Destitution de Trump: les marchés ne «s'effondreraient» pas

Publié le 24/08/2018 à 17:00

Destitution de Trump: les marchés ne «s'effondreraient» pas

Publié le 24/08/2018 à 17:00

Le président américain Donald Trump (Source: Getty)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE – Si le passé est garant de l’avenir, la possibilité que le Congrès américain amorce le processus de destitution de Donald Trump ne provoquerait pas l’effondrement des marchés financiers, comme l’affirmait cette semaine le président.

Aux États-Unis, l’impeachment (mise en accusation) permet au Congrès formé du Sénat et de la Chambre des représentants de destituer un haut fonctionnaire, incluant le président, pour trahison, corruption et autres crimes et délits majeurs.

Selon plusieurs analystes, le Congrès pourrait lancer un processus de destitution contre Donald Trump, s’il est confirmé que le président républicain a bel et bien tenté d’étouffer l’enquête du FBI sur son ancien conseiller à la sécurité nationale.

Mais pour l’instant, le lancement d’une telle procédure est très hypothétique, car les républicains contrôlent à la fois la Chambre des représentants et le Sénat.

Par contre, les élections de mi-mandat en novembre (tous les représentants seront en réélection, tandis que le tiers des sénateurs défendront leur siège) pourraient changer la donne.

Tout se jouera aux élections de mi-mandat

Car si les démocrates reprenaient le contrôle de la Chambre des représentants, celle-ci pourrait alors mettre en accusation Donald Trump (à la majorité simple, comme une loi), s’il s’avérait qu’il a tenté d’étouffer l’enquête du FBI.

Le président américain aurait alors deux options : démissionner ou subir un procès devant le Sénat, dont l’issu pourrait le forcer à démissionner s’il était reconnu coupable par les deux tiers des élus.

Les marchés financiers s’effondreraient-ils le cas échéant?

La probabilité est très mince, car il y a des précédents dans l’histoire américaine, et la Bourse ne s’est jamais effondrée.

Depuis la fondation des États-Unis, deux présidents américains ont été mis en accusation.

Le premier est le démocrate Andrew Johnson, en 1868, à qui on reprochait d’avoir violé le Tenure Office Act, qui vise à restreindre le pouvoir du président d’expulser des titulaires de charges publiques sans l’accord du Sénat.

Le second est le démocrate Bill Clinton, en 1998, pour avoir prétendument induit en erreur un grand jury à propos de sa liaison extraconjugale avec la stagiaire Monica Lewinsky à la Maison-Blanche.

Dans ces deux cas, il n’y a pas eu suffisamment de votes pour les destituer.

Quant au président républicain Richard Nixon, éclaboussé par le fameux scandale du Watergate (une affaire d’espionnage politique), il a préféré démissionner en 1974 face à la quasi-certitude d’une destitution.

Andrew Johnson : la Bourse clôture l’année à la hausse

Regardons maintenant le comportement de la Bourse américaine dans ces trois cas, en commençant par le président Andrew Johnson.

Pour mettre les choses en perspective, l’indice phare de la Bourse de New York, le Dow Jones Industrial Average (DJIA), n’existait même pas en 1868 (Charles Dow l’a fondé en 1884), souligne le magazine Forbes.

Durant la crise constitutionnelle de 1868, la Bourse a baissé, selon les recherches de la défunte banque d’affaires Lehman Brothers. Mais elle a ensuite remonté dans les mois suivant l’acquittement de Johnson.

Et pour l’ensemble de 1868, la Bourse a même terminé en hausse de 19%, selon la Stern School of Business de lUniversité de New York.

Richard Nixon : la Bourse chute, mais pour d’autres raisons

Pour ce qui est de Richard Nixon, le Dow Jones a perdu 28% de sa valeur en 1974, l’année de sa démission, rapporte le New York Times.

Mais selon les stratèges boursiers interrogés par le quotidien, les actions auraient de toute manière chuté, même si Nixon n’avait pas démissionné.

À l’époque, les États-Unis faisaient face à une hausse des taux d’intérêt et de l’inflation, à une flambée des prix du pétrole (en raison du premier choc pétrolier, en 1973) et à une réduction de la masse monétaire.

Bill Clinton : aucun impact, business as usual

Dans le cas de la mise en accusation de Bill Clinton, en décembre 1998, la Bourse a continué sa progression fulgurante amorcée au début des années 1990 dans la foulée du boom des titres technologiques, et ce, jusqu’en mars 2000.

La Bourse s’est certes effondrée à partir du printemps 2000, mais uniquement en raison l’éclatement de la bulle technologique, disent les spécialistes.

Ainsi, à la lumière de l’histoire financière, on constate que les deux procédures destitution intentées contre les présidents Johnson et Clinton et la démission de Nixon ont eu un impact mineur sur la Bourse.

Le lancement d’une éventuelle procédure contre Donald Trump aurait-il un impact sur la Bourse? Probablement un peu, car les marchés financiers sont plus sensibles qu’ils ne l’étaient dans les années 1860, 1970 et 1990.

Toutefois, ils ne s’effondreraient pas, nous apprend l’histoire financière.

Et si les marchés devaient reculer de manière importante dans les prochains mois, ce serait plutôt parce que nous sommes rendus à la fin d’un long cycle boursier, amorcé après la crise financière de 2007-2008.

Bref, comme dans le cas de Richard Nixon, ce serait la conjoncture économique qu’il faudrait pointer du doigt, pas les déboires d’un président.

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand