Le casse-tête de la technologie


Édition du 23 Septembre 2020

Le casse-tête de la technologie


Édition du 23 Septembre 2020

(Photo: 123RF)

ANALYSE. Les signes d'excès sont partout en Bourse et rappellent plusieurs aspects de la frénésie de 2000.

La concentration du marché boursier américain en est un. Cinq géants technologiques (Facebook, Apple, Amazon, Microsoft et Alphabet-Google) dominent 24,7 % du S&P 500. Le poids de ces cinq vedettes se compare à celui de 18,5 % des cinq reines de 2000 qu'étaient Microsoft, Cisco, General Electric, Intel et Exxon. En réalité, c'est 45 % de l'indice S&P 500 qui baigne dans la technologie si on additionne le poids du secteur des TI et celui des communications ainsi que le titre d'Amazon (qui se trouve dans le secteur de la consommation discrétionnaire).

Il y a aussi la forte évaluation de ces cinq titans de la techno. Leurs actions s'échangent à un multiple moyen de 55,6 fois les bénéfices prévus dans 12 mois, ce qui n'est pas sans rappeler celui de 60 fois pour le Nasdaq en 2000.

D'autres signes de fièvre incluent la hausse parabolique de 400 % de Tesla depuis le début de l'année, ou encore la valeur de 70 milliards de dollars américains (G $US) accordé à Snowflake à son entrée en Bourse, soit 173 fois ses revenus.

Aussi, une nouvelle génération de petits investisseurs mise sur tout ce qui monte grâce au courtage sans frais et aux applications financières. Ces investisseurs actifs empruntent pour investir et parient sur la tendance haussière de leurs titres favoris à l'aide d'options à court terme ou encore de fonds négociés en Bourse qui triplent la performance du Nasdaq. Malheureusement, ils risquent fort de se brûler les doigts, mais pour l'instant, leur influence et leurs emprunts sont trop modestes pour sonner l'alarme, disent les experts.

La bulle la plus crainte

Pourtant, il semble prématuré d'affirmer qu'une bulle est sur le point d'éclater, surtout lorsque tant de professionnels en ont déjà très peur. Quelque 80 % des gestionnaires mondiaux sondés par BofA Securities sont convaincus que la technologie constitue le pari le plus populaire de l'histoire et considèrent que cet engouement est le deuxième plus grand risque au marché haussier, après une deuxième vague pandémique.

Il semble peu probable qu'une bulle éclate lorsque les investisseurs institutionnels sont sceptiques ou prudents, comme le révèlent leur répartition assez neutre en actions et leur encaisse élevée de 4,6 %.

L'avance de la technologie se distingue surtout de la bulle de 2000 par le fait que les sociétés les plus dominantes sont cette fois très rentables et qu'elles regorgent aussi de vastes liquidités.

On associe le plus souvent la montée de ces nouveaux blue chips à leur croissance rapide, mais ce sont plutôt leurs perspectives plus visibles, leurs profits et leur bilan sain qui attirent les foules.

Au moment où les investisseurs commencent à miser sur les industries plus susceptibles de profiter du retour à la normale, il est intéressant de constater que les titans du Web performent bien en Bourse chaque fois que la reprise semble moins sûre. Ce paradoxe explique pourquoi bien des stratèges mélangent les titres de technologie bénéficiaires de la pandémie et du virage numérique durable aux actions dites cycliques dans leur répartition.

Même s'il est trop tôt pour conclure à une bulle, la technologie pourrait voir son avance s'effriter. Ces titres ont d'énormes attentes à satisfaire. Il leur sera difficile de soutenir l'élan que leur ont fourni les mesures mondiales de confinement qui ont devancé des années de croissance.

Goldman Sachs suggère même qu'un vaccin crédible sonnera le glas de la performance de tête de la technologie parce que les investisseurs reviendront vers les entreprises bénéficiaires du retour à la normale. C'est ce qui fait dire à Tony Dwyer, de Canaccord Genuity, que les récents replis de 7 % du S&P 500 et de 11 % du Nasdaq sont probablement les premiers de plusieurs mouvements de recul de 3 % à 7 % qui ponctueront le trajet de la Bourse vers de nouveaux sommets, au cours des prochains mois.

L'analyste américain compare ce parcours à une série de paliers à franchir. Chaque repli «corrige» un peu les excès techniques du S&P 500 et offre l'occasion de parier à meilleur prix sur la reprise mondiale.

Ce trajet est bien amorcé à en juger par la performance sectorielle depuis le creux du 23 mars aux États-Unis : le secteur des matériaux a rebondi de 72 %, l'industrie, de 62,5 % et l'énergie, de 39,8 %. La consommation discrétionnaire a aussi grimpé de 69 %, mais Amazon représente la moitié de ce secteur.

Pour sa part, Michael Hartnett, stratège en chef de BofA Securities, croit que le «témoin boursier» (une allusion au bâton qu'on échange dans les courses à relais) passera de la technologie aux autres secteurs, ce qui fera en sorte de garder le S&P 500 coincé dans une fourchette de 3300 à 3600 points.

 

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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