Les 4 pièges qui guettent les conseils d'administration

Publié le 16/03/2017 à 14:39

Les 4 pièges qui guettent les conseils d'administration

Publié le 16/03/2017 à 14:39

Par Diane Bérard

Les administrateurs doivent être vigilants et travailler ensemble pour éviter les pièges et les biais qui les guettent.

«Le courage sans jugement n’est pas très utile», Helen Handfield-Jones, spécialiste canadienne en évaluation et recrutement de pdg, Watson

(Les informations qui suivent sont tirées de l’événement «Comprendre et maîtriser la dynamique des conseils d’administration», de l’Institut des administrateurs de sociétés. Les panélistes étaient Helen Handfield-Jones, Estelle Metayer, présidente de Competia et administratrice de sociétés et Robert Tessier, président du CA de la Caisse de dépôt et de placement du Québec.)

Quelle est la différence entre un CA fonctionnel et un CA dysfonctionnel? Les qualités personnelles des membres bien plus que leurs compétences professionnelles. Et leur capacité à éviter les pièges qui les guettent.

Les 4 pièges qui guettent les CA

1-L’incapacité à voir les risques périphériques

«Le CA doit régulièrement revoir la définition de son industrie, souligne Estelle Metayer. Les frontières bougent pour inclure de nouveaux concurrents auxquels on n’aurait jamais pensé.» Comment surmonter ce biais? Favoriser la diversité au sein du CA, pour éviter la pensée de troupeau, et se nourrir d’idées externes.

2-Les angles morts, ces hypothèses qu’on ne questionne plus

«Ce sont toutes ces choses avec lesquelles on vit sans se poser de question », explique la présidente de Competia. Elle donne deux exemples. Pourquoi Postes Canada ne s’est jamais questionnée sur sa tarification. Envoyer une lettre coûte toujours le même prix, peu importe le temps de l’année. Or, de nombreuses industries pratiquent une tarification dynamique dictée par l'achalandage. Quant aux magasins, ils placent systématiquement le comptoir de cosmétiques à l’entrée alors que cet aménagement était dicté par les odeurs dégagées à l’époque du transport par des voitures tirées par les chevaux…» Pour surmonter ce biais, il faut faire de la place à la discussion dans l’agenda.

3- La tyrannie de la majorité

La réunion tire à sa fin. Une décision a été prise. Mais un administrateur n’est pas à l’aise. Il possède de l’information qui indique que ce n’est pas nécessairement la bonne direction à emprunter. Mais il se tait, pour ne pas perturber l’ordre établi. Comment éviter ce biais? «Il faut compter sur le président du conseil, estime Estelle Metayer. Il doit avoir la capacité de sentir les signaux faibles des administrateurs qui ne sont pas à l’aise ou d’accord avec une décision. Il doit être à l’écoute du langage corporel, par exemple.» Elle poursuit, «Il peut être sage de terminer chaque réunion par un tour de table demandant aux administrateurs s’il y a des sujets sur lesquels ils ne se sont pas exprimés ou des décisions avec lesquelles ils ne sont pas confortables.»

4- La tyrannie du passé

On parle d’ancrage, soit la difficulté à se débarrasser de sa première impression. La tendance à se fier au passé pour les décisions du présent. Il en résulte des erreurs issues d’un ajustement insuffisant. C’est ce qui fait dire à un administrateur, «Nous avons déjà connu ça. Nous avons réglé la question ainsi. Nous ferons de même cette fois.» Comment corriger ce biais? Encore une fois, par la diversité et l’apport régulier d’information extérieure.

Les 4 qualités d’un bon administrateur

1-Il sait quand parler et quand se taire

«Il possède un bon jugement en général, explique Robert Tessier. Il sait quand joindre la conversation, quand contester la direction et quand se rallier. Mais il possède aussi un bon jugement d’affaires, soit la capacité à mettre le doigt sur l’essentiel.»

2-Il sait quoi dire

«Un bon administrateur sait digérer un tas d’information pour poser la question importante, affirme Helen Handfield-Jones. Celle qui illumine la discussion et fait avancer la discussion. Les questions utiles ne portent jamais sur les faits. Celles-là n’apportent aucune valeur. Les bons administrateurs sont bien plus perspicaces que ça.»

3-Il n’a pas peur

«Il a le courage suffisant de ne pas prendre la même décision que le groupe», poursuit le président de CDPQ .

4-Il comprend ses collègues

« Un bon administrateur sait suivre la pensée de ses collègues, dit Robert Tessier. Il comprend ce qu’ils sont en train de dire et pourquoi.»

 On règle la question des femmes une fois pour toutes!

Il fallait bien aborder LA question de l’heure: la diversité a-t-elle réellement un effet positif sur la performance des CA?

La réponse d’Helen Handfield-Jones

«Oui, mais l’arrivée de femmes à un CA comporte sa part de défi. Elles se présentent aux réunions mieux préparées et ne viennent pas du sérail. Il en résulte qu’elles parlent ouvertement de l’éléphant dans la pièce que personne n’a osé évoquer avant leur arrivée. Mais elles le font parfois avec un ton un peu tranchant. Elles auraient peut-être avantage à l’adoucir.»

La réponse d’Estelle Metayer

«Je ne dirais pas que les femmes sont nécessairement mieux préparées. Il y a des hommes mal préparés et des femmes mal préparées. Quand aux conseils diversifiés, ils sont effectivement plus performants. Mais ce n’est pas l’arrivée des femmes qui les rend meilleurs. Ils sont meilleurs parce que leur ouverture aux femmes est une preuve de leur ouverture d’esprit. C’est cette ouverture d’esprit qui les rend performants.»

Pour conclure sur le sujet femmes et CA, une étude de la Chaire de recherche en gouvernance de sociétés de l’Université Laval nous apprend que, contrairement au cliché très répandu, la féminisation rapide des CA qu’entraînent les quotas ne se fait pas au détriment de la qualité. Les auteurs (Jean Bédard, Isabelle Allemand et Bénédicte Brullebaut) ont étudié 445 sociétés cotées en France et au Canada. Ils ont comparé le résultat de l’approche des quotas français à celle du laisser-faire canadien sur la qualité des membres des CA. «Nos résultats réfutent de manière non équivoque la thèse selon laquelle l’imposition de quotas entraîne une dégradation du capital humain dans les CA.», dit le professeur Bédard. Voilà une affaire réglée!

 

 

 

 

 

 

 

À la une

Dette et déficit du fédéral: on respire par le nez!

ANALYSE. Malgré des chiffres relativement élevés, le Canada affiche le meilleur bilan financier des pays du G7.

Budget fédéral 2024: «c'est peut-être un mal pour un bien»

EXPERT INVITÉ. Les nouvelles règles ne changent pas selon moi l'attrait des actions à long terme.

Multiplier la déduction pour gain en capital, c'est possible?

LE COURRIER DE SÉRAFIN. Quelle est l'avantage de cette stratégie?