Brexit: on respire par le nez!

Publié le 20/02/2016 à 09:19

Brexit: on respire par le nez!

Publié le 20/02/2016 à 09:19

(Photo: Shutterstock)

ANALYSE DU RISQUE - Le Royaume-Uni pourrait sortir de l'Union européenne à la suite d'un référendum prévu à la fin juin. Ce qui serait catastrophique pour l'économie britannique, affirme Bank of America Merrill Lynch. Les investisseurs peuvent toutefois dormir sur leurs deux oreilles, car ce scénario «catastrophique» est largement exagéré.

Exagéré, car plusieurs États européens prospères ne sont pas membres du bloc des 28 pays de l'UE, comme l'Islande, la Norvège ou la Suisse. Les analystes de la banque américaine le reconnaissent d'ailleurs du bout des lèvres.

«À terme, le Royaume-Uni pourrait survivre à l'extérieur de l'UE; d'autres pays le font», écrivent-ils dans une analyse publiée l'automne dernier.

Mais cette survivance, selon eux, ne signifie pas que l'économie britannique s'en porterait mieux pour autant.

Pis encore: les retombées économiques «pourraient être aiguës si le pays choisissait de se retirer du processus de mondialisation», préviennent les analystes de Bank of America Merrill Lynch.

Allons au coeur du débat: l'appartenance à l'UE est-elle un gage de prospérité économique? Le niveau de vie en Islande, en Norvège et en Suisse montre que cela n'est pas un prérequis.

Selon le Fonds monétaire international (FMI), ces trois pays se classaient en 2014 dans le top dix en Europe pour le PIB nominal par habitant (en dollars américains).

- Luxembourg (111 716$)

- Norvège (97 013$)

- Suisse (87 475$)

- Danemark (60 564$)

- Suède (58 491$)

- La République de Saint-Marin (56 820$)

- Irlande (53 462$)

- Pays-Bas (51 373$)

- Autriche (51 307$)

- Islande (51 262$)

Bien entendu, le pétrole - les prix étaient encore élevés dans la première moitié de 2014 - explique en grande partie la prospérité collective des Norvégiens. Cela dit, la Suisse et l'Islande n'ont pas de pétrole...

Attaquons-nous maintenant à l’enjeu de la mondialisation.

Le Royaume-Uni peut-il se retirer du processus de mondialisation à la suite d'une éventuelle sortie de l'UE?

Avant de répondre à cette question, voici quelques statistiques.

Le Royaume-Uni - et la Suisse d'ailleurs - figure déjà parmi les économies les plus ouvertes au commerce international et à l'investissement étranger, selon le 2016 Index of Economic Freedom, publié par la Heritage Fondation, un think tank conservateur.

1. Hong Kong

2. Singapoor

3. Nouvelle-Zélande

4. Suisse

5. Australie

6. Canada

7. Chili

8. Irlande

9. Estonie

10. Royaume-Uni

Par conséquent, l'appartenance à l'Union européenne n'est pas nécessairement un gage d'ouverture sur le monde puisque les sept premiers pays de ce top 10 n'appartiennent pas à l'UE.

Maintenant, faisons l'hypothèse que le Royaume-Uni quitte le bloc des 28 pays de l'Union. L'économie britannique deviendrait-elle moins ouverte sur le monde?

En fait, cela dépendra des politiques et des lois qu'adopteront les gouvernements britanniques à long terme.

Or, si on se réfère à l'histoire du Royaume-Uni depuis deux siècles, ce pays a toujours été la plupart du temps en faveur du libre-échange et de la mondialisation, sans parler du statut de Londres, une grande capitale financière.

Pourquoi cette culture d'ouverture sur le monde changerait-elle du jour lendemain advenant un Brexit?

Cela dit, un tel scénario aurait probablement des impacts économiques et financiers à court terme.

Les coûts d'emprunt du pays pourraient par exemple augmenter sur les marchés obligataires. La livre sterling pourrait se déprécier par rapport aux principales devises. Certains évoquent même le déménagement de sièges sociaux de multinationales vers d'autres pays de l'UE comme la France ou les Pays-Bas.

Le Royaume-Uni devrait aussi négocier avec Bruxelles pour conclure une entente de libre-échange avec les autres pays de l'Union.

L'Islande a du reste déjà ce type de partenariat avec l'UE, par le biais de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE). Il assure la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes entre l'Islande et les 28 pays de l'Union.

On le voit bien, un Brexit ne serait pas nécessairement une catastrophe économique et financière pour le Royaume-Uni.

Est-ce qu'il y aurait des impacts à court terme? Bien entendu, mais rien d'insurmontable pour une économie innovante, moderne et diversifiée comme celle du Royaume-Uni.

Pour reprendre une expression célèbre bien britannique: Keep Calm and Carry On!

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand