Partie remise pour l'accord commercial?

Publié le 11/05/2019 à 10:00

Partie remise pour l'accord commercial?

Publié le 11/05/2019 à 10:00

Il est clair à voir la quasi-indifférence des Bourses à l’imposition de tarifs en pleine visite de la délégation chinoise à Washington que les investisseurs s’accrochent à l’espoir qu’un accord prochain reste très probable.

Le S&P 500 a terminé la semaine à peine 2,2% sous son sommet annuel tandis que le pétrole, les taux, les obligations de sociétés et le dollar américain ont à peine frémi lorsque Washington a porté de 10 à 25% les tarifs imposés sur 200 milliards de dollars américains d’importations chinoises.

Les bonnes nouvelles...

D’un, les négociations ne sont pas rompues bien que le vice-premier ministre chinois Liu He ait regagné son hôtel après deux courtes heures de pourparlers en avant-midi le 10 mai.

De deux, il appert que les entreprises se sont préparées aux nouveaux tarifs puisqu’ils devaient initialement entrer en vigueur en janvier.

La plupart des sociétés concernées ont déjà incorporé l’impact des nouveaux tarifs dans l’aperçu annuel pour les investisseurs ou ont prévu un mécanisme pour s’approvisionner ailleurs qu’en Chine, indique Brooke Sutherland, chroniqueur pour Bloomberg Opinion.

Les moins bonnes

Une trop longue prolongation du bras de fer risquerait de miner la confiance des entreprises et d’influencer leurs décisions d’investissement.

On ne connaît pas non plus la nature de la riposte chinoise promise.

Il y a aussi une limite à la capacité des entreprises de refiler à leurs clients la hausse de leurs coûts d’approvisionnement.

«Beaucoup de chefs financiers ont intégré une résolution du conflit commercial dans leur scénario pour la deuxième moitié de l’année. Si un accord tarde, les profits aussi, ce qui enflera le multiple cours-bénéfices», a expliqué  le stratège Matt Maley, de Miller Tabak à l'agence Reuters.

Le premier trimestre s’est avéré moins pire qu’appréhendé aux États-Unis, mais les investisseurs misent encore sur un solide rebond de 8,1% des bénéfices du S&P 500 au quatrième trimestre, et de 11,7% en 2020 (selon Refinitiv).

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L’influence potentielle de la Bourse

L’économiste mondial Ethan Harris, de Bank of America, croit que la bonne tenue des Bourses pourrait empêcher les deux parties d’en venir à un accord rapide puisque chacune croit avoir le haut du pavé.

«La chute des marchés au dernier trimestre de 2018 a certainement été un facteur dans la reprise en janvier de pourparlers plus sérieux. Inversement, le rebond boursier et l’amélioration récente de certains indicateurs économiques ont probablement créé les conditions pour l’escalade actuelle», explique-t-il.

L’économiste craint donc qu’il faille une autre cassure en Bourse pour qu’un accord puisse être éventuellement conclu.

M. Harris se demande même si le président américain aurait mis sa menace de lundi à exécution si le S&P 500 avait dégringolé dès son premier gazouillis.

«Paradoxalement, plus le marché croit que Donald Trump veut un accord, moins la Bourse a des chances de chuter. Et si les marchés sont trop calmes, les parties pourraient durcir leur position, ce qui provoquera éventuellement un mouvement baissier», scénarise le financier.

La confiance à risque

Toutefois, plus ce petit jeu dure, plus le risque augmente que de mauvaises décisions de part et d’autre - ou l’incertitude persistante - nuisent au bon fonctionnement de l’économie mondiale et des entreprises.

Déjà, la Maison-Blanche a demandé au ministre de l’Agriculture Sonny Perdue d’élargir l’aide financière déjà fournie aux fermiers qui n’ont plus accès au marché chinois. C’est un indice que son occupant estime avoir un avantage politique à imposer des tarifs.

Pour l’instant, l’escalade du conflit ne change pas le scénario du ralentissement modéré de M. Harris, bien que les entreprises réduiront sans doute leurs dépenses en capital.

L’indicateur avancé du secteur manufacturier (ISM) a touché un plancher de deux ans en avril.

Déjà, certaines entreprises industrielles repères sonnent l’alarme. Emerson Electric (EMR, 66,93$US) a dit craindre qu’après avoir écoulé les stocks accumulés avant la menace de tarifs, ses clients ne les renouvellent pas aussi vite.

Les ventes quotidiennes de Fastenal (FAST, 65,6 $ US) croissent au plus faible rythme depuis février 2017. Ce distributeur industriel est presqu’un baromètre économique en temps réel.

Pour sa part, Martin Roberge, de Canaccord Genuity, continue de croire que l’économie et les profits ne pourront pas éviter une décélération, même si les banques centrales sont «patientes».

À l’appui, il cite le déclin de la demande pour les prêts de toutes sortes aux États-Unis, au cours des trois derniers trimestres.

Le stratège quantitatif surveille toujours le signal des taux américains de 10 ans. Si ce taux repère retombait sous le seuil plancher de 2,3% touché en mars, ce serait signe que l’économie vacille.

Les craintes d’une inversion de la courbe des taux reviendraient et feraient fuir les investisseurs des placements plus risqués, entrevoit-il.

Chez Charles Schwab, la stratège Liz Ann Sonders, recommande à ses clients de ne pas chambouler leur portefeuille, à moins que les récents sommets à la Bourse américaine aient déséquilibré leur répartition d’actif à long terme.

Les investisseurs lui semblent tout de même un peu trop complaisants par rapport aux perspectives incertaines pour l’économie américaine et les bénéfices.

«Le délai de l’accord commercial arrive au bien mauvais moment pour la fragile économie mondiale. Une résolution est encore possible à temps pour la rencontre du G20 le 28 juin au Japon», croit-elle.

Découvrez les gagnants et les perdants de la semaine ici

 

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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