Le Front national menace la survie de l'euro

Publié le 12/12/2015 à 09:24

Le Front national menace la survie de l'euro

Publié le 12/12/2015 à 09:24

(Photo: Shutterstock)

ANALYSE DU RISQUE - Peu importe le résultat des élections régionales en France ce dimanche, le Front national (FN) progresse dans les intentions de vote depuis des années. Ce qui accroît la possibilité - même mince - d'une victoire de Marine Le Pen à l'élection présidentielle de 2017, sinon à celle de 2022 ou de 2027. Ce qui pourrait sonner le glas de la zone euro.

Le programme du parti d'extrême droite est très clair: s'il prend le pouvoir, il sortira la France de la zone euro - 19 pays, dont l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Finlande et la Grèce - pour rétablir le franc français, qui a cessé d'être une unité de compte en 2002.

«La France doit préparer, avec ses partenaires européens, le retour aux monnaies nationales, qui permettra d'effectuer des dévaluations compétitives», peut-on lire noir sur blanc dans le programme du parti anti-Union européenne.

Le Front national affirme que la France «a été pénalisée par la politique monétaire européenne», et ce, depuis une trentaine d'années.

D'abord depuis 1983 par la surévaluation du franc maintenue par des taux d'intérêt trop élevés, ce qui aurait entraîné la perte «de centaines de milliers d'emplois», selon la formation de Marine Le Pen.

Puis par l'euro, car le FN affirme que le franc a été surévalué par rapport au mark allemand lors de la fixation des parités de conversion.

«Depuis l’introduction de l’euro, l’Allemagne est le seul pays de la zone à avoir amélioré le solde de son commerce extérieur, souligne le Front national dans son programme. Les balances commerciales de la France et de l’Italie, excédentaires jusque-là, sont désormais déficitaires.»

Onde de choc européenne et mondiale

Il va sans dire qu'une sortie de la France - la deuxième économie de l'union monétaire après l'Allemagne - de la zone euro aurait des conséquences majeures en France, en Europe et possiblement dans le monde.

L'onde de choc serait beaucoup plus importante que celle que les analystes et les marchés financiers anticipaient pour la Grèce en 2015, dont la taille de l'économie est 12 fois plus petite que celle de la France.

Les investisseurs devraient alors gérer à la fois des risques géopolitiques, économiques et financiers, et ce, dans un climat extrême d'incertitude et d'instabilité.

Avant tout en France.

- Les coûts d'emprunt du pays bondiraient sur les marchés obligataires.

- Le nouveau franc serait dévalué, ce qui stimulerait les exportations françaises, mais ferait bondir aussi du coup les coûts des importations.

- L'économie française - déjà stagnante - pâtirait d'une sortie de la zone euro à court et moyen termes.

- La Bourse française chuterait, entraînant dans son sillage la valeur boursière de plusieurs entreprises du pays.

La situation ne serait guère plus reluisante ailleurs en Europe.

- L'euro perdrait de sa valeur.

- Des investisseurs européens et internationaux vendraient leurs actifs libellés en euro pour se tourner vers le dollar américain, la valeur refuge lors des crises.

- Les coûts d'emprunt d'autres pays de la zone euro augmenteraient sans doute, surtout ceux dont la situation financière est fragile comme la Grèce.

La planète financière n'échapperait sous doute pas à la crise, avec les principales places boursières entraînées dans la tourmente, et ce, de New York à Hong Kong en passant par Toronto.

L'Allemagne resterait-elle dans la zone euro?

Mais plus que tout, quelle serait la réaction allemande? 

L'Allemagne, qui est entrée dans la zone euro à reculons, sous les pressions du gouvernement français, voudrait-elle toujours demeurer dans une zone euro affaiblie et amputée de la France?

L'Allemagne pourrait certes décider de garder l'euro malgré tout. C'est possible.

Mais que se passerait-il si les Allemands jetaient l'éponge, pour retourner au mark?

On voit difficilement comment la zone euro pourrait alors survivre après la sortie successive de la France et de l'Allemagne, les deux pays qui forment le coeur de l'union monétaire européenne.

La zone euro pourrait alors volet en éclat. Et la crise économique et financière deviendrait mondiale.

Et là, nous entrerions dans un scénario où les conséquences politiques, sociales, économiques et financières sont difficilement mesurables.

Le calme reviendrait sans doute un jour, avec le rétablissement des monnaires nationales en Europe. Mais après une grosse, une très grosse tempête.

Seriez-vous prêt à l'affronter?

Avez-vous même commencé à anticiper ce risque?

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand