Bombardier reçoit beaucoup moins d'aides que ses rivaux

Publié le 27/09/2017 à 14:22

Bombardier reçoit beaucoup moins d'aides que ses rivaux

Publié le 27/09/2017 à 14:22

ANALYSE GÉOPOLITIQUE - Aux États-Unis et en Europe, Boeing et Airbus reçoivent beaucoup d'argent via des programmes. Voici lesquels.

Boeing se plaint le ventre plein. La décision du département américain du Commerce (DOC) d’imposer des tarifs compensateurs à Bombardier Aéronautique à la suite de la plainte de Boeing relance le débat sur l’aide à cette industrie dans le monde. Or, comparé à d'autres pays, le Canada aide peu cette industrie.

En fait, le Canada est le pays qui contribue le moins à l'aérospatiale, affirment les spécialistes. Un rapport réalisé en 2012 pour le gouvernement fédéral («Examen de l'aérospatiale», qui n’a pas été mis à jour depuis) le confirme également.

Ainsi, en 2009, le Canada finançait 16 % des dépenses de R-D de l'industrie, soit quatre fois moins qu'aux États-Unis à 63 %. C'était aussi inférieur à la situation en France (27 %) et au Royaume-Uni (21 %).

Cette comparaison a été faite bien avant la création de la Société en commandite Cseries, en juin 2016. À la fin de 2015, le gouvernement du Québec avait annoncé un investissement stratégique de 1,3 milliard de dollars pour aider l’avionneur québécois à développer son programme phare, le CSeries. Ottawa a pour sa part injecté 372,5 M$ pour développer l'appareil (incluant une somme pour l'avion d'affaires Global 7000).

Malgré tout, les ordres de grandeur demeurent les mêmes, disent les spécialistes de l’industrie.

Mais attention, il est difficile de comparer des pommes avec des pommes, étant donné la nature variée du soutien financier des gouvernements (subventions à la R-D, congés fiscaux, dépenses militaires, participations dans l'actionnariat), soulignait Karl Moore, spécialiste en stratégie et en organisation à l'Université McGill, dans une entrevue accordée à Les Affaires en 2015.

Cela dit, on peut néanmoins mettre les choses en perspective.

Comment Washington aide Boeing

Aux États-Unis, Boeing reçoit des subventions d'au moins 22 milliards de dollars américains par année (27,1 G$ CA), principalement par l'intermédiaire de programmes et de contrats de la NASA et du département de la Défense, selon un rapport de la Commission européenne (CE). Cela ne tient pas compte de l'aide versée par les États et les villes du pays, où Boeing a des activités.

Ces 22 G$US représentent près du quart (23%) des revenus de Boeing, qui s’élevaient à 94,6 G$US au 31 décembre 2016.

Les subventions militaires et celles liées à l'espace l'aident à développer des matériaux composites pour ses avions commerciaux. Ainsi, chez Boeing, ce sont davantage les dépenses militaires qui financent la R-D pour les appareils civils que ses capitaux, selon la Commission européenne.

Or, ce type de subventions militaires n'existent pas au Canada, car le pays n'a pas d'industrie militaire, souligne Jacques Roy, spécialiste en transport à HEC Montréal.

En Europe, les gouvernements soutiennent aussi le groupe Airbus, affirment les spécialistes.

Ils le font non seulement par des dépenses militaires, mais aussi par des programmes pour développer des technologies de pointe, dont le FP7 (7th Framework Programme for Research and Technological Development).

De 2007 à 2013, les gouvernements européens ont versé 50 milliards d'euros (73 G$ CA) de subventions. Et l’aérospatiale a eu la part du lion de ces fonds, selon Mehran Ebrahimi, professeur à l'ESG UQAM et directeur du Groupe d'étude en management des entreprises de l'aéronautique (GEME Aéro)

Financer les technologies du futur

L'industrie européenne bénéficie aussi du programme Clean Sky, un partenariat public-privé (PPP). Ce programme aide des entreprises comme Airbus, Safran ou Thalès à construire des avions moins énergivores.

L'Union européenne verse donc des sommes importantes pour aider les entreprises du vieux continent à développer des technologies du futur.

Par exemple, l'UE injectera au moins 1,8 milliard d’euros (2,6 G$ CA) dans le Clean Sky 2, qui s’échelonnera de 2013-2023.

Des gouvernements européens ont aussi une participation dans le groupe Airbus. Au 30 juin 2017, la France, l'Allemagne et l'Espagne détenaient respectivement 11,1 %, 11,1 % et 4,2 % du capital-actions de la société.

Ce mardi 26 septembre, la valeur de l'investissement de Paris et de Berlin - les deux principaux actionnaires - dans la multinationale s'élevait à 6,7 milliards d’euros (9,8 G$ CA), tandis que celle de Madrid totalisait 2,5 milliards d’euros (3,6 G$ CA), selon Bloomberg.

En Asie, les gouvernements soutiennent aussi leur industrie, expliquent les spécialistes.

En Chine, le premier avion moyen-courrier C919 dévoilé par l'avionneur chinois COMAC en novembre 2015 a été financé à 100 % par Beijing. Au Japon, le gouvernement a financé plus de 60 % des coûts de développement de l'avion régional MRJ de Mitsubishi.

Et au Brésil, les gouvernements ont allongé au moins 2,5 G$US (3,1 G$CA) pour financer le développement des avions régionaux d'Embraer, selon le GEME Aéro.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand