Au moment où le trouble bipolaire des marchés se manifeste à grande échelle, six grands investisseurs s’associent à un nouvel indice mondial qui promeut l’investissement à long terme, tant auprès des entreprises que des investisseurs.

Menés par l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (OIRPC), ces six investisseurs ont profité du forum économique annuel de Davos pour faire connaître l’indice S&P Long-Term Value Creation (LTVC) Global Index qui cible des entreprises dont les pratiques favorisent la création de valeur à long terme.

Initialement, le nouvel indice sera essentiellement un repère pour les grands investisseurs qui pourront le calquer ou s’en inspirer.

Les chances sont toutefois bonnes que S&P Dow Jones Indices licence l’indice à un fournisseur de fonds négocié en Bourse, tel que BlackRock par exemple.

«L’OIRPC est un ardent partisan de solutions concrètes pour inciter tous les investisseurs à adopter une approche à long terme. Nous espérons aussi que l’indice aidera à changer le comportement des entreprises lorsqu’elles réaliseront que le capital des grands investisseurs migrera de plus en plus vers celles qui privilégient le long terme», a déclaré Mark Wiseman, président et chef de la direction de l’OIRPC, à Davos.

Cette caisse de retraite avait déjà co-fondé Focusing Capital on the Long Term, en 2013, avec le consultant McKinsey & Co. et le géant de l’investissement BlackRock, un organisme d’investisseurs institutionnels et de dirigeants voué à promouvoir la philosophie de l’investissement à longue haleine. La création de l’indice était l’une des recommandations d’un rapport publié en mars 2015.

Pour que l’initiative ait un effet d’entraînement, l’OIRPC s’est d’ailleurs engagé à allouer un peu moins d’un milliard de dollars américains de son propre capital aux entreprises de l’indice.

La Caisse de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (Teachers) l’imite, mais elle n’a pas encore dévoilé les sommes en jeu.

Les quatre autres investisseurs sont le fonds GIC de Singapour, les caisses de retraite danoise et néerlandaise et un fonds néo-zélandais.

Ensemble les capitaux engagés totalisent deux milliards de dollars, mais ils devraient augmenter substantiellement lorsque d’autres fonds se joindront au mouvement, prévoit M. Wiseman.

Ses instigateurs souhaitent que les membres du nouvel indice deviennent en quelque sorte de bons modèles à émuler pour les autres entreprises.

Ils espèrent aussi que la performance de l’indice lui même pourra démontrer que l’approche à long terme donne aussi de meilleurs rendements.

La création de cet indice survient au moment où de plus en plus de voix déplorent le fait que les entreprises cherchent surtout à satisfaire les investisseurs en quête de rendements à court terme, au détriment de la pérennité.

Derrière l’indice

Le nouvel indice choisit ses titres parmi ceux de l’indice mondial S&P Global LargeMidCap Index.

La moitié des critères portent sur divers aspects de la gouvernance et l’autre moitié concerne des mesures de qualité financière.

S&P DJI s’est associé au gestionnaire d’actif RobecoSAM pour l’évaluation qualitative des pratiques de bonne gouvernance telle l’indépendance du conseil d’administration, la gestion des risques, le type d’incitatifs dans la rémunération des dirigeants, la gestion de la chaîne d’approvisionnement, ainsi que les pratiques fiscales.

Les critères quantitatifs de qualité financière mesurent la rentabilité, le bilan et la qualité des flux de trésorerie, explique Vinit Srivastava, de S&P Dow Jones Indices.

Ensemble, toutes les variables se combinent dans un score global qui établit les 246 membres et leur poids respectif dans l’indice.

L’indice sera re-calibré annuellement, en prenant soin toutefois de lui donner une certaine stabilité, même si le score de certaines sociétés baisse d’une année à l’autre.

Les critères de gouvernance font toutefois en sorte que des entreprises performantes telles que Alphabet-Google(Nasdaq,GOOG) ou Facebook(NY,FB) par exemple ont peu de chance de faire partie de cet indice puisque leurs actions à droits de vote multiple diminuent leur score.

Des premiers rendements encourageants

L’initiative est louable, mais il serait naïf de croire qu’elle influencera le comportement des entreprises et celui d’autres grands investisseurs. C’est une bien petite goutte d’eau dans l’océan des marchés financiers.

Si le rendement fait foi de tout, à la Bourse, le nouvel indice suscite néanmoins de bons espoirs.

Comme il fallait s’y attendre, la performance de l’indice brille le plus à long terme, si l’on se fie aux rendements calculés à partir de modèles de régression.

L’indice a un peu mieux fait que le S&P Global LargeMidCap depuis le début de 2016. Son recul de 6,2% se compare à celui de 7,8% de son indice de référence.

Pour les 10 ans terminés le 22 janvier, l’indice S&P Long-Term Value Creation Global Index a procuré un rendement total (avec le réinvestissement des dividendes) de 7,7%, ce qui est nettement supérieur à celui de 4,3% de l’indice de référence.

Ce genre de tri de titres donne parfois des résultats surprenants.

Le principal placement de l’indice est la société coréenne de cosmétiques AmorepacificCorp., suivi des fabricants de tabac Reynolds American(NY,RAI) et Altria(NY,MO).

Les autres entreprises du peloton des 10 premières sont plus connues : le fournisseur américain de produits d’assurance-groupe et de rentes Cigna Corp.(NY,CI), le détaillant de pièces et d’accessoires pour automobiles O’Reilly Automotive(Nasdaq, ORLY), la chaîne de cafés Starbucks(Nasdaq, SBUX), le fournisseur d’information financière derrière les indices Standard & Poor’s McGraw-Hill(Nasdaq, MHFI) ainsi que le géant des puces Intel(Nasdaq, INTC), le détaillant Dollar Tree(Nasdaq,DLTR) et le restaurateur McDonalds(NY, MCD).