Transition énergétique : prêt, pas prêt, on la fait ?

Publié le 29/11/2018 à 10:27

Transition énergétique : prêt, pas prêt, on la fait ?

Publié le 29/11/2018 à 10:27

D’ici 2030, le gouvernement du Québec vise à réduire de 40 % la consommation de pétrole et à améliorer de 15 % l’efficacité énergétique. Réaliste ? Pierre-Olivier Pineau, professeur titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, parlera des défis de la transition énergétique lors du Sommet Énergie, présenté par les Événements Les Affaires le 29 janvier prochain.

Sommes-nous prêts à consommer moins de pétrole ?

Pierre-Olivier Pineau : Pas encore. Même si on parle beaucoup de changements climatiques, il y a une déconnexion entre le discours scientifique et les comportements des citoyens d’une part, et les politiques des gouvernements d’autre part. Au Québec, le taux de véhicules par 1000 habitants ne cesse d’augmenter. Et il y a de plus en plus de camions légers. La bonne nouvelle toutefois, c’est que la montée des taux d’intérêt pourrait déclencher un changement dans les comportements. Les gens auront peut-être moins tendance à s’endetter pour acheter un véhicule de gros calibre… Quant aux gouvernements, ils n’adoptent pas les politiques qu’il faut pour amorcer une transition énergétique.

Pouvez-vous préciser ?

P-O.P. : Entre autres, des barrières réglementaires limitent le déploiement de la mobilité partagée. Juste un exemple : Netlift, une application québécoise de covoiturage entre le domicile et le travail, est une solution qui pourrait être déployée quasi instantanément en région, mais la loi interdit de rémunérer le conducteur pour du covoiturage.

Il y a aussi le fait que les gouvernements hésitent à mettre en place des mesures coercitives, non ?

P-O.P. : Ça prend du courage pour bousculer les habitudes des électeurs ! C’est vrai que c’est pénible de changer ses habitudes, mais tout le monde en profitera : moins de congestion sur les routes, meilleure qualité de l’air, diminution de l’impact des changements climatiques…

Cela dit, le marché du carbone est une mesure coercitive, mais les gens ne le savent pas. Que voulez-vous dire ?

P-O.P. : Les automobilistes ne savent pas qu’ils paient environ 4,5 ¢ supplémentaires par litre d’essence pour que le distributeur achète en leur nom des droits d’émission de gaz à effet de serre. C’est passé inaperçu parce que le début du marché du carbone en 2015 a coïncidé avec une chute du prix à la pompe. Mais surtout, le prix du carbone est invisible parce qu’il est compris dans le prix de l’essence et qu’il n’est pas expliqué à la population. Même la Régie de l’énergie ne l’indique pas quand elle décompose le prix de l’essence. Or, il y aura une hausse importante du prix du carbone dans le futur. Le problème, c’est qu’on ne prépare pas le terrain pour que les gens s’adaptent et modifient leurs habitudes de transport.

Sommet Énergie

Que pensez-vous des subventions pour l’achat de voitures électriques ?

P-O.P. : La priorité devrait être de changer notre approche à la mobilité. Subventionner l’achat individuel d’une auto électrique est une grosse erreur, car ça conforte les gens dans leur choix de mode de transport. Sans compter que c’est aberrant sur le plan social, car ce sont surtout les ménages à revenus élevés qui achètent des véhicules électriques. Cet argent public serait mieux investi dans le transport collectif. En particulier dans les régions qui sont très mal desservies, notamment en matière de transport interrégional.

Le prix de l’électricité est-il trop bas au Québec ?

P-O.P. : L’hydroélectricité a une grande valeur, mais le Québec la vend à un prix parmi les plus bas en Amérique du Nord. C’est comme vendre de l’or au prix de la pierre. Et ça rend les efforts d’efficacité énergétique plus difficiles, car on n’y voit pas d’avantage financier. Pourtant, en procédant graduellement et en accompagnant les ménages et les entreprises, on peut faire mieux. On paierait plus cher au kilowattheure, mais comme on consommerait moins d’électricité, la facture resterait à peu près la même. Par ailleurs, l’essor des véhicules électriques pourrait ajouter 1500 mégawatts aux heures de pointe d’ici 2030. Avec la structure tarifaire actuelle qui demeure la même à toute heure du jour, c’est une mauvaise nouvelle pour Hydro-Québec. Si tout le monde branche son auto à 18 h, le réseau manquera de puissance.

Pour faciliter la transition énergétique, qu’est-ce qu’il faudrait faire là, tout de suite ?

P-O.P. : Pour faciliter le déploiement des solutions d’autopartage et de covoiturage, il faudrait abolir le système de permis de taxi qui est archaïque. Ensuite, il faut réformer la fiscalité des routes pour faire payer davantage les utilisateurs. Le système actuel favorise l’auto solo avec comme résultat qu’il y a trop de véhicules sur les routes.

À propos de ce blogue

En coulisses est le blogue des Événements Les Affaires. Nous vous proposons un accès privilégié aux meilleures pratiques de la communauté d’affaires québécoises qui sont partagées lors de nos conférences. Chaque semaine, nous discutons avec certains des gestionnaires qui ont accepté d’être conférenciers à nos événements, afin de vous présenter des idées concrètes pour vous aider dans votre réflexion et répondre à vos préoccupations d'affaires.