États-Unis: un scénario de stabilité, trois d'instabilité

Offert par Les Affaires


Édition du 28 Octobre 2020

États-Unis: un scénario de stabilité, trois d'instabilité

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Édition du 28 Octobre 2020

(Photo: Michael Tuszynski pour Unsplash)

ZOOM SUR LE MONDE. Le climat entourant la présidentielle du 3 novembre, aux États-Unis, crée de l'incertitude en raison de la division de la société et de la possibilité que les deux camps ne reconnaissent pas la victoire de l'autre en cas d'un résultat serré. Dans ce contexte, quatre scénarios sont possibles, mais un seul assure une certaine stabilité aux entreprises et aux investisseurs canadiens.

Le magazine Foreign Policy affirme même qu'il s'agit de l'élection la plus importante de l'histoire des États-Unis, car «le sort de la république américaine - et du monde - pourrait dépendre de ce qui se passera le 3 novembre». Rien de moins. Les historiens rétorqueront que le pays a vécu des scrutins dans des conditions bien pires depuis la première élection en 1792.

Par exemple, la présidentielle de 1864 s'est déroulée en pleine guerre civile (de 1861 à 1865) dans une société divisée comme jamais entre le nord industriel et le sud esclavagiste. Le président républicain Abraham Lincoln a été réélu sans grande surprise puisque aucun des États confédérés n'a participé au scrutin.

Pour autant, le duel qui oppose en 2020 le républicain Donald Trump au démocrate Joe Biden a de quoi inquiéter, d'autant plus qu'une partie du résultat du vote par anticipation ne sera connu qu'après le 3 novembre.

 

1. Victoire décisive de Biden

C'est le scénario le plus probable, selon les sondages. Il y aurait alors peu de contestations, et les manifestations des pro-Trump seraient probablement limitées, puisque le président devrait concéder la victoire.

Pour obtenir une telle victoire, Biden doit par contre remporter haut la main le vote populaire, en plus de rafler une forte majorité de grands électeurs (la majorité simple est de 270 sur 538), souligne Charles-Philippe David, président de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques à l'UQAM.

Ce mardi 3 novembre, la moyenne des sondages agrégés indique que le candidat démocrate récoltait 53,4 % des intentions de vote, comparativement à 45,4 % pour le président républicain, selon le site FiveThirtyEight. Sur les 538 grands électeurs, Biden récoltait 348 votes contre seulement 190 pour Trump.

 

2. Victoire serrée de Biden

C'est un scénario plausible. Pierre Martin, professeur au Département de science politique à l'Université de Montréal, dit qu'on peut considérer que Joe Biden aura une victoire serrée s'il remporte seulement de 270 à 300 grands électeurs.

L'incertitude pourrait s'aggraver s'il y a des luttes serrées dans certains États (qui désignent les grands électeurs en reproduisant le vote populaire) avec des écarts inférieurs à 1 %.

Il y aurait alors des recomptages et des contestations, qui pourraient s'accompagner de manifestations des partisans de Trump (incluant des milices), d'autant plus si le président sortant refuse de concéder la victoire prétextant une fraude électorale.

Par contre, si la victoire de Biden est confirmée par les autorités, Donald Trump devra partir - son mandat se termine légalement le 20 janvier 2021 et les institutions de l'État américain, incluant l'armée, sont fidèles à la république et au président élu.

 

3. Égalité

Une égalité (269 grands électeurs de part et d'autre) serait le pire scénario, car il plongerait le pays dans une crise politique. Par contre, la Constitution américaine a prévu un tel scénario, souligne Louis Balthazar, spécialiste en politique américaine et professeur émérite de science politique à l'Université Laval.

L'élection présidentielle, aux États-Unis, se déroule toujours en trois temps. Le peuple vote pour les grands électeurs de leur État en novembre. Les grands électeurs votent ensuite pour le président et le vice-président dans chaque État en décembre. Enfin, le Congrès procède au dépouillement complet de tous les votes des grands électeurs en janvier.

Si aucun candidat n'obtient 270 voix, la Chambre des représentants et le Sénat prennent alors le relais et élisent respectivement le président et le vice- président. Comme le nouveau Congrès sera élu le 3 janvier, c'est ce nouveau Congrès qui aurait cette responsabilité.

Toutefois, pour élire le président dans ces circonstances à la Chambre, il y aurait seulement 50 votes (soit un par État, en fonction de quel parti y détient la majorité des sièges), même si cette assemblée compte 435 représentants.

Or, actuellement, les républicains auraient la majorité simple avec 26 États rouges. Reste à voir, toutefois, s'ils préserveront cette majorité si jamais il y avait une vague bleue dans le pays à la suite de l'élection présidentielle (la Chambre des représentants est renouvelée chaque deux ans).

 

4. Une victoire surprise de Trump

Même si ce scénario est improbable, il ne faut pas l'écarter, c'est la grande leçon de l'élection de novembre 2016.

Pour autant, une seconde victoire très serrée de Trump ne signifierait pas «business as usual». En effet, là aussi, il y aurait des contestations de la part des démocrates, et probablement du grabuge dans les rues.

Bref, dans ce contexte, le seul scénario qui semble assurer une transition relativement en douceur et calme le 3 novembre est une victoire décisive de Joe Biden.

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand