La CAQ aime les entreprises? Voici comment les moderniser.

Publié le 02/10/2018 à 15:08

La CAQ aime les entreprises? Voici comment les moderniser.

Publié le 02/10/2018 à 15:08

Par Diane Bérard

Le nouveau PM québécois, François Legault, mise sur l'économie. Voici comment la France, les États-Unis, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse modernisent le concept d'entreprise.(Crédit: CAQ)

Le Québec a un nouveau gouvernement. Profitons-en pour aborder un thème qui lui est cher: l’économie et les entreprises. Ça tombe bien, ça m'intéresse aussi.

Il y a plusieurs façons de parler des entreprises.

Du 1er au 5 octobre à l’université Laval, on assiste à une première. Une faculté de droit et une école de gestion organisent ensemble une semaine de l’entreprise socialement responsable.

«On parle de RSE depuis deux décennies, mais il manque un morceau: la modernisation du cadre juridique, explique Ivan Tchotourian, codirecteur du Centre d’études en droit économique de la faculté de droit de l’Université Laval et coorganisateur de l’événement. Nous posons l’hypothèse que la structure juridique d’une entreprise peut influencer les comportements de ses membres.»

On ne peut pas rendre les gens bons par décret. Mais peut-on les rendre plus responsables par décret?

On a toujours associé la RSE à des programmes. Et si on réfléchissait à la structure, c’est-à-dire aux normes qui encadrent les entreprises? Les normes du marché, bien sûr. Mais aussi les normes des organisations se donnent, comme les codes de conduite. Et, surtout, les normes juridiques.

La particularité de la semaine de l’entreprise socialement responsable tient à son organisation bicéphale, droit et gestion, mais aussi à l’intérêt qu’elle soulève chez un nouveau groupe de juristes. «Habituellement, la RSE intéresse les avocats en droit du travail, en droits humains et en droit de l’environnement, souligne Ivan Tchotourian. Notre événement fédère aussi des avocats en droit des affaires. C’est nouveau. Et c’est souhaitable. On pourra difficilement implanter le concept de RSE à grande échelle sans toucher le cœur, soit repenser le concept de personnalité morale de l’entreprise.»

Voici un exemple récent: le devoir de vigilance adopté par la France. Le gouvernement français a adopté une loi qui attribue aux entreprises la responsabilité de gérer le risque de comportement de leurs filiales à l’étranger, notamment en rapport au respect des droits humains. Une entreprise ne peut plus se dissocier de sa filiale en avançant qu’il s’agit d’une personne morale distincte. Désormais, la maison-mère pourra encourir des sanctions pour le comportement de ses filiales.

Un autre exemple: à l’été 2018, le Parlement européen a adopté une résolution qui appelle la Commission européenne à initier des lois plus musclées définissant la mission sociale des entreprises. On évoque, entre autres, le statut d’entreprise hybride.

L’entreprise hybride à travers le monde: entre pouvoir et devoir

États-Unis: les benefit corporations

Ici, on dit aux dirigeants: «vous pouvez tenir compte de la mission sociale des organisations». Dans plus d’une trentaine d’états américains, les entrepreneurs peuvent opter pour une structure qui affirme leur double mission. Les benefit corporations sont des sociétés par actions qui laissent de la place à la mission sociale.

Europe: loi Pacte

«En Europe, sauf en Angleterre, on a toujours encouragé une conception plus vaste des devoirs des dirigeants envers la société», dit Ivan Tchotourian. L’exemple le plus récent est la loi Pacte, qui revoit l’utilité sociale de l’entreprise.

Colombie-Britannique: la structure C3 (Community Contribution Company)

Cette structure hybride verrouille les actifs de l’organisation pour lui donner le temps de développer sa mission sociale et d’être pérenne. La vente est volontairement rendue compliquée. Elle est possible, mais le processus est long et nécessite de nombreux niveaux d’approbation.

La Colombie-Britannique étudie aussi l’ajout du statut de benefit corporation pour ses entrepreneurs.

Nouvelle-Écosse: l’entreprise d’intérêt public (Community Interest Company)

Depuis le 15 juin 2016, les entreprises de cette province peuvent adopter le statut de «Community Interest Company», une structure hybride entre l’OBNL et l’entreprise traditionnelle. Elle combine mission sociale et mission financière. L’organisation doit dévoiler sa mission sociale explicite. Elle doit aussi produire un rapport annuel présentant la nature de sa contribution à la société.

La Nouvelle-Écosse a créé un organisme réglementaire pour superviser la contribution des entreprises à mission sociales.

Au Québec, il n’existe pas de statut juridique hybride. Les entreprises peuvent opter pour la certification B Corp qui valide la triple mission sociale, environnementale et financière. Il ne s’agit toutefois pas d’un statut juridique.

«Les dirigeants et les administrateurs n’ont pas la partie facile, estime Ivan Tchotourian. Ils sont conscients qu’il faut s’intéresser à la responsabilité sociale des entreprises. Mais ils ont les mains liées avec une mission qui met l’emphase sur une seule partie prenante, les actionnaires. On assiste à un mouvement qui tente de leur donner une marge de manœuvre en ajustant le cadre juridique des sociétés par actions.»

Voilà, j’ai parlé d’un des thèmes chouchous du nouveau gouvernement du Québec: l’économie et les entreprises.

(Pour ceux et celles qui veulent en savoir davantage sur l’entreprise hybride, en novembre paraîtra l’ouvrage, «L’entreprise hybride : le Canada devrait-il légiférer?», aux éditions Yvon Blais , sous la supervision d’Ivan Tchotourian.)

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