sa population vieillissante, offre peu de perspectives de croissance», notent Angelo Katsoras et Pierre Fournier.

Cette délocalisation des grandes entreprises nippones n'augure rien de bon pour le Japon, car elle prive le pays de précieux investissements pour stimuler sa croissance économique.

Donc, à moins de pouvoir arrêter ou mitiger ces vagues de fond (lourd endettement, population vieillissante, forte résistance à l'immigration, coûts énergétiques élevés, délocalisation de la production), le Japon continuera de sombrer dans un avenir prévisible.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand