L'après-Trump: prendre un bon recul avant tout

Publié le 10/11/2016 à 16:21, mis à jour le 11/11/2016 à 16:28

L'après-Trump: prendre un bon recul avant tout

Publié le 10/11/2016 à 16:21, mis à jour le 11/11/2016 à 16:28

Les Américains ont cette expression fort juste «Be careful what you wish for» et elle s’applique merveilleusement aux lendemains de l’élection improbable de Donald Trump.

Une catastrophe était attendue s’il était élu tellement les investisseurs n’étaient pas complètement parés à l’élection d’un candidat aussi volatil et aussi peu expérimenté.

Pourtant, l’indice mondial MSCI a effacé toutes ses pertes d’octobre tandis que le Dow Jones s’offre un record historique, le 10 novembre, parce que l’éjection des Démocrates du pôle décisionnel à Washington et le discours plus conciliant du candidat populiste ouvrent les vannes économiques.

Les investisseurs se ruent vers les titres cycliques, les plus sensibles à l’économie qui devraient profiter des promesses de 500 milliards de dollars en infrastructures, des coupes d’impôts, du retour de l’industrie du charbon, de la construction d’oléoducs et du forage de shiste.

Les banques grimpent dans l’espoir que les républicains feront taire celle qui agit comme la procureure générale dans un procès sans fin contre les bonzes de Wall Street, la sénatrice Elizabeth Warren. La hausse des taux rentabilise aussi leurs prêts.

D’ailleurs, Jamie Dimon, le réputé pdg de JPMorgan(NY, JPM, 76,65$US) figure dans la liste des prétendants au poste névralgique de Secrétaire du trésor de la future administration Trump, rapporte l’agence Bloomberg.

Les titres du secteur de la santé, mis à mal par le regard accusateur des démocrates concernant la hausse systématique des prix des médicaments, rebondissent.

Les montagnes russes, qui s'emballent depuis le 8 novembre, - les contrats à terme sur le Dow Jones ont fluctué rien de moins que 1172 points le 9 novembre - signalent à quel point les pros et leurs ordinateurs se tirent dans toutes les directions.

Jugez par vous mêmes

David Kostin, stratège américain en chef, de Goldman Sachs, affirme que le président Trump aura peu d’impact sur le S&P 500, maintient son objectif de 2100 à la fin de 2016 et prévoit que la lente progression des bénéfices nourrira d’autres gains graduels au cours des prochains années.

Dans son blogue A Wealth of Common Sense, Ben Carslon, évoque la possibilité que la présidence de Trump crée une bulle en Bourse si ses politiques populistes stimulent l’économie au point de faire grimper l’inflation et les taux, ce qui ferait flancher la valeur des obligations, obligeant ainsi les investisseurs à rediriger leurs capitaux à la Bourse.

Par contre, le protectionnisme et la menace d’une guerre commerciale soulèvent la crainte inverse d’une récession sévère.

Bill Gross, gestionnaire vedette du Fonds Janus Global Unconstrained Bond Fund, ne croit pas que la présidence de Donald Trump changera le régime de la croissance économique qui est freinée par des facteurs structurels hors de son contrôle.

Son ex-collègue Mohamed El-Erian, conseiller économique chez Alliance SE, croit que Donald Trump peut rallier Washington à son agenda pro-croissance, tout en réformant les impôts. «Toutefois, s’il reprend sa rhétorique anti-commerce, les marchés repartiront à la baisse», a-t-il déclaré à Bloomberg TV.

Et que dire de Jeffrey Gundlach, de DoubleLine Capital, qui avait prédit l’élection de Trump, le 26 octobre, déclenchant les rires de son auditoire. Le gestionnaire d’obligations prédit aujourd’hui une explosion des déficits américains qui feront grimper les taux jusqu’à 6%, au cours du premier mandat de M. Trump.

Déjà, les deux premières émissions de 38 milliards de dollars américains de titres de dettes du Trésor américain, les 9 et 10 novembre, ont reçu un accueil tiède des investisseurs, ce qui a fait monter les taux obligataires. Les taux américains de 10 ans ont grimpé de 0,41% à 2,14% depuis un mois, ceux de 30 ans de 0,50% à 2,95%.

Les opinions contradictoires se multiplent, même dans une même firme. Si Citigroup avertissait ses clients le 4 novembre d'une chute de la Bourse si Donald Trump remportait les élections, le 11 novembre, son stratège Jeremy Hale voyait la hausse de 3,6% du S&P 500 et de 5% du Dow Jones, cette semaine, comme le début d'une nouvelle période d'appréciation pour les actions.

Au Canada, l'investisseur à la tête de l'assureur Fairfax Financial, Prem Watsa, vient de couper de moitié la protection qu'il avait achetée pour parer à une baisse de la Bourse, car il croit dorénavant que l'élection de Donald Trump a le potentiel de renverser fondamentalement la direction de l'économie et de la Bourse pour le mieux.  

Des conseils à profusion 

Les courtiers canadiens sont nombreux à tenter d’aiguiller leurs clients dans la nouvelle réalité, en recommandant un virage pro-croissance dans les industries de l’énergie, des matériaux, des ingénieurs et de la finance.

La vigilance est de mise parce que certaines politiques ont souvent des répercussions imprévues ou insoupçonnées.

Par exemple, le secteur de l’énergie peut profiter du penchant de M. Trump pour l’énergie fossile et son intention de raviver l’emploi dans cette industrie américaine stratégique.

Or, qui dit plus de production, dit aussi surabondance de l’offre et des prix plus bas, au moment où l’Organisation des pays exportateurs du pétrole (OPEP) n’arrive pas à restreindre leur propre production.

Le pétrole brut irakien et iranien coule à flot alors qu’on prédit aussi une recrudescence de la production en Mer du Nord.

La construction du fameux oléoduc Keystone aux États-Unis par TransCanada (Tor., TRP,60,20$) fait aussi saliver les producteurs albertains qui pourront y acheminer leur carburant et ainsi obtenir un prix plus élevé pour leur pétrole Western Canadian Select.

En revanche, les taxes environnementales sur les émissions de dioxyde de carbone de l’Alberta et d’Ottawa pourraient sérieusement réduire l’avantage concurrentiel des producteurs canadiens par rapport aux producteurs américains qui n’auront pas ces contraintes.

Le secteur de la santé a rebondi après la défaite des démocrates qui les avaient à l’œil, mais la refonte d’Obamacare pourrait aussi bouleverser l’industrie à nouveau.

Certains investisseurs parient déjà que la réduction des paliers d’impôts, et les 1600$US d’économies annuelles par ménage qu’elle représente, pourraient stimulent la consommation, mais Sharon Zackfia, du courtier William Blair, met en garde contre trop d’enthousiasme.

«Si l’impôt médian des ménages a baissé à 11 reprises depuis 1970, les dépenses personnelles de consommation n’ont augmenté qu’à six occasions. La corrélation est donc ténue», rappelle l’analyste.

En même temps, quinze autres États viennent d’augmenter leur salaire minimum, le même nombre qu’en 2016, ce qui gonflera les coûts des détaillants et des restaurateurs.

«C’est l’autre dimension de la réalité qu’il ne faut pas négliger », dit-elle.

Pendant que certains sont excités à la perspective d’un nouveau cycle haussier pour l’acier grâce aux infrastructures, Frederic Bastien, de Raymond James, reste prudent concernant le distributeur canadien Russel Metals(Tor., RUS, 22,85$)

«À court terme, le récent bond de l’acier n’est probablement pas durable. Nous attendons que le cours du pétrole se stabilise ou que l’action de Russel se replie, avant d’en recommander l’achat de nouveau», écrit-il.

Des tels exemples de chaud et de froid se multiplient en fonction des scénarios que les experts échafaudent autour de la présidence de Donald Trump.

Le message à retenir de cette longue énumération: mieux vaut ne pas chambouler ses placements. Il faut surtout éviter de gros paris sectoriels et de répartition d’actif en fonction de l’élection américaine.

Lisez aussi la réaction de Philippe Leblanc, de Cote 100, à l'élection de Donald Trump

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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