ALÉNA: quelles cartes le Canada peut-il jouer?

Publié le 01/09/2017 à 16:45

ALÉNA: quelles cartes le Canada peut-il jouer?

Publié le 01/09/2017 à 16:45

Quand le président américain lui-même qualifie l’ALÉNA de «terrible deal», on peut prédire que les négociations qui s’amorcent ne seront pas de tout repos. Mais au moment où l’incertitude règne quant à l’avenir de l’Accord de libre-échange nord-américain, les portes de l’Union européenne s’ouvrent toutes grandes aux entreprises canadiennes.

Si négocier avec les États-Unis est toujours un grand défi, «ce sera d’autant plus complexe cette fois-ci que l’intervention politique de la Maison-Blanche se fera sentir et pourrait même perturber les négociations», dit Pierre Marc Johnson, ancien premier ministre du Québec, associé chez Lavery et conseiller spécial du gouvernement du Québec pour la modernisation de l’ALÉNA.

Pierre Marc Johnson est aussi négociateur en chef du Québec pour l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne. Il donnera son point de vue sur les menaces et les occasions d’affaires liées aux accords de libre-échange lors de la conférence Contrats publics, présentée par les Événements Les Affaires le 11 octobre prochain à Montréal.

Les atouts du Canada

Quel est le rapport de force du Canada en ce qui concerne l’ALÉNA, selon lui ? «La sécurité nationale ne fait pas partie des négociations, mais elle a une influence. Nos deux pays partagent une immense frontière. Nos services de renseignements collaborent pour lutter contre le terrorisme et le trafic de drogue. La qualité de notre relation est donc très importante.»

Autre élément en notre faveur: les États-Unis ont besoin du Canada pour s’approvisionner en énergie. «C’est une question névralgique et ça teintera les négociations.» 

Sans compter que 9,5 millions d’emplois américains dépendent directement du commerce avec le Canada. Autant de personnes qui paieraient le prix d’une hypothétique rupture de l’ALÉNA.

Y a-t-il un véritable risque que l’accord soit jeté aux ordures ? «Le président Trump l’a dit et on ne peut pas prendre cela à la légère, répond Pierre Marc Johnson. Cependant, il n’est pas le seul interprète du bien commun des Américains. Le Sénat et la Chambre des représentants expriment aussi leur opinion aux négociateurs.» 

Fort de son expérience de sept ans comme négociateur pour l’entente bilatérale avec les Européens, l’ancien premier ministre épaulera le négociateur en chef du Québec pour l’ALÉNA, Raymond Bachand. Et malgré l’effet Trump, il rappelle que «les négociations sont un exercice de rationalité et non d’émotions».

Un marché de 500 millions de personnes

Les négociations pour l’AECG, de leur côté, se sont déroulées dans un «contexte d’expansion des affaires pour les deux parties et non dans une situation défensive comme ce sera le cas avec les Américains», souligne Pierre Marc Johnson.

D’ailleurs, cochez le 21 septembre dans votre agenda. C’est la date à partir de laquelle cet accord sera appliqué de façon provisoire. Provisoire, parce que tous les pays de l’Union européenne (UE) doivent encore le ratifier. Mais d’ici là, la quasi-totalité de ses dispositions entrera quand même en vigueur.

Dès le 21 septembre, il n’y aura donc plus de tarifs douaniers pour les marchandises canadiennes exportées vers l’UE, à l’exception de quelques produits reliés aux automobiles et aux bateaux. «C’est un marché énorme de 500 millions de personnes qui s’ouvre, souligne Pierre Marc Johnson. Les entreprises qui fabriquent de nouveaux produits pourront même faire affaire avec des laboratoires d’ici pour obtenir une certification pour le marché européen, ce qui simplifiera le processus.»

L’AECG libéralise aussi le commerce des services en plus de donner accès aux marchés publics européens: écoles, universités, municipalités, hôpitaux, etc. Évidemment, l’inverse est aussi vrai, ce qui accentuera la concurrence sur le marché canadien. L’ancien négociateur en chef estime cependant qu’il y aura là des occasions de partenariat pour les entreprises québécoises.