L'extrême droite fait encore des gains en Europe

Publié le 31/10/2015 à 09:15

L'extrême droite fait encore des gains en Europe

Publié le 31/10/2015 à 09:15

La présidente du Front national Marine Le Pen.

ANALYSE - C'était écrit dans le ciel. Les partis politiques d'extrême droite gagnent du terrain en Europe en raison de la crise des migrants, même en Allemagne. Une situation qui représente non seulement un risque pour la démocratie européenne, mais aussi pour les investisseurs à long terme.

Les investisseurs qui ont des placements en Europe ou qui comptent y investir un jour devront donc apprendre à gérer ce risque géopolitique, disent des analystes. Pourquoi?

Parce que les partis d'extrême droite, comme le Front National en France, sont d'abord «eurospectiques», c'est-à-dire qu'ils sont contre l'Union européenne et l'euro. Ils sont aussi hostiles au libéralisme économique et au libre-échange.

Cela dit, la probabilité que des partis d'extrême droite prennent un jour le pouvoir en Europe est très mince, s'entendent pour dire les politologues. Par contre, leur popularité croissante influence de plus en plus les politiques publiques en Europe.

Aussi, lorsqu'un parti d'extrême droite siège par exemple au sein d'un gouvernement de coalition en Europe, il n'est pas rare que le gouvernement propose des mesures protectionnistes défavorables aux investisseurs étrangers.

Les partis d'extrême droite sont aussi farouchement opposés à l'immigration, qui est vue comme une menace à l'identité européenne.

L'Europe est une société vieillissante, comme le Québec, du reste. Si elle se prive d'immigrants, elle risque de miner le potentiel de croissance de son économie et de ses entreprises, préviennent les économistes.

C'est pourquoi la montée des partis d'extrême droite en Europe constitue un risque géopolitique croissant pour les investisseurs.

Par exemple, le 18 octobre, en Suisse, le parti d'extrême droite Union démocratique du centre (UDC) a renforcé sa position lors des élections fédérales qui se sont déroulées sur fond de crise des migrants.

L'UDC, qui déjà la première formation politique du pays, représente désormais près du tiers du parlement suisse.

Et la Suisse est loin d'être une exception.

Les partis politiques xénophobes sont en progression dans plusieurs pays européens, nous apprend Le Monde. Voici quelques exemples:

Autriche: aux élections régionales en Haute-Autriche, le 27 septembre, le Parti de la liberté (FPÖ) a récolté 30,4% des voix, soit 15,1 points de plus qu'en 2009.

Suède: l'extrême droite est en progression dans ce pays qui accueille le plus grand nombre de migrants en proportion de sa population. Le 20 août, un sondage plaçait les Démocrates de Suède (SD) en tête de toutes les formations politiques suédoises, avec 25% des voix.

Pays-Bas: fin septembre, un sondage donnait au Parti pour la liberté 25 sièges sur 150 à la Chambre des députés, soit 17% de la représentation. Ce qui représente 10 sièges de plus que lors de la dernière législative.

Italie: les sondages confirment la progression de la Ligue du Nord. Ce serait presque trois fois plus que le résultat obtenu lors des élections générales de 2013 et le double du score des élections européennes de 2014.

Même en Allemagne, un pays qui s'était pourtant démarqué par son ouverture envers les migrants, on voit maintenant l'extrême droite gagner du terrain, le tout accompagné d'un discours haineux, dont certains propos font même référence aux camps d'extermination nazis, rapporte le quotidien Bild.

Un récent sondage montre que la formation Alternative pour l'Allemagne (AfD) recueille un record de 7,5% des intentions de vote dans un pays où l'extrême droite est marginale depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Prévue par plusieurs analystes, cette poussée de l'extrême droite en Europe survient alors que plus de 643 000 réfugiés et migrants sont entrés dans l'Union européenne depuis janvier, selon l'Organisation des Nations unies.

À elle seule, l'Allemagne devrait en recevoir au moins 800 000 en 2015. Toute proportion gardée, c'est comme si le Québec accueillait environ 80 000 réfugiés et migrants en un an.

Ces immigrants proviennent d'Afrique, d'Asie centrale et du Moyen-Orient. La plupart d'entre eux fuient toutefois la guerre civile en Syrie.

Les prochains mois d'hiver, froids et humides, devraient réduire le flux de réfugiés en Europe, estiment plusieurs observateurs. Mais il devrait reprendre à compter du printemps 2016.

Aussi, à moins d'un revirement spectaculaire, les partis d'extrême droite devraient continuer leur progression en Europe.

Une situation qui pose tout un défi pour les partis modérés (droite, centre, gauche) en Europe, qui devront tenter de trouver un moyen de contrer le discours xénophobe de l'extrême droite.

Mais pourront-ils y arriver?

 

 

 

 

 

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand