Brexit: beaucoup d'incertitude pour nos entreprises

Publié le 28/03/2016 à 16:37

Brexit: beaucoup d'incertitude pour nos entreprises

Publié le 28/03/2016 à 16:37

Source photo: Shutterstock

ANALYSE DU RISQUE - Oubliez les scénarios apocalyptiques: un éventuel «Brexit» ne causerait pas de catastrophes économiques au Royaume-Uni et en Europe. En revanche, une sortie du pays de l'Union européenne créerait beaucoup d'incertitude pour les entreprises canadiennes, disent des spécialistes.

Le 23 juin, les Britanniques décideront lors d'un référendum si le Royaume-Uni doit rester ou non dans l'UE. Selon le quotidien The Telegraph, la moyenne des six derniers sondages montre que 51% des Britanniques souhaitent le maintien du Royaume-Uni dans l'Union, tandis que 49% d'entre eux veulent son départ.

C'est dire à quel point le résultat sera serré.

Advenant un vote en faveur d'une sortie de l'UE, cela créerait de l'incertitude pour les entreprises canadiennes qui exportent au Royaume-Uni, sans parler des sociétés d'ici qui y ont une filiale afin de vendre leurs produits dans le reste de l'UE.

Le futur accord de libre-échange Canada-UE est un enjeu majeur pour ces entreprises, car ce traité cessera de s'appliquer au Royaume-Uni une fois la sécession de l'Union officialisée.

Nos entreprises ne bénéficieraient donc plus alors de l'abolition des barrières tarifaires et non tarifaires prévue dans cet accord (qui pourrait entrer en vigueur en 2017).

Toutefois, à court terme, un Brexit n'aurait pas d'impact sur les exportateurs, affirme Xavier Van Overmiere, avocat-conseil spécialisé en commerce international chez Dentons.

Deux ans pour conclure le divorce

Pourquoi? Parce que Londres et Bruxelles devront négocier le départ du Royaume-Uni, comme le prévoit l'article 50 du traité de Lisbonne. Or, pendant ce temps, tous les traités liant le pays à l'Union resteront en vigueur.

«Et si les deux partis ne s'entendent pas, les traités, incluant l'accord de libre-échange Canada-UE, resteront en vigueur pendant un maximum de deux ans», dit-il.

Ce qui signifie que le libre-échange prendrait fin au plus tard le 23 juin 2018, soit deux ans après un vote en faveur du Brexit.

Angelo Katsoras, analyste géopolitique à la Banque Nationale Marchés des capitaux, croit qu'on surestime la rationalité de ce processus de sécession, et qu'il y aurait rapidement des problèmes d'accès au marché européen.

«La colère des Européens serait tellement énorme en cas d'un Brexit, dit-il. Dans ce genre situation, 90% des décisions seraient prises sur une base émotionnelle.»

Selon lui, Bruxelles pourrait rapidement limiter l'accès du marché de l'Union européenne aux entreprises implantées au Royaume-Uni, incluant les sociétés étrangères.

«Les autorités européennes seront dures avec le Royaume-Uni pour ne pas encourager d'autres pays à quitter l'Union européenne», affirme Angelo Katsoras.

Les Français veulent aussi un référendum

Et la tentation se manifeste déjà ailleurs en Europe.

Par exemple, si elle prend le pouvoir en France, la présidente du Front national, Marine Le Pen, s'est engagée à tenir un référendum sur l'appartenance de son pays à l'UE.

Au début du mois de mars, une étude de l'Université d'Édimbourg, en Écosse, montrait que 53% des Français souhaitaient se prononcer sur l'adhésion de la France à l'Union. Et des citoyens en Espagne, en Allemagne et en Suède aimeraient aussi être consultés à ce sujet.

Le risque d'autres sécessions est donc réel.

Cela dit, des spécialistes estiment que Londres fera sans doute l'impossible pour garder son marché ouvert aux entreprises étrangères, tout en maintenant ses échanges économiques avec les 27 autres pays de l'Union européenne.

Et l'un de ces moyens pourrait être d'adhérer à l'Association européenne de libre-échange (AELE), avec lequel le Canada a accord de libre-échange depuis 2009.

Créée en 1960, l'AELE comprend la Norvège, l'Islande, la Suisse et le Liechtenstein. Or, de 1960 à 1973, le Royaume-Uni a fait partie de cette association. Mais il l'a quittée à époque pour joindre... l'Union européenne.

Autre facteur qui pourrait limiter l'impact d'un Brexit: trois des quatre pays de l'AELE (à l'exception de la Suisse) font partie de l'Espace économique européen (EEE), soit l'union économique liant ces trois pays aux 28 pays de l'Union européenne.

Cet accord assure notamment la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et personnes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand