«Si vous pensez qu'un voyage suffit pour trouver un partenaire d'affaires, allez plutôt à la plage»

Publié le 09/06/2017 à 16:46

«Si vous pensez qu'un voyage suffit pour trouver un partenaire d'affaires, allez plutôt à la plage»

Publié le 09/06/2017 à 16:46

(Photo: 123rf.com)

Morale élastique, données financières approximatives, cadre réglementaire flou… Les occasions d’affaires dans les pays émergents sont alléchantes, mais les risques sont importants.

Les apparences sont parfois trompeuses. Prenez Dubaï, par exemple. «Ça ressemble à une golden city, les infrastructures sont modernes, mais le cadre réglementaire et la culture d’affaires n’ont pas suivi, a dit Karl Tabbakh, associé directeur chez McCarthy Tétrault, lors de la conférence Fusions-acquisitions, présentée par les Événements Les Affaires le 7 juin dernier. Ici, on tient pour acquis qu’on se protège en faisant un contrat. Mais à Dubaï, ce n’est pas toujours le cas.»

M. Tabbakh, qui a travaillé huit ans aux Émirats arabes unis, était l’un des trois panélistes de la discussion sur les pays émergents, pays qui connaîtront une croissance accélérée de leur PIB au cours des prochaines années.

Le prix à payer pour profiter de cette croissance? Composer avec des enjeux sociopolitiques, de la corruption et des pratiques d’affaires fort différentes de celles des Occidentaux. Autant de risques «qu’on ne peut pas éliminer, mais qu’on doit encadrer pour ne pas contaminer l’entreprise», a souligné Pierre Fitzgibbon, associé directeur chez Partenaires Walter Capital, une société de placements privés.

Prendre son temps

Comment gérer les risques ? D’abord, en évitant de sauter sur la première occasion. « Souvent, on réagit aux occasions au lieu d’aller les chercher, a constaté Pierre Fitzgibbon qui a effectué plusieurs acquisitions en Asie et en Amérique du Sud alors qu’il était à la tête de la société de produits naturels Atrium Innovations. Mais le bon partenaire dans un pays émergent n’est pas nécessairement le premier qu’on rencontre. Il faut faire du travail de démarchage en se faisant aider par des gens sur place. Les échecs dans les pays émergents découlent souvent d’un empressement à vouloir profiter d’une croissance anticipée. »

«Si vous pensez qu’un seul voyage suffit pour se trouver un partenaire d’affaires, prenez votre argent pour aller à la plage», a-t-il lancé.

Une opinion partagée par son collègue de panel, Martin Noël, vice-président principal et chef de la direction financière de Premier Tech. «Il faut établir un plan de match parfois quelques années à l’avance, dit celui qui a participé à une quarantaine d’acquisitions au cours des 20 dernières années. On doit bien connaître le contexte économique et comment se vit notre industrie là-bas. On doit aussi développer des relations avec des gens locaux.»

«Avec le temps, on commence à faire de petites transactions avec ces gens, a-t-il poursuivi. On les utilise comme sous-traitants, comme distributeurs. On apprend à connaître les individus, les entreprises, le marché. On détermine des partenaires potentiels.»

Martin Noël a donné l’exemple d’une entreprise en Inde dans laquelle Premier Tech a été actionnaire minoritaire pendant dix ans avant de prendre une position majoritaire. «En étant coactionnaires avec nous, les gens deviennent en quelque sorte nos fiduciaires locaux. Ils sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain, car ils défendent leurs propres intérêts en même temps que les nôtres.»

Si une bonne vérification diligente est essentielle, les données financières des entreprises ne sont pas toujours fiables. Une façon de pallier ce risque consiste à prendre une importante balance du prix d’achat, a-t-il suggéré.

Différences culturelles et corruption

Et la corruption? L’expérience de Karl Tabbakh au Moyen-Orient et en Afrique du Nord lui fait dire que les gens là-bas sont plus conscients des limites des sociétés occidentales. Selon lui, on ne voit presque plus de demandes d’argent comme c’était le cas avant.

«On doit cependant être alerte, car la corruption peut être plus subtile. Par exemple, dans certains pays, les élus ont des holdings comprenant toutes sortes d’entreprises. Il est alors difficile de départager l’intérêt personnel de l’intérêt public. On doit se demander s’il s’agit de corruption ou plutôt d’une situation de conflit d’intérêts qui ne transgresse pas le code d’éthique qu’on s’est imposé.»

D’ailleurs, il est impératif de déterminer ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas pour nous, a insisté Martin Noël. «Ensuite, il faut passer nos messages avec doigté.»

Une chose est certaine, il faut creuser. Karl Tabbakh a parlé d’une entreprise du Moyen-Orient qui payait un boni à ses contremaîtres lorsqu’il n’y avait pas d’accidents de travail. Or, il s’est avéré qu’il était plus rentable pour les contremaîtres de faire soigner à leurs frais les travailleurs qui se blessaient plutôt que de perdre leur boni.

Cependant, les différences culturelles dans les pratiques d’affaires ne se trouvent pas seulement dans les pays émergents, comme l’a constaté un client de Karl Tabbakh qui voulait acheter un hôtel italien. La vérification diligente a révélé que l’établissement était exploité sans le permis requis. «Les vendeurs nous disaient que personne n’avait ce permis et ils ont même amené le maire de la commune pour faire confirmer la chose, a raconté l’avocat. C’était une question de tolérance au risque. Si une compagnie étrangère exploitait l’hôtel de façon illégale, elle n’aurait peut-être pas l’absolution des autorités. La transaction ne s’est pas réalisée.»

À propos de ce blogue

En coulisses est le blogue des Événements Les Affaires. Nous vous proposons un accès privilégié aux meilleures pratiques de la communauté d’affaires québécoises qui sont partagées lors de nos conférences. Chaque semaine, nous discutons avec certains des gestionnaires qui ont accepté d’être conférenciers à nos événements, afin de vous présenter des idées concrètes pour vous aider dans votre réflexion et répondre à vos préoccupations d'affaires.