Comment Donald Trump bouleverse l'économie

Publié le 13/07/2019 à 08:27

Comment Donald Trump bouleverse l'économie

Publié le 13/07/2019 à 08:27

Le président des États-Unis Donald Trump

Le président américain Donald Trump (Photo: Getty Images)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE – On s’en doutait, mais des rapports le confirment: les politiques économiques de Donald Trump multiplient les entraves au commerce international et commencent à freiner le transport maritime ainsi que la production industrielle dans le monde.

Dans un rapport publié le 24 juin, l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le chien de garde de la fluidité des échanges internationaux, affirme que ces barrières commerciales (tarifs douaniers, embargos sur les importations, nouvelles procédures douanières pour exporter) ont atteint un «sommet dramatique».

Le rapport de l’OMC s’intéresse en particulier aux mesures mises en place par les membres du G20, dont les membres se sont réunis au Japon, les 28 et 29 juin. Ce club des principales économies de la planète regroupe des pays comme les États-Unis, la Chine, l’Allemagne, le Brésil, le Canada, l’Afrique du Sud et l’Australie.

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Ainsi, sur une période de sept mois seulement, entre la mi-octobre 2018 et la mi-mai 2019, les pays du G20 ont adopté 20 nouvelles restrictions au commerce.

Ces nouvelles entraves couvrent des échanges commerciaux totalisant 336 milliards de dollars américains (environ 20% de la valeur du PIB canadien), soit le second niveau le plus élevé depuis que l’OMC analyse ce phénomène, en mai 2012.

Durant la période précédente d’observation, les restrictions au commerce international se sont élevées à 491 G$US.

Si on les regroupe, ces deux périodes illustrent avec éloquence à quel point les entraves au commerce ont explosé depuis deux ans, souligne l’OMC dans son rapport.

Une situation qui inquiète d’ailleurs au plus haut point le directeur général de l’organisation, Roberto Azevedo.

«La tendance stable que nous avons observée durant près d'une décennie depuis la crise financière a été remplacée par une augmentation importante de l'ampleur des mesures de restriction au commerce», déplore-t-il dans un communiqué.

Cela dit, les pays membres du G20 n’implantent pas que des mesures protectionnistes.

De mai à octobre, ils ont mis en place pas moins de 29 mesures pour réduire les entraves au commerce, couvrant pour une valeur de 397,2 G$US d’échanges commerciaux.

Par contre, l’esprit libre-échangiste bat de l’aile, car leur nombre est en fait le plus le faible enregistré en moyenne par mois depuis que l'OMC compile ces statistiques, rapporte l’agence Reuters.

En revanche, les entraves au commerce adoptées dans le monde sont actuellement 3,5 fois plus élevées que la moyenne historique calculée depuis 2012.

L‘OMC ne cite pas les États-Unis et la Chine dans son rapport, mais ce sont ces deux pays qui sont en grande partie responsables de l’explosion des barrières au commerce dans le monde, disent les spécialistes.

L’impact sur le transport maritime et la production industrielle

La multiplication de ces nouvelles restrictions au commerce est inquiétante, car elles ont de plus en plus d’impacts sur l’économie mondiale. D’ailleurs, selon le Wall Street Journal, les tarifs élevés imposés par les États-Unis et les autres entraves aux échanges ont ralenti les flux commerciaux dans le monde.

L’armateur danois Maersk, qui gère près de 20% des capacités de transport par conteneurs dans le monde, estime pour sa part que la guerre commerciale entre Washington et Pékin pourrait réduire du tiers les volumes de conteneurs en 2019.

Des signes précurseurs semblent confirmer les craintes de l’armateur Maersk, selon une récente analyse du CPB Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis, basé aux Pays-Bas

Ainsi, les échanges commerciaux dans le monde ont reculé de 0,7% de mars à avril.

Ce recul tient en grande partie au fait que les importations américaines ont diminué de 2,6%, tandis que les exportations des pays asiatiques émergents (incluant celles de la Chine) ont chuté de 5,3%.

Autre phénomène inquiétant: la diminution du commerce international tire aussi par le baisse la production des entreprises.

Ainsi, selon l’institut de recherche néerlandais, la production manufacturière mondiale était en avril 0,8% moins élevée qu’elle ne l’était en mars. Et, au premier trimestre, la production industrielle avait seulement augmenté de 0,1%.

Une accélération du protectionnisme sous Trump

On peut critiquer les politiques économiques de Donald Trump, mais l’actuel président n’a pas inventé le protectionnisme américain, on l’oublie trop souvent.

C’est en fait une constante de l’histoire américaine depuis la déclaration d’indépendance en 1776. C’est seulement après la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) que les États-Unis sont devenus un pays libre-échangiste, rappellent les historiens de l’économie.

Le renversement s’est fait lors de la dernière récession mondiale de 2008-2009.

Après cette crise sans précédent depuis la Dépression des années 1930, les États-Unis dirigés alors par le président démocrate Barack Obama ont mis en place plusieurs barrières tarifaires et non tarifaires afin de protéger certaines industries américaines.

Washington a aussi renforcé des mesures telles que le Buy America, qui encadre le niveau de contenu américain exigé pour les projets de transport public aux États-Unis.

En revanche, l’administration Trump a porté le protectionnisme a de nouveaux sommets, comme ont pu le constater les Canadiens lors de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

Chose certaine, les politiques économiques de Donald Trump commencent à avoir un impact inquiétant sur le commerce international, l’économie et les entreprises.

Si elles protègent des industries moins compétitives, les entraves au commerce pénalisent en revanche d’autres industries, sans parler des consommateurs qui voient les prix des produits importés augmenter, réduisant du coup leur pouvoir d’achat, soulignent les économistes.

Force est de constater qu’on ne semble pas comprendre complètement cette logique mathématique à la Maison-Blanche.

P.S. Cette analyse fera relâche jusqu'au samedi 3 août.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand