Bourse: l'histoire ne se répète pas, mais rime

Publié le 19/10/2018 à 18:00

Bourse: l'histoire ne se répète pas, mais rime

Publié le 19/10/2018 à 18:00

Il est un peu étonnant de lire tous les commentaires incrédules au sujet des récentes turbulences en Bourse.

Tout semble pourtant se passer dans l’ordre des choses.

Le rendement que procurent les actions diminue, la volatilité augmente et les secteurs retardataires prennent le relais des rois du marché haussier.

À la fin d'un long cycle économique et boursier, il est naturel que les multiples d’évaluation se contractent lorsque les taux montent, comme l'indique le PDG de Cote 100 Philippe Le Blanc, dans son blogue.

Ce mécanisme de réévaluation (re-rating, dans le jargon) survient lorsque le régime des taux change puisque les taux d’intérêt constituent le principal déterminant financier pour établir la valeur de tout actif.

Or, la Fed a accru son taux directeur huit fois depuis la fin de 2015 et pourrait serrer la vis d’encore un pourcent à 3-3,25%, croient certains observateurs.

Le même dollar de bénéfice n’a plus la même valeur lorsque les taux remontent. Pourquoi payer plus cher pour une action lorsque le rendement sans risques des obligations du Trésor procure un rendement plus concurrentiel qu’avant.

D’où le recul plus prononcé des chouchous de croissance de la technologie qui s'échangent à de forts multiples.

L’évaluation du S&P 500 est revenue à son plus bas depuis le début de 2016, soit un multiple de 16 fois les bénéfice prévus dans 12 mois.

Si l’indice retournait à sa moyenne de 15 fois depuis 2009, il perdrait 6% de plus, a indiqué Mike Wilson de Morgan Stanley, à Bloomberg.

Encore faut-il que la croissance des bénéfices de l’équation ne décélère pas trop, après l’effet boeuf qu'aura eu la baisse des impôts en 2018.

Ce risque - suscité par la menace de nouveaux tarifs, le ralentissement mondial et le tour de vis rapide de la Fed - explique pourquoi les cours ont retraité même lors des séances pendant lesquelles les taux à long terme reculaient.

Des taux à la hausse et un ralentissement dans la progression des profits est le duo qui a provoqué le plus de trimestres déficitaires pour le S&P 500, depuis 70 ans, note Strategas Research Partners.

Pas étonnant non plus dans ces circonstances que les industries gravitant autour de l’immobilier résidentiel et de l’automobile aient aussi  souffert le plus en Bourse récemment de la hausse des taux.

Retour du style «valeur»?

À la recherche de refuges, d’aubaines ou de placements plus rentables, les investisseurs actifs se déplacent d’un secteur à l’autre.

C’est pourquoi par exemple, la santé a repris le collier de la technologie en tête du palmarès des rendements depuis quelque temps.


« À ce stade avancé du cycle, les titres qui avaient le moins profité du marché haussier jusqu’ici trouvent à nouveau preneur. »

C’est ce qui explique que tant d’experts disent que le moment est venu de prendre le virage «valeur», après dix ans de domination de la «croissance».

Le problème avec cette notion c’est qu’elle est vaseuse.

Certains secteurs se négocient toujours à un multiple inférieur à celui du marché ou ne s’échangent pas en fonction des bénéfices, tels que les producteurs de métaux.

À d’autres moments, la dynamique du marché prend le dessus sur la distinction entre la valeur et la croissance.

Au creux de mars 2009 par exemple, toute la Bourse était une bon marché. Et après l’implosion de la bulle techno en 2000, les autres secteurs, les ressources en particulier, étaient des aubaines classiques.

Cette fois, ce virage est compliqué par le fait que les deux principaux secteurs sous-évalués, la finance et de l’énergie, sont «brisés», indique Martin Roberge, de Canaccord Genuity, un stratège sectoriel.

Les investisseurs américains se tournent donc par défaut vers les industries des services aux collectivités et des télécommunications, même si la hausse des taux à long terme leur est habituellement défavorable.

Les secteurs pharmaceutique et de la consommation de base, ainsi que les fonds immobiliers à capital fermé, devraient mieux faire que le marché dans son ensemble au cours des prochains mois, croit aussi M. Roberge, dont la stratégie sectorielle est nord-américaine.

Au Canada, l’approche «valeur» classique ne se pratique pas vraiment à cause du manque d’équilibre du S&P/TSX, dit-il.

«Les secteurs de la technologie, de la consommation discrétionnaire et de la santé sont trop petits pour pouvoir se déplacer du style de la croissance à celui de la valeur efficacement. Les pros changent donc l’emphase dans leur portefeuille entre les secteurs cycliques les plus tributaires de l’activité économique (énergie et matériaux), les secteurs cycliques moins sensibles à la croissance (technologie, industrie, finance et consommation discrétionnaire) et les secteurs stables (services aux collectivités, télécommunications, consommation de base, fonds immobiliers).

Comme lors du mouvement de recul de 2015-16, pendant lequel le S&P 500 avait glissé sous sa moyenne mobile de 200 jours, M. Roberge croit que la Bourse américaine aura besoin de tester le plancher de 2728, touché le 11 octobre, avant de reprendre du tonus.

Rebond potentiel du S&P/TSX en vue

Après une semaine éprouvante pour plusieurs, terminons sur une note encourageante.

La dernière fois que le S&P/TSX a fait aussi mauvaise figure, en termes du nombre de secteurs et de titres à la baisse, il a connu un rebond technique, signale M. Roberge, de Canaccord Genuity.

«Alors qu'en 2011, 2014 et 2015, le rebond avait été de courte durée, cette fois, l’indicateur avancé chinois de l’OCDE remonte la pente grâce aux mesures de relance instaurées depuis l’été. Les plus récentes données sur le PIB chinois et la production industrielle constituent peut-être un plateau à court terme», écrit-il.

Si l’économie chinoise cessait de se détériorer, les marchés canadiens et émergents pourraient reprendre du mieux, renchérit-il.

Même s’il prévoit six mois difficiles pour le S&P 500, Michael Hartnett, de Bank of America Merrill Lynch, reconnaît que la hausse des taux a déjà causé beaucoup de dégâts.

En d’autres mots, le pire est peut-être déjà derrière nous.

Quelque 58% des 2767 sociétés de l’indice MSCI tous les pays ont perdu plus de 20 % de leur sommet respectif. Aux États-Unis, 46% des 1889 titres du New York Stock Exchange ont aussi chuté de plus de 20%.

Les obligations américaines du Trésor se dirigent vers une perte annuelle de 9,7%, la troisième pire depuis 1970, précise aussi le stratège en chef.

Le recul de 3,8% des obligations américaines de sociétés de première qualité est aussi la troisième pire depuis 1970.

Son homologue britannique James Barty, voit des aubaines émerger. Le multiple cours-bénéfices de 14 fois de l’indice mondial MSCI tous les pays est le plus modeste depuis 2016.

Le multiple de 10,5 fois des marchés émergents est aussi le moins gourmand depuis 2016.

«Les pros ont déjà plus d’encaisse que de coutume, ont pris des mesures pour protéger leurs titres à revenu fixe de la hausse des taux et détiennent peu de titres du secteur industriel et des marchés émergents», énumère-t-il.

Cela suggère que leurs portefeuilles se sont déjà prémunis en partie contre le risque que l’économie mondiale ne ralentisse, que la hausse des taux de la Fed soit trop brusque et que les ripostes tarifaires entre les États-Unis et la Chine ne dégénèrent en guerre commerciale.

Le responsable des marchés émergents de la même banque, David Woo, flaire un compromis commercial potentiel lors d’une rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping, lors du sommet du G20 à la fin de novembre.

«Un tel dénouement, conjugué à l’effet décalé de la détente monétaire chinoise sur son économie, remplumeraient les perspectives mondiales et rassénéreraient les investisseurs», écrit-il.

 

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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