Jean-Martin Fortier, agriculteur vedette et star de télé-réalité

Publié le 26/04/2018 à 12:45

Jean-Martin Fortier, agriculteur vedette et star de télé-réalité

Publié le 26/04/2018 à 12:45

Par Diane Bérard

L'agriculteur Jean-Martin Fortier dirige le projet de la ferme biointensive Les Quatre-Temps, en Estrie (source: épisode 1 de la série «Les fermiers», sur TV5)

La télé-réalité comme outil d'éducation et non de «rapprochements»? C'est le pari de la série «Les Fermiers».

En décembre 2015, j’ai sélectionné l’agriculteur Jean-Martin Fortier pour ma chronique « Qui et quoi surveiller en 2016 ». Je l’avais retenu pour ses percées du côté de l’agriculture de petite surface à haut rendement et faible empreinte écologique.

Il faut croire que j’avais du flair. Deux ans plus tard, Jean-Martin Fortier et son équipe de passionnés sont les vedettes de la série-réalité «Les Fermiers », présentée le jeudi soir à 20h sur Unis TV.

D’abord, ce furent les chefs qui débarquèrent dans votre écran. Là, c’est au tour des agriculteurs. Ce soir, jeudi, nous en sommes au quatrième épisode. Les épisodes précédents se trouvent sur ce site.

«Les fermiers», c’est l’histoire d’une saison de récolte (mars 2017 à décembre 2017) à la ferme des Quatre-Temps, une exploitation expérimentale de trois hectares, située au 740 Chemin Williams, à Hemmingford, en Estrie.

Cette ferme laboratoire a deux caractéristiques importantes

1- Elle est entièrement financée par l’homme d’affaires André Desmarais;

2- Le maître d’œuvre, Jean-Martin Fortier, est l’auteur du best-seller «Le jardinier-maraîcher», vendu à plus de 100 000 copies, en français et en anglais. Ce Québécois aspire à remplacer «l’agriculture de masse par l’agriculture par la masse». Une agriculture bioitensive qui concentre la production sur une petite surface n’utilisant pas, ou peu de machinerie.

Pourquoi je vous parle de cela aujourd’hui?

Parce que le beau temps est arrivé. Il nous ramène les marchés publics, une bonne occasion de parler de ceux qui nous nourrissent.

Et puis, le mois prochain (23-24-25 mai), ce sera la conférence C2 Montréal. Jean-Martin Fortier y participera dans le volet Sommet de de Montréal sur l'innovation (SMI).

J’ai donc profité du printemps pour faire connaissance avec le « jardinier-maraîcher » et l’interroger sur son plan de match pour l’agriculture «pour la masse».

L’histoire de Jean-Martin Fortier débute à St-Armand, toujours en Estrie, à la microferme maraîchère Les Jardins de la Grelinette, qu’il démarre en 2004 avec sa conjointe, Maude-Hélène Desroches.

À St-Armand, Maude-Hélène et Jean-Martin démontrent qu’une ferme de moins d’un hectare peut être rentable. Et surtout qu’elle peut offrir un mode de vie sain à ses propriétaires. Ce n’est pas anodin dans un contexte de transfert générationnel important où le prix des terres s’avère si élevé qu’on ne se bouscule pas pour racheter les terres familiales. Et puis, le mode de vie associé aux fermes traditionnelles rebute de nombreux milléniaux.

Bref, le secteur agricole se cherche un futur. André Desmarais croit que Jean-Martin Fortier tient la réponse, c’est pourquoi il a misé sur lui. «Fais-moi la meilleure ferme au monde!», a-t-il dit. Et c’est ainsi que, depuis 2015, Maude-Hélène gère seule Les Jardins de la Grelinette, car Jean-Martin se consacre à temps plein à la Ferme des Quatre-Temps.

L'agriculteur Jean-Martin Fortier et l'investisseur de la Ferme des Quatre-Temps, André Desmarais (source: Unis TV)

Quelles sont les attentes de votre investisseur, André Desmarais?

Je ne crois pas qu’il s’attend à ce que ses investissements soient remboursés. Il souhaite plutôt que la ferme devienne autosuffisante à l’an 5, soit en 2019 (2016 fut la première année de production, mais le projet a démarré en 2015). Il me reste un an pour y arriver.

En 2018, je compte atteindre mon objectif de ventes maximales, soit 700 000$. En 2019, je vise à stabiliser toutes les dépenses de la ferme.

Comment s’est déroulée la première récolte?

Des tracas, des défis… Il fallait être partout, au champ et sur la route. J’ai fait la tournée des chefs pour leur vendre ma salade… au sens figuré comme au sens propre!

Peu de chefs en voulaient. Et puis, il y a eu mon entrée au marché Jean-Talon. Cette année-là, c’était la première fois que les marchands accueillaient un fermier bio. Ce fut compliqué. Il y a des règles étranges là-bas. Pourtant, j’avais vendu dans les marchés publics avant.

Il a fallu prendre du recul…

En effet, entre novembre 2016 et mars 2017, on s’est complètement réorganisé. On a épluché ensemble tous les problèmes. On a revu les horaires et la logistique pour mieux travailler avec les chefs, mieux travailler au champ, etc. Pour la facturation, par exemple, on a sauvé cinq heures par semaine. On a aussi revu la production pour délaisser les pommes de terre et augmenter les ravioles et les radis qui rapportent davantage, par exemple. J’ai affirmé à mon équipe que la saison suivante nous allions doubler la production en travaillant moins. Il ne faut jamais perdre de vue le but ultime de ce projet : bien vivre de l’agriculture. Cela ne se limite pas aux finances, il est aussi question du mode de vie.

Pourquoi une série télévisée, que visez-vous?

J’ai d’abord écrit un livre. Puis, j’ai produit des tutoriels. J’en suis au moment où je veux qu’on voit que l’agriculture c’est de la job! Je veux que les consommateurs comprennent que notre travail est important. J’aime les jeunes que je forme. Ils sont beaux. Ils sont doués. Je veux que ça se sache. Et puis, à travers notre quotidien je veux démontrer qu’il est possible de faire de l’agriculture bio à petite échelle de façon professionnelle.

La série « Les fermiers » s’adresse autant aux agriculteurs bios qu’aux consommateurs. Quel message souhaitez-vous passer aux agriculteurs bios?

Je veux faire progresser notre profession. Je sais qu’elle attire beaucoup de rêveurs. Il faut empêcher qu’ils se découragent et se brûlent. Même si tu aspires à un mode de vie alternatif, fais-le de façon professionnelle. Donne-toi des outils et des techniques.

Tu nous mets en garde contre une certaine dérive du « manger bio ». Peux-tu en dire plus.

De plus en plus de produits bios offerts au Québec proviennent de l’étranger. Or, l’agriculture biologique c’est d’abord une agriculture locale. Elle est liée à l’occupation du territoire et aux fermes familiales. Si on brise le lien entre local et bio, on passe à côté de ce qui peut devenir un projet de société.

Si tu développes une agriculture plus productive, doit-on s’attendre à une baisse des prix pour le consommateur?

Absolument pas, ce n’est pas le but de ce projet. Il faut sortir de la logique des bas prix. Je veux de petites fermes plus productives pour garantir la survie des agriculteurs et leur assurer un mode de vie viable. Je veux qu’ils travaillent 8 heures par jour au lieu de 12. Je veux que nos agriculteurs sortent du mode survie pour qu’ils recommencent à sourire. Lorsque tu es en mode survie, tu n’as plus d’énergie pour les relations humaines. Or l’agriculture est une affaires de relations humaines. Surtout dans un contexte où on veut rebâtir le lien de proximité entre agriculteurs et consommateurs.

 Quelle est la prochaine étape de ton projet d’implanter « l’agriculture pour la masse »?

En avril 2018, j’ai lancé un cours en ligne. J’ai déjà 700 étudiants provenant de 40 pays. Le cours coûte 1850$ US. En un mois, nous avons recueilli 1,2 M$. Et puis j’aimerais bien reproduire notre ferme en Californie.

Ton projet vise à procurer une qualité de vie aux agriculteurs. As-tu su préserver la tienne?

Il a fallu que prenne conscience de ma façon d’utiliser mon énergie. Par le passé, j’ai consacré plus d’énergie qu’il n’en fallait à mes projets. J’y allais toujours d’un extra. J’ai appris à mettre l’énergie requise, pas plus, pas moins. Et puis je prends le temps de faire chaque chose. J’ai eu 40 ans cette année. Je veux réussir, mais sans déséquilibre. Je veux que mon patron soit content. Je veux que mes équipes soient contentes. Mais tout ça dans le bonheur.

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