Entrevue n° 327 - Brad Keywell, entrepreneur en série et cofondateur, Uptake


Édition du 22 Juillet 2017

Entrevue n° 327 - Brad Keywell, entrepreneur en série et cofondateur, Uptake


Édition du 22 Juillet 2017

Par Diane Bérard

Brad ­Keywell a créé 14 entreprises. C’est un pilier de l’écosystème entrepreneurial de ­Chicago. Mis à part ­Groupon, toutes ses entreprises ont pour clients d’autres entreprises.

Brad Keywell a créé 14 entreprises. C'est un pilier de l'écosystème entrepreneurial de Chicago. Mis à part Groupon, toutes ses entreprises ont pour clients d'autres entreprises. Il nous parle d'Uptake, qui fournit des données prédictives aux employés qui, tous les jours, sur le terrain, prennent des dizaines de décisions.

L'entrevue n° 327

Diane Bérard - Vous avez fondé 14 entreprises. Celles-ci ont-elles un point commun ?

Brad Keywell - Elles utilisent toutes la technologie pour atteindre leur but. Et, à l'exception de Groupon, les entreprises que j'ai démarrées ont pour mission d'ajouter de la valeur aux autres entreprises. Seule Groupon s'adresse aux consommateurs.

D.B. - Vous insistez pour dire que vous n'êtes pas un investisseur. Expliquez-nous.

B.K. - L'investisseur débusque les bonnes idées des autres et accompagne ceux-ci. Nous développons nos propres entreprises à partir de zéro. Nous nous situons à l'extrémité du spectre du risque. Aujourd'hui, 22 000 personnes réparties dans 22 pays travaillent chez nous.

D.B. - De toutes vos entreprises, vous affirmez qu'Uptake est la plus spectaculaire. Pourquoi ?

B.K. - Uptake contribue à rendre le monde plus sécuritaire, plus prévisible et plus productif. Nous mettons entre les mains des entreprises l'information dont elles ont besoin pour résoudre les problèmes complexes qu'elles rencontrent. Nous combinons la science des données avec la cybersécurité et l'apprentissage machine.

D.B. - Uptake fournit des données aux entreprises, mais celles-ci en ont déjà plus qu'elles peuvent en utiliser...

B.K. - Nos données sont prédictives et actionnables. Elles proposent des actions concrètes aux employés sur le terrain.

D.B. - Vous travaillez avec l'industrie du rail. Donnez-nous des exemples de l'utilisation de vos données.

B.K. - Uptake a installé des senseurs sur la moitié des locomotives de la planète. Cela fait plus de 100 000 locomotives sur lesquelles nous recueillons des données. En combinant l'information en temps réel spécifique à chaque client avec l'historique de tous les clients de la même industrie, nous pouvons dire aux opérateurs quelles actions poser ou ne pas poser. Les senseurs détectent ce qu'aucun humain ne peut voir. Prenons la sécurité : l'opérateur peut savoir, par exemple, si sa locomotive est assez fiable pour faire la traversée du Canada. Il sait aussi sur quel tronçon il doit réduire sa vitesse pour une utilisation optimale de l'énergie et une réduction de l'usure du véhicule.

D.B. - Parlez-nous de l'aide que vous avez récemment apportée à un de vos clients du secteur éolien dans le nord de l'Iowa...

B.K. - Il y a quelques semaines, nos senseurs ont signalé au propriétaire de l'éolienne qu'il devait remplacer une pièce à l'intérieur du mât. Pourtant, son éolienne fonctionnait normalement. Il a tout de même fait venir les techniciens, qui se trouvaient à trois heures de route. Nos informations indiquaient avec précision la pièce à remplacer ainsi que son emplacement. C'était une toute petite pièce qu'on ne songe pas à inspecter en priorité, car elle est nichée au creux du mât. La réparation a coûté 10 000 $. Sans cette intervention, le client aurait déboursé 250 000 $.

D.B. - On affirme que la numérisation du travail va mettre des tas d'employés à la rue. Uptake contribue à ce phénomène...

B.K. - Je ne crois pas. Nous donnons beaucoup de pouvoir aux employés pour qu'ils soient encore plus compétents. Uptake travaille avec les grandes industries traditionnelles : le rail, l'énergie, la construction et l'aviation. Elles sont énormes, et leurs enjeux aussi. Voulez-vous vraiment vous en remettre uniquement au savoir-faire humain pour l'entretien d'un pipeline ? Au cours des interventions qu'ils effectuent, les médecins peuvent compter sur des listes de contrôle. Il est souhaitable que les opérateurs aient aussi de tels aide-mémoire. Et que ceux-ci soient dynamiques, alimentés en temps réel par toute nouvelle information pertinente.

D.B. - À quoi ressemble le monde sans Uptake ?

B.K. - (Rires) Le monde roule très bien sans nous. Il fonctionne simplement mieux avec nous. Nos clients font plus d'argent. Ils sont plus efficaces. Et leurs activités sont plus sécuritaires.

D.B. - Plusieurs start-up technologiques veulent réinventer le monde. Uptake désire plutôt le réparer...

B.K. - En effet, nous sommes concrets. Trouver des solutions aux grands enjeux de la planète inclut aussi de résoudre les enjeux des secteurs traditionnels. Qui s'intéresse au secteur de la logistique ? Nous ! Nous avons démarré Echo Global Logistics pour gérer tous les modes de transport de marchandises sur toutes les routes. Echo emploie 3 500 personnes et génère des revenus de 2 milliards de dollars américains.

D.B. - Vous avez démarré votre propre firme de capital de risque, Ligthbank. Pourquoi ?

B.K. - Je voulais fuir la pensée de troupeau. La plupart des entrepreneurs en technologie se massent autour de grappes comme Silicon Valley ou San Francisco. Ils dépendent d'investisseurs capricieux dont les humeurs influencent trop leurs activités. Ils en viennent à concevoir leurs idées en réaction aux attentes des investisseurs.

D.B. - Vous avez opté pour une philanthropie de «compétences». Votre fondation se nomme Beyond Uptake. Quelle est sa mission ?

B.K. - Nous mettons notre expertise et notre technologie au service des ONG, des fondations, des entreprises sociales et des agences gouvernementales pour leur permettre d'augmenter leur impact. Nous avons conçu un programme de mentorat de six mois pour les analystes de données de ces organisations. Les membres de la cohorte sont mis en relation avec des experts de l'Université Carnegie-Mellon. Le tout se termine par une rencontre de deux jours à Chicago, où chaque mentoré présente ses progrès. La prochaine cohorte va entreprendre le programme du 7 au 11 août.

D.B. - Donnez-nous un exemple de projet réalisé par la fondation Beyond Uptake.

B.K. - Prenons le dossier de la persévérance scolaire. Chaque année, des jeunes provenant de milieux défavorisés ne postulent pas pour l'université. Ils sont souvent les premiers de leur famille à aspirer à des études supérieures. D'autres dans la même situation s'inscrivent à des programmes qui ne leurs conviennent pas. Ils se découragent et ils décrochent. Dans les deux cas, la société se prive de ces jeunes talents. Ces derniers ratent l'ascenseur social. Nous avons créé une plateforme leur permettant de déterminer quels établissements d'études supérieures sont les plus appropriés à leur situation et à leurs besoins. C'est-à-dire ceux où ils ont le plus de chances d'être admis et de recevoir le soutien requis pour obtenir leur diplôme.

Consultez le blogue de Diane Bérard : www.lesaffaires.com/blogues/diane-berard

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