Impact social: «si un enjeu ne vous touche pas, laissez-le à d’autres»

Publié le 07/02/2017 à 17:05

Impact social: «si un enjeu ne vous touche pas, laissez-le à d’autres»

Publié le 07/02/2017 à 17:05

Par Diane Bérard

Christian Bélair, cofondateur de Credo; Christine Babkine, directrice RSE, Ivanhoé Cambridge; Jean-François Archambault, cofondateur, La Tablée des chefs

Le terrain de la communication responsable est miné. On l’a vu avec la campagne de Bell, «Bell cause pour la cause », qui vise à lever les tabous entourant la maladie mentale et favoriser le dialogue. «On voudrait vivre dans un monde noir et blanc où il n’existe aucune teinte de gris, souligne Valérie Sapin directrice marketing et innovation chez Gaz Métro. Mais ce n’est pas la réalité. Notre monde est rempli de teintes de gris. Toutes les organisations peuvent être critiquées.» Elle poursuit. «Je trouve triste la réaction cynique que Bell a affrontée. Mais je suis convaincue qu’il est préférable pour une organisation de faire les choses, au risque d’être maladroite, que ne rien faire ou d’attendre que tout soit parfait.»

Est-ce exact? Vaut-il toujours mieux communiquer maladroitement ses bonnes actions que de les accomplir en silence? Une entreprise peut-elle de réduire, ou contrôler, le risque associé à ses communications responsables?

J’ai des pistes de réflexion, et de solution, grâce à deux événements auxquels j’ai assisté au cours de la dernière semaine. Le premier, «La responsabilité des marques et la communication de l’impact social», était organisé par Infopresse. Le second, «Marques et communication citoyenne: innover face au cynisme», par le Collectif Communication Citoyenne et la Maison du développement durable.

J’ai divisé le sujet deux morceaux. Ce billet traite du défi circonscrire son impact social. Le suivant abordera celui de le communiquer.

Circonscrire son impact social

«Votre organisation veut-elle organiser un événement ou vise-t-elle un impact?» Cette question, Christian Bélair, cofondateur de la firme Credo l’a posée récemment à un de ses clients. Il sentait le besoin de mettre les choses au clair. Credo se définit comme une firme qui imagine, produit et accélère des projets qui ont un impact social. Une mission qui force ses associés à constamment s'interroger sur les mandats qu’on leur propose. «Je n’ai pas le choix, notre équipe nous surveille, dit l’entrepreneur. Nous ne pouvons pas accepter de mandats en incohérence avec notre mission d’impact social.» Credo est le maître d’œuvre, entre autres, des soirées Portes ouvertes startup. Un happening où les startup d’un quartier reçoivent la population. Lancé aux débuts de Credo, alors que sa mission d’impact social était diffuse, cet événement, qui en est à sa 7e édition, est l’objet de sérieuses réflexions. «Nous songeons à créer une nouvelle entité pour les projets qui ne correspondent plus à la nouvelle mission de Credo, poursuit Christian Bélair. Les portes ouvertes startup pourraient s’y insérer. Ou bien, nous pourrions revoir la mission de cet événement pour viser l’impact social. On parle régulièrement du manque de femmes en technologie. Les portes ouvertes startup pourraient viser la sensibilisation sur cet enjeu.»

L’impact social est une promesse lourde de conséquences. Depuis qu’ils ont choisi cette avenue, les associés de Credo en réalisent la portée. Tout comme les deux autres conférenciers de l’événement Infopresse : le fondateur d’un OBNL (Jean-François Archambault, la Tablée des chefs) et une vp RSE dans une grosse boîte (Christine Babkine, Ivanhoé Cambridge).

5 éléments à considérer lorsqu’il est question l’impact d’une organisation

1- Nous vivons dans un monde poreux, toutes les entreprises ont un impact

« Nos immeubles ont des locataires avec qui nous avons des contacts directs, explique Christine Babkine. Mais ils comportent aussi des lieux publics ouverts à tous. Et puis, nous sommes dans des quartiers. Dans certains cas, nous faisons partie du patrimoine architectural. Bref, il y a les gens de l’intérieur et les gens de l’extérieur et tous de monde se mélange.» Elle poursuit, «Toutes les entreprises sont incluses dans un écosystème et chaque action qu’elles prennent a un impact sur celui-ci. » Au-delà de cet impact automatique, il y a l’impact «contrôlé». Celui que l’entreprise choisit d’avoir. Celui qu’elle influence. L’événement Infopresse a beaucoup évoqué le pouvoir d’influence des marques.

2- L’impact durable n’est jamais immédiat

«L’impact immédiat ce n’est qu’un exercice de communication», estime Christian Bélair. Il n’existe qu’un cas où une organisation peut affirmer avoir un impact immédiat réel, poursuit Jean-François Archambault de la Tablée des chefs: lorsqu’elle fait des dons lors d’une situation de crise. « Mais il faut demeurer lucide et honnête. Notre don contribue à soulager temporairement une souffrance. Il ne règle pas l’enjeu à la source de la crise.»

3- Ce n’est pas parce que ce qu’on fait est bien qu’il y a un impact

Lorsqu’il a démarré la Tablée des chefs, Jean-François Archambault voulait réduire le gaspillage alimentaire tout en apaisant la faim. Ainsi est née la récupération des surplus alimentaires lors des événements. «Je savais que c’était utile et nécessaire, mais la Tablée avait-elle un impact? Pourquoi ces gens ont-ils faim ? Comment pouvons-nous éviter que leurs enfants aussi aient faim une fois devenus adultes?» Toute organisation qui amorce une démarche consciente d’impact social doit constamment remonter aux sources, Ce qu’elle fait suffit-il? Ses actions changent-elles vraiment les choses? «Il faut creuser, faire de la recherche. Dans notre cas, nous avons identifié une perte de compétences culinaires, poursuit l’entrepreneur. Les gens ne cuisinent plus. Les jeunes ne savent pas cuisiner. » De ce constat naissent les cours de cuisine aux élèves des écoles et aux jeunes qui vivent dans les Centres jeunesse.

Chez Invahoe Cambridge, on mise sur le sceau de parties impartiales. «Nous postulons pour des certifications internationales, explique Christine Babkine. Cela nous permet d’obtenir une éaluation indépendante de notre démarche. Mais aussi de nous comparer.» Elle poursuit, «Et puis, on se projette beaucoup dans l’avenir. Nous sommes dans un secteur où tout se négocie sur de très longues périodes. On prépare notre impact pour les décennies à venir en planifiant les ajustements requis sur nos édifices pour qu'ils contribuent au beau et au bien.»

4- Votre mission et votre impact sont deux choses distinctes

On ne peut pas transformer une mission en impact social. Les gens ne sont pas dupes. Une boulangerie fabrique du pain. Elle ne nourrit pas les gens qui ont faim. Une pharmaceutique fabrique des médicaments. Elle ne sauve pas des vies. La ligne est mince, il faut éviter de la franchir en tordant la réalité. On ne peut pas s’inventer une mission sociale à partir de ce que notre produit fait naturellement. C’est du socioblanchiment.

5- Ne visez pas un impact qui ne vous intéresse pas

«Si un enjeu ne vous touche pas, si vous ne vous en souciez pas, si ça ne vous intéresse pas, laissez-le à quelqu’un d’autre», dit Christian Bélair. «Trop d’organisations s’éparpillent, poursuit Jean-François Archambault Les organisations devraient viser un impact dans ce en quoi elles excellent. Que leur expertise soit utile.» Il conclut, «Sinon, tout ce que les entreprises gagneront c’est un concours de popularité. Pas un concours d’impact.»

Mon prochain billet présentera le défi de communiquer son impact social.

 

 

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