Informatique quantique et intelligence artificielle: menaces ou solutions pour la cybersécurité ?

Publié le 24/03/2017 à 17:02

Informatique quantique et intelligence artificielle: menaces ou solutions pour la cybersécurité ?

Publié le 24/03/2017 à 17:02

S’il devient réalité, l’ordinateur quantique permettra de décrypter toutes les données informatiques. En contrepartie, le chiffrement réalisé à l’aide des systèmes quantiques sera inviolable. L’intelligence artificielle annonce aussi bien des changements. De quoi sera fait l’avenir de la sécurité informatique ?

Cette grande question se posait en filigrane de toutes les présentations de la Conférence Sécurité de l’information, organisée par Les Événements Les Affaires le 22 mars dernier à Montréal. Entre autres sujets, une discussion sur l’informatique quantique et l’intelligence artificielle a réuni quatre experts. Cet échange a été animé par Paul Brousseau, président d’ISACA-Montréal, une association de professionnels en systèmes d’information.

L’ordinateur quantique pourrait voir le jour d’ici une quinzaine d’années. Et il sera assez puissant pour déchiffrer les systèmes de cryptage actuels, selon Gilles Brassard, professeur titulaire de la Chaire de recherche du Canada en informatique quantique de l’Université de Montréal. Un scénario plutôt effrayant, avouons-le.

Comment cela sera-t-il possible ? Le cryptage des données sensibles est effectué à l’aide de clés qui reposent sur la difficulté à factoriser, c’est-à-dire extraire les nombres premiers, de grands nombres de 100 chiffres et plus. Les ordinateurs d’aujourd’hui mettraient des millénaires à y arriver. Mais l’ordinateur quantique pourra accomplir ces calculs «en claquant des doigts», a affirmé Gilles Brassard.  

Des secrets dévoilés

«Il sera capable de briser toute l’infrastructure cryptographique actuelle. Pire encore, ce bris sera rétroactif. Toutes les informations cryptées aujourd’hui, hier ou il y a cinq ans et qui ont circulé sur Internet pourront être lues comme un livre ouvert le jour où l’ordinateur quantique deviendra réalité.»

«Des organisations, des agences secrètes, des individus ou des gouvernements malveillants pourraient donc recueillir et conserver les données qui s’échangent sur Internet dans le but de les déchiffrer un jour», a-t-il indiqué.

Compte tenu des enjeux, pas étonnant que des sommes astronomiques soient consacrées en ce moment au développement de ce fameux ordinateur quantique.

Si Gilles Brassard sonne l’alarme quant à la vulnérabilité des codages actuels, il se montre toutefois plus optimiste sur les futures méthodes de chiffrement. «Des approches qui pourraient résister aux attaques d’ordinateurs quantiques sont en train de se développer. Par exemple, Google a en expérimenté une l’an dernier sur le navigateur Chrome.» 

De plus, il existe déjà des techniques de chiffrement basées sur la physique quantique. Et ce type de cryptage serait inviolable, même par des ordinateurs quantiques. «La solution a été trouvée avant le mal», a souligné l’expert en informatique quantique.

Pour l’appliquer, il faudra cependant modifier toute l’infrastructure de transmission des données. «Ce n’est pas gratuit. Il faut une volonté politique et commerciale. La Chine est très avancée. En août, elle a lancé le premier satellite de communication quantique. De plus, elle travaille sur une ligne de communication quantique terrestre qui reliera Shanghai et Beijing.»

Ordinateurs intelligents et cybersécurité

«L’intelligence artificielle est un buzzword, mais elle est là : vous l’avez dans vos poches avec Siri par exemple», a lancé Éric G. Hébert, directeur général Sécurité de l’information chez Pages Jaunes.

En gros, l’intelligence artificielle (IA), c’est la capacité des ordinateurs non seulement d’analyser une foule de données, mais aussi d’apprendre par eux-mêmes. Les ordinateurs peuvent ainsi générer de nouvelles réponses à partir de données emmagasinées. Des bonds de géants ont été faits ces dernières années et ce n’est pas terminé.

«En sécurité informatique, les systèmes de surveillance appliquent bien les règles bien définies, a dit Anton Stiglic, directeur de la sécurité de l’information chez Loto-Québec. Mais il y a toujours de faux positifs. Quand une alerte se déclenche, un humain doit juger si c’est fondé ou non. Compte tenu de la masse d’informations qu’il faut examiner, il y a de l’avenir pour les applications de l’intelligence artificielle en cybersécurité. »

La prochaine étape, c’est la réaction. Va-t-on permettre au système de créer des règles ad hoc qui bloqueraient certains paramètres ou certains accès ?, s’est interrogé Éric Hébert. «La confiance envers l’IA n’est pas encore toute là. Mais ça va venir : on est en train de confier nos vies aux voitures autonomes de Tesla et de Google !»

Dimitri Nokovitch, président d’EasyPatternz, a affirmé pour sa part que l’IA présente un réel intérêt en ce qui concerne le contrôle des accès. «Dans une organisation de 600 départements, ça nous a pris 20 minutes pour analyser les accès au lieu de 300 heures.» Une vitesse largement supérieure, donc.

L’IA améliore également la finesse des accès. «Comme l’analyse va plus vite, on peut intégrer davantage de paramètres. Cela permet de mieux s’adapter à la vie des entreprises.» L’entreprise de Dimitri Nokovitch propose des solutions d’analyse d’accès informatiques qui font appel à l’intelligence artificielle.

Enfin, Éric Hébert, réaliste, a souligné que l’IA entraînera une nouvelle génération d’attaques informatiques et de contre-mesures. «Les pirates informatiques vont trouver un point faible comme ils l’ont toujours fait. Un autre cycle s’amorce !»  

 

À propos de ce blogue

En coulisses est le blogue des Événements Les Affaires. Nous vous proposons un accès privilégié aux meilleures pratiques de la communauté d’affaires québécoises qui sont partagées lors de nos conférences. Chaque semaine, nous discutons avec certains des gestionnaires qui ont accepté d’être conférenciers à nos événements, afin de vous présenter des idées concrètes pour vous aider dans votre réflexion et répondre à vos préoccupations d'affaires.