Lassonde, la discrétion n'est pas un obstacle aux rendements

Publié le 26/01/2017 à 17:18

Lassonde, la discrétion n'est pas un obstacle aux rendements

Publié le 26/01/2017 à 17:18

«J’ai bon espoir que l’administration Trump saura prendre les bonnes décisions économiques (concernant les taxes sur intrants non américains)»,a déclaré Jean Gattuso, le pdg, en marge d'une allocution.

Pour les journalistes, rien de plus frustrant que des questions sans réponse. Pour les investisseurs, il est aussi plus ardu de bien jauger des mérites d’un placement lorsque ses perspectives restent vagues.

Dans le cas d’Industries Lassonde(Tor., LAS.B, 206$), la culture de discrétion n’est pas un obstacle aux rendements. Au contraire.

Pourtant son pdg Jean Gattuso n'a pas voulu commenter sur sa chasse aux acquisitions ni élaborer sur les rabais qu'exigent les épiciers à leurs fournisseurs.

L'expert du marketing et des aliments admet que son modèle d’affaires apparaît «complexe», mais c’est justement pour mieux garder dans le noir les géants qui le concurrencent, a-t-il glissé, dans une allocution devant le Cercle finance et placement du Québec.

«Il faut être agile et se différencier pour affronter les Coke et Pepsi de ce monde», a-t-il dit en précisant que son entreprise peut lancer 25 nouveaux produits ou formats par an.

L’action du producteur de jus, de boissons, de bouillons et de vins a de quoi faire rougir d’envie bien des coqueluches boursières.

Son titre a procuré un rendement total de 200% depuis 5 ans, dix fois plus que celui de 20% de l’indice S&P/TSX. Si on remonte au cours de 2,89$ en 1989, l’action a littéralement explosé.

Son action obtient aussi un multiple de 27,5 fois son bénéfice que l’on associe plus souvent à des sociétés de technologie ou à forte croissance.

L’entreprise de Rougement contrôlée par la famille Lassonde a une valeur boursière de 1,4 milliard de dollars et réalise des revenus de 1,5G$. En 1987, ses revenus de 60 millions de dollars étaient entièrement québécois.

Les réalisations plus importantes que la notoriété

Pour Pierre Lussier, de Gestion de placements Eterna, la constance et la cohérence de la stratégie de croissance interne, d’innovation et d’acquisitions sont le meilleur gage que l’entreprise continuera à «livrer la marchandise».

«Les dirigeants de Lassonde sont parmi les meilleurs dirigeants au pays. Ce n’est pas un investissement pour les spéculateurs à court terme. D’ailleurs, le peu d’actions en circulation libre ne le permet pas», a-t-il confié en entrevue à Les Affaires.

Le titre n’est certainement une aubaine, reconnaît le spécialiste des actions québécoises, mais «un titre peut rester cher longtemps si l’entreprise n’a complété que la moitié ou les trois-quarts de son plan d’affaires de 3 à 5 ans par exemple», fait valoir le gestionnaire de portefeuille.

Lassonde attend son heure pour acheter à bon prix

Bien que les acquisitions figurent au quatrième rang de sept priorités, Lassonde se dit à l’affût d’occasions d’affaires dans un marché encore plus éclaté qu’avant.

«Il y a cinq ans, les boissons-santé représentaient 5% du marché. Cette proportion devrait passer à 50% d’ici 15 ans», indique M. Gattuso, en citant au passage le jus Oasis Hydra Fruit de 60 calories ou encore le remplacement de repas Oasis Nutrisolution qui contient des protéines.

Le numéro un américain des jus de marques privées Cliffstar serait la cible d’achat la plus stratégique et rentable pour Lassonde, avance Leon Aghazarian de la Financière Banque Nationale, mais M. Lussier rappelle que les dirigeants sont des acquéreurs disciplinés.

L’analyste estime à 500 millions de dollars la capacité maximum d’acquisition de l’entreprise tandis qu’il accorde une valeur de 375M$US à Cliffstar.

La division des boissons-santé de la Torontoise Sunopta(SOY, 9,74 $) serait une autre possibilité.

«Ils ont déjà identifié tous les acteurs qui les intéressent. Ils attendent leur heure pour réaliser une acquisition à bon prix. Les États-Unis restent la priorité», ajoute M. Lussier.

Le marché américain des jus et boissons atteint 14 milliards de dollars américains, par rapport à 1,8 G$ au Canada,

Non seulement les dirigeants refusent de payer le prix fort, mais ils gardent les cadres les plus compétents de leurs cibles d’acquisition, explique-t-il.

Le modèle d’affaires d’Apple&Eve qu’a acquis Lassonde en 2014 est particulièrement intéressant. La société est propriétaire de ses marques, mais elle les fait produire par des «conditionneurs à forfait», dont sa filiale américaine Lassonde Pappas.

M. Gattuso aimerait bien mettre la main sur un autre conditionneur à forfait, mais comme toujours «il faut être deux pour danser», a-t-il évoqué.

Trump dans le radar

Les dirigeants gardent aussi à l’œil la nouvelle administration Trump, prédisant de grands bouleversements pour les fabricants, les importateurs et les exportateurs.

Si une baisse potentielle des impôts serait bienvenue, la fin de la déductibilité des frais d’intérêt ou une taxe imposée sur les intrants importés le seraient beaucoup moins.

«J’ai bon espoir que l’administration saura prendre les bonnes décisions économiques», dit M. Gattuso

Après l’achat de Clement Pappas en 2011 et d’Apple&Eve en 2014, l’entreprise réalise 58% de ses revenus aux États-Unis, où elle exploite cinq usines.

Lassonde a l’habitude de s’adapter aux nombreux imprévus de ses marchés. En 2008, elle a mis au point le jus d’agrumes Pur déjeuner pour contrer la hausse fulgurante du prix du jus d’orange à l’époque.

Lorsque le prix de l’ananas a explosé il y a deux ans, Lassonde a lancé le mélange Pinnaple Delight.

Quand le huard recule, il est aussi plus rentable d’utiliser la capacité excédentaire de ses usines canadiennes et d’exporter ses jus aux États-Unis parce que le coût de revient est plus bas en dollars canadiens.

Épiciers: la concurrence encore rationnelle

La concurrence entre les épiciers canadiens n’est pas plus féroce qu’avant contrairement à l’impression laissée par la médiatisation des concessions exigées à tous les fournisseurs, assure M. Gattuso.

«Notre travail reste le même: rencontrer leurs exigences tout en préservant une marge juste pour nous», s'est contenté de dire le pdg.

Lassonde offre aux épiciers ses propres marques, mais fabrique aussi leurs marques privées pour optimiser ses usines et faire croître sa «part de l’estomac» des consommateurs.

M. Aghazarian, le seul analyste à assurer le suivi de l’entreprise, maintient son cours cible de 225$, pour un rendement potentiel de 9,2%.

Cet objectif ne tient pas compte de futures acquisitions.

Après un bond de 37% en 2016, l’action de Lassonde s’essouffle un peu. Son action a perdu 10,7% depuis son record du  11 janvier.

M. Lussier ne s’explique pas ce nouveau recul, mais ce genre de fluctuations à court terme importe bien peu à ses yeux.

«Je suis content de garder mes actions. La société rencontre la majorité de nos 38 critères de placement. On les laisse bien mener leur barque», dit-il.

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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