L'extrême droite au parlement allemand: faut-il s'en inquiéter?

Publié le 23/09/2017 à 10:05, mis à jour le 25/09/2017 à 12:17

L'extrême droite au parlement allemand: faut-il s'en inquiéter?

Publié le 23/09/2017 à 10:05, mis à jour le 25/09/2017 à 12:17

Les leaders de l'Alternative für Deutschland, Alice Weidel et Alexander Gauland (photo: Getty)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE – Pour la première fois depuis 1945, un parti d’extrême droite entrera au parlement allemand ce dimanche, lors des élections législatives. Même si cet événement ne menace pas la stabilité politique du pays, la présence de l’Alternative für Deutschland (AfD) au Bundestag teintera néanmoins le débat politique.

Les sondages prévoient que l’AfD finira au troisième rang avec environ 11% des voix, derrière les conservateurs (CDU) et les socio-démocrates (SPD).

Cela permettrait à la formation anti-Union européenne, xénophobe et anti-immigration d’avoir de 60 à 80 députés au parlement en raison de la proportionnelle.

Sans surprise, la chancelière Angela Merkel décrochera un quatrième mandat, et dirigera donc la première puissance d’Europe pour les quatre prochaines années.

Par contre, sa formation politique, le CDU, devra à nouveau gouverner le pays en formant une coalition, probablement avec ses alliés actuels du SPD.

L’AfD est codirigée par Alice Weidel et Alexander Gauland.

La formation politique propose notamment de fermer les frontières et d’arrêter les regroupements familiaux pour les migrants. Le parti dénonce aussi «l’islamisation croissante» de l’Allemagne en raison de «la politique d’ouverture des frontières».

La plupart des spécialistes affirment que l’AfD n’est pas un parti néonazi.

Aussi, tout parallèle avec l’élection de députés nationaux-socialistes au début des années 1930 (avant leur prise officielle du pouvoir en 1933) serait exagéré. Leur idéologie et le contexte sociopolitiques d'aujourd'hui sont différents.

En fait, l’AfD ressemble en plusieurs points à des partis d’extrême droite comme le Front national de Marine Le Pen en France.

L’Alternative pour l’Allemagne été fondée en 2013. D’abord anti-euro, la formation politique est rapidement devenue un parti anti-immigration.

L’AfD n’a aucun député au parlement fédéral allemand, même si le parti a récolté 4,7% des voix lors des élections législatives de 2013. Car, dans le système allemand, un parti doit récolter au moins 5% du suffrage afin de pouvoir siéger au Bundestag.

Cela dit, le parti d’extrême droite est déjà présent au sein des États régionaux (l’équivalent des provinces canadiennes) dans l’est du pays comme la Saxe-Anhalt.

Comment l’AfD est devenue le troisième parti de l’Allemagne

La montée l’extrême droite en Allemagne survient dans un contexte où l’économie allemande se porte bien, fait remarquer le Financial Times de Londres.

Au deuxième trimestre, le PIB allemand a progressé de 2,1%, soit pratiquement le même niveau qu’aux États-Unis (2,2%), selon la firme Haver Analytics.

Le taux de chômage s’élève à 4% et le gouvernement fédéral allemand affiche d’importants surplus.

Par contre, l’affaiblissement des programmes sociaux au milieu des années 2000 a converti plusieurs chômeurs en travailleurs pauvres, ce qui crée beaucoup d’insécurité dans le pays, selon Le Monde diplomatique.

L’AfD a commencé à faire une percée significative dans les sondages à compter de 2015, année où l’Allemagne a accueilli un million de migrants.

Les rapports selon lesquels certains d’entre eux auraient agressé sexuellement des Allemandes à Cologne, le 31 décembre 2015, a fait grimper la popularité du parti dans les intentions de vote.

Tout comme l’attentat perpétré par un réfugié un an plus tard dans un marché de Noël de Berlin, une attaque qui a fait 12 morts.


« Les élus de l’AfD seront relativement peu nombreux dans le parlement allemand. Malgré tout, ils risquent de teinter les débats et d’influencer l’agenda politique. »

En entretien au Globe and Mail, Denis MacShane, un ancien ministre travailliste du Royaume-Uni, affirme que les partis marginaux peuvent parfois avoir une influence énorme.

Il donne l’exemple du UK Independance Party (UKIP). Son leader Nigel Farage n’avait pas de siège au parlement britannique, tandis que l’UKIP ne comptait que 20 députés au parlement européen.

Or, l’euroscepticisme a fait une percée important au Royaume-Uni, notamment auprès des conservateurs. Cette situation a d’ailleurs forcé le premier ministre conservateur David Cameron à tenir à un référendum sur l’appartenance du pays à l’UE en juin 2016.

On connaît la suite: le Brexit l’a emporté.

C’est pourquoi plusieurs observateurs estiment que l’AfD aura vraisemblablement un impact sur le débat public en Allemagne.

Les questions liées à l’immigration deviendront davantage d’actualité. On pourrait même voir le gouvernement durcir le ton à propos de l’ouverture des frontières, et ce, afin de couper l’herbe sous le pied à l’extrême droite.

Depuis des années, la droite modérée en France a tenté de faire la même chose afin d’affaiblir le Front national.

Mais sans succès.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand