Startupfest 2016: qu'est-ce qui cloche avec les accélérateurs?

Publié le 15/07/2016 à 14:59

Startupfest 2016: qu'est-ce qui cloche avec les accélérateurs?

Publié le 15/07/2016 à 14:59

Par Diane Bérard

Molly Cain, de l'accélérateur texan Sumo Ventures, estime que le Demo Day n'est pas un dû pour tous les participants des cohortes.

La 6e édition du Startupfest a lieu jusqu’à samedi dans le Vieux-Port de Montréal. Cet événement annuel attire des start-ups et tout l’écosystème qui gravite autour d’elles : investisseurs, accélérateurs, incubateurs, gouvernements, consultants. On y croise des Québécois, mais aussi des Canadiens et des Américains. L’atmosphère est plutôt détendue. Et le code vestimentaire arrimé à cette période de canicule : flip flops, shorts, bretelles spaghetti … J’y suis allée mercredi et jeudi. Voici quelques idées que j’ai retenues.

1- La mission des accélérateurs: bâtir des produits ou bâtir des leaders?

«On trouve trois types de facilitateurs de start-ups, estime la consultante Ondine Hogeboom, de Lean4Flourishing, une firme qui accompagne les organisations afin qu’elles génèrent à la fois un impact financier, social et environnemental. Les premiers investissent dans des idées. Ils contribuent à monter des entreprises qui seront vendues pour leur garantir des revenus. Le développement de l’entrepreneur compte moins que le développement rapide du produit. Les seconds bâtissent des organisations. Ce sont surtout les accélérateurs universitaires. Cette fois, on consacre un peu plus d’énergie au développement de l’entrepreneur. Les troisièmes se consacrent entièrement au développement d’entrepreneurs.»

La mission des accélérateurs devrait-elle migrer pour produire un impact plus durable? Faut-il revoir le modèle de revenu qui consiste principalement à investir dans les entreprises pour en retirer un profit au moment de la vente? Ce modèle incite les accélérateurs à élaborer leur offre d’accompagnement autour de résultats financiers rapides plutôt que de viser la construction d’un écosystème.

2- La commandite des accélérateurs est-elle une fausse bonne idée?

Pour diversifier leurs sources de revenus, et assurer leur pérennité, de plus en plus d’accélérateurs se tournent vers la commandite. La relation entre les commanditaires et les accélérateurs reste à définir. Certains voient la commandite comme un moyen de pérenniser les accélérateurs. D’autres s’inquiètent de l’influence du commanditaire sur la stratégie de l’accélérateur. Ils craignent un détournement de la mission au profit des intérêts trop étroits du commanditaire. On craint aussi la vision courtermiste des commanditaires: leur intérêt pour l’accélérateur passera-t-il dès qu’un autre projet, plus rentable ou plus concret, attirera leur attention? Si tel est le cas, l’accélérateur ne gagne pas vraiment de stabilité. Comme le résume Dave McClure, cofondateur du célèbre accélérateur californien 500 Startups (qui ouvrira une succursale à Montréal au cours des prochaines semaines), « Nous voulons bien des commanditaires, mais ils doivent apporter quelque chose de concret à nos entreprises. De l’argent, des services, des rabais. Sinon, nous n’en voulons pas. Ça n'en vaut pas la peine. »

3- Les cadres ne font pas de bons mentors

« Les meilleurs mentors sont des entrepreneurs qui ont récemment complété votre programme, estime Semyon Dukach, de l’accélérateur Techstars à Boston. Ils ont franchi quelques étapes de plus que la cohorte qu’ils accompagnent, mais pas trop. La réalité de la cohorte est encore fraîche en leur mémoire. Je trouve ce type de mentors plus pertinents que des cadres de grandes ou de moyennes entreprises. »

4- Les accélérateurs doivent voir au-delà de leur programme

Ceci signifie travailler davantage en amont et en aval. Penser pré-programme et post-programme. Pré-programme: un processus de sélection plus élaboré. Peut-être un «boot camp » qui ratisse large et offre un meilleur choix au jury pour déterminer ceux et celles qui composeront la cohorte. Post-programme : continuer l’accompagnement de la cohorte lorsqu'elle a complété le parcours, pour bâtir des entreprises et des entrepreneurs plus résilients.

5-Accéléler n’est pas incuber

Trop d’accélérateurs n’accélèrent pas. Leur programme consacre trop de temps et d’énergie à aborder des concepts de base. Si vous avez 90 jours pour aider un entrepreneur à accélérer, il faut aller à l’essentiel.

6- Le Demo day n’est pas un dû

L’accélérateur texan Sumo Ventures remet en question le dogme voulant que tous les participants d’une cohorte participent de facto au « Demo Day », soit l’événement qui conclut le programme au cours duquel les entreprises présentent leur projet devant un parterre d’investisseurs. « Le Demo Day c’est un trophée. Tout le monde ne mérite pas nécessairement un trophée, explique Molly Cain, associée chez Sumo Ventures. Notre programme met les membres de chaque cohorte au défi. Il comporte cinq niveaux. Il faut gagner le droit de passer au prochain niveau. » Elle ajoute, « En entrevue de sélection, tout est toujours parfait. Notre programme par niveaux permet de savoir comment les entrepreneurs composent avec les défis et les frustrations. » Cette phase de défis s’étend sur quatre semaines.

7- Les deux façons de trouver sa mission

Ooshma Gard a lancé Gooble, un service qui livre à domicile les ingrédients pour préparer un repas maison en 10 minutes, en utilisant une seule poêle. La mission de Gooble: créer l’amour et les liens à travers la nourriture. « Mon père cuisinait avec amour tous les soirs, raconte la jeune femme d’origine indienne. J’ai voulu recréer ce rituel, et le sentiment de bien-être qu’il engendre, malgré le manque de temps. » Selon elle, une mission d’entreprise doit reposer sur l’émotion (rendre les gens heureux) ou sur la fonction (simplifier la vie).

8- Le vrai défi de la croissance: l'authenticité

La plateforme de commerce en ligne Shopify emploie 1000 employés dans cinq bureaux. Mais elle en a déjà compté à peine 10. On associe souvent le défi de la croissance à un enjeu de communication. Comment conserver le même niveau de proximité avec 100 ou 1000 employés qu’avec une dizaine? On imagine des rencontres mensuelles, des tournées du président, des vidéoconférences, des infolettres… Mais on passe à côté de l’essentiel, affirme Harley Finkelstein, chef des opérations de Shopify. « Structurer la communication c’est facile. Conserver l’authenticité des premières années, c’est autre chose. Ce n’est pas un défi d’organisation, c’est un défi de volonté et de vigilance. »

9- Le « bon vieux temps » c’est de la « bullshit »

Certaines personnes répètent constamment que « les choses ne sont plus comme avant ». Elles regrettent le bon vieux temps. Harley Finkelstein balaie cette affirmation du revers de la main. « Le bon vieux temps peut être maintenant ou demain », dit-il. Il ajoute, « Il y a les gens qui sont faits pour bâtir des entreprises et ceux préfèrent les joindre une fois bâties. Les premiers vont toujours regretter « le bon vieux temps » s’ils restent en place une fois l’entreprise bâtie parce que la maintenance n’est pas leur truc. »

Ma déception: où est l’impact au-delà de l’argent?

Malgré la qualité des intervenants et des discussions au Startupfest, cet évènement me laisse un sentiment de malaise. À aucun moment, le mercredi ou le jeudi, a-t-on évoqué, sur la scène ou dans les groupes de discussion, autre chose que l’impact financier de ce secteur. Et la mission des accélérateurs qui ont participé semble se réduire à ceci: générer un rendement financier pour les investisseurs. Bien sûr, on a parlé de pérennité, mais uniquement dans la perspective d’assurer la solidité financière des accélérateurs et des cohortes. Pas de vision holitistique, pas de triple rendement. J’attribue ce discours monolithique au manque de diversité des panélistes sélectionnés. Et peut-être aussi au choix des thèmes. Je veux bien laisser la chance au coureur, peut-être que certains panélistes auraient volontiers parlé de l’impact social et environnemental que cet univers génère ou aspire à générer… si on en avait fait le thème d’un panel. Ça aurait été un début. Il fallait que quelqu'un suggère d'ajouter ce thème au programme. Je le fais, Et je suggère aux membres de cet écosystème qui ont l'impact social et environnemental à coeur d'être présents l'an prochain ou, s'ils y sont déjà, de se manifester davantage pour amorcer de nouvelles discussions. Après tout, on est en 2016.

 

 

 

 

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