Réforme fiscale: pourquoi la techno sert-elle de bouc émissaire?

Publié le 04/12/2017 à 19:13

Réforme fiscale: pourquoi la techno sert-elle de bouc émissaire?

Publié le 04/12/2017 à 19:13

Si l’on se fie aux mouvements derrière les indices, il faut croire que peu espéraient que le Congrès américain s’entendrait sur une réforme des impôts à temps pour la fin de l’année, après le chaos de la dernière année.

Les pros, qui étaient déjà en train de se positionner pour l’an prochain, se déplacent fébrilement d’un secteur à l’autre afin de capter les placements qui semblent les plus rentables à leurs yeux, au cours des prochains trimestres.

Le remaniement éclair des portefeuilles fait particulièrement souffrir le secteur de la technologie, étant donné que cette industrie a donné aux investisseurs le plus de gains à recycler ailleurs.

Le même phénomène avait accueilli l’élection surprise de Donald Trump et le balayage républicain du Congrès, après le 8 novembre 2016.

Les arguments d’alors refont d’ailleurs surface.

Déjà peu imposées, les sociétés de technologie auraient en théorie le moins à gagner de la réforme et ce même en tenant compte de la réduction d’impôts sur le rapatriement des énormes profits qu’elles ont engrangés à l’étranger.

L’élite de la technologie, les titres FAANG (Facebook, Amazon, Apple, Netflix et Google) sont aussi fortement représentées dans les fonds de couverture qui transigent souvent.

Les gains faramineux de 52% en moyenne pour les titres FANG (jusqu’au 24 novembre), donnent une raison de plus aux investisseurs actifs d’encaisser leurs profits.

Le repli de 4,2% en six séances reste modeste, mais tranche avec le gain de 1,2% du S&P 500, pendant la même période.

La coqueluche Nvidia (NVDA,186,66$US) dont les puces servent aux centres de données, aux superordinateurs, à la réalité virtuelle ainsi qu’aux voitures connectées et autonomes, a flanché de 12%, mais c’est bien peu par rapport à son ascension fulgurante d’encore 115%, depuis 12 mois.

Sociétés moins imposées et locales plus populaires

À l’aide d’indices maison, divers courtiers démontrent que les industries et les sociétés les plus taxées profitent actuellement le plus de la rotation des investisseurs en Bourse, car elles auront le plus à gagner de la baisse prévue de 35 à 20% du taux d’imposition des profits.

Les entreprises plus «locales» telles que les détaillants, les fournisseurs de services de télécommunications, les transporteurs de toutes sortes, les constructeurs, et les fabricants industriels bénéficient du mouvement de foule.

FedEx (FDX,239,05$US) et UPS (UPS,127,72 $US) ont toutes deux bondi de 4 à 5% le 4 décembre parce que la réforme leur permettra notamment de comptabiliser immédiatement leurs dépenses en équipements au lieu de les amortir sur plusieurs années.

Autre prétexte à cette rotation: la hausse des taux d’intérêt.

Si la baisse des impôts des sociétés et des contribuables accélérait la cadence de l’économie, comme le prétendent les élus, la Fed pourrait relever ses taux plus que prévu l'an prochain pour éviter une surchauffe.

Or, des taux plus élevés diminuent la valeur accordée à chaque dollar de profits futurs, ce qui nuit davantage aux titres chèrement évalués de la technologie, expliquent aussi les stratèges.

Une hausse des taux est par contre favorable aux marges d’intérêt des banques, en particullier lorsqu'elle provient d’une amélioration des dépenses des entreprises et des consommateurs.

En plus, l’allègement de la réglementation encadrant les institutions financières, prévu dans la réforme, réduirait leurs coûts.

Les titres sous-évalués émergent à nouveau

Quand le cycle économique avance en âge - et certains entrevoient une récession potentielle en 2019 ou en 2020 -, les titres sous-évalués reprennent historiquement le bâton des titres prisés pour leur croissance rapide, si l’on se fie aux cycles passés.

Les titres cycliques et industriels, moins populaires jusqu’ici, devraient profiter doublement de la croissance économique et de la baisse des impôts parce que leurs cours sont plus abordables, a indiqué Dubravko Lakos Bujas, stratège américain de J.P. Morgan au Wall Street Journal.

À court terme tout au moins, la stratégie momentum, qui consistait à acheter les titres les plus performants et les plus en vogue, perd des partisans, dit-il. Le MSCI USA Momentum Index a avancé de 37% en 2017, son meilleur gain depuis le bulle internet de 2000.

Les cours n’ont pas fini de s’ajuster à la réforme puisque plusieurs précisions manquent, notamment concernant la déductibilité des frais d’intérêt, les crédits à la recherche et au développement, l’amortissement accéléré des dépenses en capital ou encore l’impôt minimum.

Il faudra aussi attendre un peu plus pour savoir lequel des deux plans proposés s’imposera. Le projet de loi de la Chambre des représentants entrerait en vigueur dès 2018, celui du Sénat, en 2019.

«Même après la signature du président, les répercussions pour chacune des entreprises prendront du temps à se préciser», écrit Jonathan Golub, stratège de Credit Suisse.

Globalement, la baisse d’impôts de 35 à 20% ajouterait 15$US ou 10% aux profits du S&P 500 projetés en 2018, qui passeraient de 145 à 160$US, calcule-t-il sommairement.

Mais puisque les investisseurs accordent plus de valeur aux marges de profits avant impôts qu’à la facture fiscale, M. Golub ne s’attend pas à ce que toute la hausse des bénéfices se répercute sur les cours.

 

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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