Yellow Media : une leçon

Publié le 28/09/2011 à 12:10, mis à jour le 28/09/2011 à 17:22

Yellow Media : une leçon

Publié le 28/09/2011 à 12:10, mis à jour le 28/09/2011 à 17:22

Photo : Bloomberg

Blogue. La descente aux enfers de Yellow Media se poursuit avec l’élimination du dividende et la dévaluation de 2,9 milliards de ses actifs.

Tout semble avoir conspiré pour anéantir la valeur du principal éditeur au pays, incluant l’élimination de l’avantage fiscal des fiducies de revenu par le gouvernement fédéral en 2006, ainsi qu’une récession qui a accéléré le déclin de la publicité traditionnelle.

La lenteur de l’entreprise à migrer sur le Web, face à des géants plus agiles et rapides, tels que Google, a aussi joué.

Comment l’éditeur de 340 annuaires réalisant des revenus de 1,4 milliard de dollars (en 2010), et l'ex-chouchou des gestionnaires de portefeuilles, a-t-il pu en arriver là ? 

En multipliant les acquisitions à gros prix, financées par de la dette, grâce à la valeur élevée de sa part en Bourse dopée par la popularité des fiducies de revenu.

Les frais d’intérêt étant déductibles d’impôts, plusieurs fiducies se sont endettées pour gonfler l’encaisse distribuable à leurs porteurs. Plusieurs analystes jugeaient cette pratique comme une stratégie fiscale efficace.

Yellow Media a été un émetteur prolifique de titres, qui ont enrichi les courtiers en valeurs mobilières. En aout 2006, Les Affaires avait comptabilisé dix financements totalisant 8 milliards de dollars, entre 2003 et 2006,  incluant son appel public d’un milliard de dollars, en 2003.

En janvier 2006, à son sommet de 17,20 $ par part, sa valeur boursière avoisinait 8 milliards de dollars.

Cinq ans après que Jim Flaherty ait décidé d’imposer les fiducies, Yellow Media n’a plus aucune valeur comptable tangible puisqu’au bilan la valeur de l’avoir des actionnaires est de 5 milliards de dollars, alors que la plus-value payée pour ses acquisitions atteint 5,9 milliards de dollars et que ses biens intangibles (dont sa marque de commerce) sont de 1,7 milliard de dollars.

La dévaluation de 2,9 milliards n’exige pas de sortie de fonds de la part de Yellow Media, mais elle réduit davantage l’avoir de ses actionnaires.

Si Yellow Media décide aussi de convertir 265 millions de dollars d’actions privilégiées de série 1 en actions ordinaires, comme elle peut le faire d’ici décembre 2012, elle émettra 132 millions de nouvelles actions, diminuant d’encore 20 % la valeur de l’avoir de ses actionnaires existants.

En éliminant son dividende résiduel de 0,15 $ par action, Yellow Media économise 75 millions de dollars qui serviront à des versements trimestriels de 25 millions de dollars sur un prêts à terme non renouvelables non garantis de 250 millions de dollars.

Ses banquiers réduisent aussi de moitié d’un milliard à 500 millions de dollars, les prêts non garantis qu’ils lui accordent.

Yellow Media a déjà perdu sa cote d’investissement institutionnelle auprès de Standard & Poor’s et Dominion Bond Rating Service.

Dans le communiqué maintenant la cote de crédit BB+ de Yellow Media, Standard & Poor's indique qu'avec l'obtention de son nouveau prêts à terme, les banques imposent des contraintes plus sévères à l'entreprise. 

« Bien que l’élimination des dividendes libère des fonds, le financement bancaire réduit et le déclin des revenus des annuaires déséquilibrent toujours sa situation financière », note Maher Yaghi, de Valeurs mobilières Desjardins.

Se disant incapable de prédire les revenus de Yellow Media après 2012, M. Yaghi ne peut calculer de cours-cible pour le titre de l’entreprise, dont la valeur est entièrement spéculative, selon lui.

La leçon de cette déconfiture : une stratégie d’acquisitions financées par de la dette est invariablement mauvaise, même pour une entreprise avec des revenus stables et des flux de trésorerie excédentaires de 100 millions de dollars par année.

 

 

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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