On n'a pas fini d'entendre parler des géants de la consommation

Publié le 20/02/2017 à 18:26, mis à jour le 14/03/2017 à 16:04

On n'a pas fini d'entendre parler des géants de la consommation

Publié le 20/02/2017 à 18:26, mis à jour le 14/03/2017 à 16:04

Photo :courtoisie

Kraft Heinz a beau avoir retiré son offre officieuse de 143 milliards de dollars américains rapidement rejetée par Unilever, on n’a pas fini d’entendre parler des géants de la consommation.

À lire les analystes et les commentateurs, on comprend que les multinationales des aliments et des produits d’hygiène et de beauté sont autant en mal de croissance que d’économies d’échelle, dans un monde où les marchés émergents n’apportent pas la croissance rapide souhaitée pour palier au ralentissement des marchés développés.

En plus, le virage santé des consommateurs, qui fuient le sucre, le sel et le gras, ne peut que s’amplifier.

La tartinade velveeta de Kraft Heinz est condamnée, peu importe les prouesses de ses actionnaires Warren Buffett et son partenaire le fonds brésilien 3G Capital.

Logique financière irréprochable

Sur papier, un mariage entre l’Américaine Kraft Heinz(KHC,96,65$US) et l’Européenne Unilever(UN, 48,79$US) est d’une logique financière irréprochable, si l’on fait abstraction des difficultés qu’aurait rencontré le mariage de deux cultures aux antipodes.

Kraft Heinz aurait profité de la valeur élevée de ses actions et d’un dollar américain fort pour avaler Unilever au moment où la livre sterling est dépréciée. Pas étonnant qu’Unilever ait jugé la plus-value de 18% offerte non recevable.

Même si les synergies sont le nerf de la guerre– la marge d’exploitation de 17,6% d’Unilever se compare à celle de 25,2% de Kraft Heinz–, certains observateurs y voyaient aussi un tremplin.

«Unilever n’est pas l’extension de la stratégie de Kraft Heinz que nous aurions imaginé, mais Unilever apporte une plateforme mondiale offrant un potentiel supérieur de croissance», a réagi à chaud Robert Moskow, de Credit Suisse, avant le rejet d’Unilever.

L’entreprise combinée se serait classée au deuxième rang mondial derrière le numéro un Nestlé(NSRGY,73,74$US) avec des revenus de 85G$US.

Unilever tire 57% de ses revenus des produits personnels et pour la maison, tel que le savon Dove ou le déodorant Axe. Cent pour cent des ventes de Kraft Heinz proviennent des aliments.

Les marchés sont complémentaires aussi. Kraft Heinz réalise 79% de son chiffre d’affaires en Amérique du Nord, comparativement à seulement 17% pour Unilever.

Surtout, l’Asie-Pacifique, l’Amérique latine et d’autres marchés émergents représentent 40% des revenus du géant européen et lui procurent toute sa croissance.

Les coupes reçoivent toute l’attention

Menée par les redresseurs de 3G, Kraft Heinz a presque doublé sa marge d’exploitation en deux ans à coups d’économies, de mises à pied, de fermetures d’usines et de budgets zéro.

Si les observateurs ont été nombreux à critiquer ce capitalisme sauvage, d’autres estiment que l’entreprise avait bien besoin d’une diète pour fouetter sa performance et pour éviter un lent déclin.

L’entreprise elle-même assure que les fonds libérés par le régime sont réinvestis dans les marques les plus porteuses et les usines les plus efficaces et aussi redistribués à tous les actionnaires.

D’ailleurs, le budget zéro, qui constitue à justifier chaque poste de dépense à nouveau chaque année, a été adopté par d’autres géants de la consommation, justement sous la pression de l’exemple de Kraft Heinz.

D'un point de vue strictement boursier, de meilleures marges ou profits gonflent la valeur de ces sociétés en Bourse, ce qui est la meilleure défense contre une offre ou tout au moins le gage d'une meilleure offre dans l’éventualité qu’un acquéreur se pointerait.

La consolidation ne fait que commencer croient les analystes. La britannique Reckitt Benckiser(RB,7041 pences) ne vient-elle pas de faire une offre pour le fabricant de lait pour nourrissons Mead Johnson(MJN,87,50$US) ?

Maintenant qu’Unilever a fermé la porte aux avances de Kraft Heinz, les titres des autres producteurs d’aliments retrouveront sans doute la prime de proie potentielle qui leur était attribuée avant que l’offre pour Unilever ne fasse surface, croit M. Moskow.

Les cibles les plus souvent citées pour Kraft Heinz dans le passé sont Mondelez International(MDLZ,42,50$US), General Mills(GIS,59,23$US), Kellogg(K,72,90$US) et Campbell Soup(CPB, 58,48$US).

Unilever cherchera-t-elle un plan B ?

La spéculation a repris de plus belle. La diffusion d’un communiqué amical conjoint de Kraft Heinz et d’Unilever, pour annoncer l’échec de l’offre, fait penser qu’Unilever pourrait un jour envisager de se départir de sa division alimentaire pour se consacrer aux produits personnels.

Tous se demandent aussi si le grand patron d’Unilever ne cherchera pas lui-même des proies pour mieux se défendre d’autres avances, afin de poursuivre sa mission de «croissance durable».

«Qui sait? Peut-être que Paul Polman, le pdg d’Unilever, souhaitera faire grossir sa division de produits personnels et pour la maison, avant de vendre sa division alimentaire», s’interroge le chroniqueur britannique Chris Hughes, de Bloomberg Gadfly. Comment? En acquérant Colgate-Palmolive(CL,71,98$US) qui a la moitié de sa taille, suggère l'analyste du Groupe Exane BNP Paribas.

Mark Astrachan, de Stifel Financial, suggère aussi la cible Kimberley Clark(KMB,131,95$US).

Tant qu’à spéculer pourquoi ne pas envisager de fusionner les divisions alimentaires de Nestlé et d’Unilever dans une coentreprise de 64 G$US, avant de l’essaimer ou de la vendre, ajoute M. Hughes.

Au minimum, M. Polman, 60 ans, pourrait annoncer un rachat majeur de ses actions ou verser un dividende spécial pour satisfaire ses actionnaires.

De ce côté-ci de l’Atlantique, M. Moskow, de Credit Suisse, avance aussi que Kellogg, JM Smucker(SJM,135,95$US), Campbell Soup, General Mills et Conagra(CAG,39,61$US) pourraient elle-même devenir des prédateurs afin d’aller chercher les marges qui leur manquent.

«Mondelez pourrait approcher Hershey de nouveau. ConAgra, Tyson Foods(TSN, 65,26$US) et General Mills pourraient convoiter Pinnacle Foods(PF,54,85$US). Kellogg et Campbell Soup pourraient aussi s’appuyer l’un sur l’autre», se demande l’analyste.

L’autre possibilité soulevée est que 3G Capital utilise son nouveau fonds d'investissement distinct de 10 G$US pour poursuivre des acquisitions dans les produits personnels parallèles à son placement dans Kraft Heinz.

«Nous croyons que l’évaluation des producteurs de produits personnels retrouvera sa plus-value historique par rapport à celle des producteurs d’aliments en prévision d’une nouvelle consolidation de ce segment de la consommation. Si 3G y voit de la valeur d’autres la verront aussi», écrit M. Moskow.

 

 

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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