Bourse canadienne: une rentrée sous haute tension

Publié le 02/09/2017 à 13:21, mis à jour le 05/09/2017 à 17:38

Bourse canadienne: une rentrée sous haute tension

Publié le 02/09/2017 à 13:21, mis à jour le 05/09/2017 à 17:38

Photo: 123rf.com

Vous voulez une preuve de plus que l’économie a bien peu à voir avec la Bourse.

L’économie canadienne vient de connaître son meilleur début d’année depuis 2002.

Le bond de 4,5% du produit intérieur brut, au deuxième trimestre, trône aussi en tête des pays du G7 parce que l’économie mondiale est la mieux synchronisée depuis le premier trimestre de 2007. Et pour célébrer sa bonne fortune, le S&P/TSX … perd 0,5% depuis le début de l’année.

Cette divergence est un casse-tête pour les stratèges qui présentent leur plan de match pour la rentrée de septembre et le reste de l’année à leurs clients.

Le rebond des ressources n'est pas fini

Chez Canaccord Genuity, Martin Roberge, a choisi de réinvestir 2% de son encaisse dans les actions canadiennes, mais la place qu’occupe la Bourse canadienne dans son portefeuille-modèle revient tout simplement au neutre.

Une foule de facteurs l’incitent à tempérer un peu la prudence qu'il avait depuis février concernant la Bourse de Toronto.

Le S&P/TSX s’est déjà corrigé de 4,5% depuis son sommet de février, tandis que la croissance mondiale, la vigueur des métaux de base, la détente monétaire dans les pays émergents et les bons résultats des banques canadiennes donnent de meilleures assises à l’indice.

«Nous sommes plus à l’aise qu’avant avec l’idée que le secteur des ressources puisse poursuivre son mouvement haussier sans nuire aux banques qui pèsent lourd (23%) dans l’indice. En d’autres mots, les pros actifs seront moins tentés qu’avant de vendre leurs titres bancaires pour acheter des producteurs de matières premières, ce qui aurait tiré le S&P/TSX vers le bas», explique-t-il dans sa mise à jour de septembre.

Les banques comptent pour 23% de la valeur de l'indice torontois.

Le secteur de l'énergie n'aide pas la cause puisque cette industrie qui pèse 20% dans l'indice et a perdu 15%, depuis le début de l'année.

Comme lors de la période de croissance mondiale de 2006 à 2008, la demande pour les métaux augmente au moment où les producteurs accroissent peu leur production.

Le stratège fait valoir que le nouveau rebond des ressources peut s’étendre jusqu’au printemps 2018 puisque plusieurs producteurs s’échangent encore sous leur valeur comptable.

Les secteurs de l’énergie et des matériaux s’échangent globalement à une évaluation de 1,5 fois leur valeur comptable comparativement à la pointe de 2 fois qui met généralement fin à leur mouvement haussier.

Par contre, les autres secteurs du S&P/TSX risquent d’évoluer dans un étroit couloir parce qu’ils sont soit trop chèrement évalués ou dépendent trop des dépenses de consommation, qui elles, sont dopées par l’effet de richesse de l’immobilier résidentiel.

De plus, M. Roberge soutient qu’à part les ressources, la Bourse canadienne est loin d’être aussi bon marché que les mesures d’évaluation traditionnelles ne l’indiquent.

Le ratio qui compare la valeur des entreprises, incluant leur dette, au bénéfice d’exploitation est à un record, dit-il. La dette des entreprises du S&P/TSX équivaut à leurs ventes, le double du même ratio pour l'indice mondial des actions.

Un gain d'encore 4%

En même temps, M. Roberge surveille de près tout indice qui indiquerait que l’économie mondiale perd de son élan.

Pour l’instant, le deuxième semestre s’annonce encore solide, même si la proportion des pays de l’OCDE dont les indicateurs avancés augmentent est récemment passée de 74 à 60%.

Si cette proportion devrait tomber sous 50% pendant plus d’un mois ou deux, ce serait alors un signe avant-coureur d’un nouveau ralentissement mondial en 2018 et un signal de danger pour tous les actifs risqués, prévient aussi le stratège.

«Une fois que les ressources auront complété leur appréciation, il sera temps pour les investisseurs de redevenir plus prudents parce que les marges de profit des entreprises, tant pour le S&P/TSX que du S&P 500, approchent du leur zénith qu’elles avaient en 2000 et en 2007», ajoute M. Roberge.

Pour l’instant, les perspectives pour les taux et les bénéfices accordent une valeur juste de 15800 au S&P/TSX, en 2018, soit 4% de plus que son cours actuel, évalue M. Roberge.

L'immobilier fait déjà de l'ombre

Alors que plusieurs stratèges misent encore sur un certain rattrapage de la Bourse de Toronto au deuxième semestre, David Doyle, de Macquarie Research, reste convaincu que la fin du boom immobilier nuira inévitablement aux dépenses des consommateurs canadiens.

D’ailleurs à son avis, l’économie canadienne est déjà plus fragile que le taux de croissance spectaculaire des deux derniers trimestres ne le laissent croire.

Il soutient que l’économie aurait crû de seulement 1,5% au premier semestre, au lieu de 4,1%, sans la reconstitution des stocks et le rebond des exportations de pétrole et de gaz.

Le bond du huard et la hausse des taux agiront aussi comme des freins économiques au moment où le marché immobilier de la revente perd déjà de sa vigueur.

L’achat de biens de consommation durables et semi-durables est le plus élevé en dix ans et représentent 35% de la croissance économique actuelle, dit-il. Ces dépenses peuvent se renverser rapidement une fois que les taux ainsi que le plafonnement ou le recul du prix des maisons réduiront l’humeur dépensière des consommateurs, craint l’économiste.

«Le marché immobilier commence une longue période de réajustement au moment où les consommateurs sont très endettés», insiste-t-il.

M.Doyle s’attend à ce que le rythme de l’économie canadienne décélère jusqu’à 1,8% en 2018. Un scénario beaucoup plus pessimiste verrait une contraction du secteur immobilier carrément faire basculer le pays en récession.

En conséquence, le stratège joue de prudence cet automne, préférant les entreprises canadiennes exportatrices ou bien implantées à l’étranger et les secteurs «défensifs».

 

 

À propos de ce blogue

La Sentinelle de la Bourse se veut un blogue pour les investisseurs qui s¹intéressent aux rouages de la Bourse et aux marchés financiers. Son objectif : surveiller et débusquer des repères financiers pertinents pour prendre le pouls des Bourses et ainsi mieux aiguiller les décisions de placement de l¹investisseur.

Dominique Beauchamp
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