Diversité: attendre une génération ou changer le système?

Publié le 19/07/2017 à 09:55

Diversité: attendre une génération ou changer le système?

Publié le 19/07/2017 à 09:55

Par Diane Bérard

Discussion sur la diversité animée par Kara Sheppard-Jones, avec les panélitstes Fabrice Vil et Akos Verboczy

«Les enjeux de diversité naissent lorsqu'un individu, ou un groupe, n’a pas accès à l’opportunité qui correspond à son droit.» Fabrice Vil, cofondateur, Pour Trois Points

Cette semaine, j’ai assisté à une discussion sur la diversité entre l’entrepreneur Fabrice Vil (qui rédige aussi une chronique dans Le Devoir) et Akos Verboczy, auteur, ex-attaché politique de la ministre de l’Immigration et ex-commissaire scolaire à la CSDM . Cela s’est passé à La Gare, un espace de travail partagé du Mile End.

Fabrice est né au Québec de parents haïtiens.

Akos est né en Hongrie. Il a émigré au Québec à l’âge de 11 ans, pour s’installer avec ses parents et sa sœur dans le quartier Côte-des-Neiges.

Qu’est-ce qui nous empêche de donner à chacun les opportunités qui correspondent à leurs droits. Ou qui nuit à la discussion?

Un manque de sensibilité

«Au Québec, les enjeux liés à la diversité font de moins en moins appel à l’intention, croit Fabrice. Ils font plutôt appel à la non-sensibilisation. Ça se vit dans une paresse à saisir les enjeux.»

 Un manque de distance

«On n’a pas le temps d’être sensible devant une situation de discrimination, ou de discrimination apparente, parce que les informations déferlent trop vite, estime Akos. On est confronté à une vague d’indignation instantanée. On vit dans un monde habité par la présomption de mauvaises intentions.»

 Un manque de bonne foi

«On ne peut pas dire du même souffle, « écoute-moi, mais tu ne comprendras jamais ce que je vis ». C’est l’un ou l’autre », souligne Akos.

 L’obsession du temps

«Les questions logistiques prennent le pas sur l’équité, dit Fabrice. C’est trop compliqué de trouver des femmes, des Noirs, des jeunes, etc. Cela exige plus de travail. »

 Le principe des vases communicants

Les privilèges viennent en quantité limitée. Il y a un nombre fini de sièges sur un jury, à un comité, à la direction, sur un CA. Si vous augmentez le bassin de candidats potentiels à un poste ou un mandat - en augmentant la reconnaissance des droits de certains individus - le groupe qui occupait d’office ces fonctions verra son accès privilégié réduit.

Accepter la diversité quand on n’a pas de privilèges, c’est facile. L’accepter lorsqu’on détient ces privilèges, c’est autre chose.

Ce qui pousse Fabrice Vil à conclure que «le changement individuel est trop difficile pour certains individus, à certains stades de leur vie.»

Le constat est dur. Comme si toute une génération ne pouvait ouvrir son esprit et faire de la place à l’autre. Et pourtant.

Prenons un cas concret: la diversité sur les conseils d’administration

Voici ce que BlackRock, le plus important gestionnaire de fonds au monde, en dit :

« (…) diverse groups have been demonstrated to make better decisions. In the board context, this appears to be because they are better able to consider, where appropriate, alternatives to current strategies — a proposition that can ultimately lead to sustained value creating over the long term.»

Au printemps 2017, BlackRock a soutenu 8/9 propositions d’actionnaires qui lui ont été présentées au Canada et aux Etats-Unis pour réclamer une plus grande diversité sur les CA.

BlackRock ne fait pas que voter lors des assemblées annuelles. Le gestionnaire entretient une discussion continue avec les firmes dans lesquelles il investit.

Voici comment BlackRock décrit deux de ses récentes interactions, l’une auprès d'un géant du secteur pétrolier et l’autre auprès d'un important promoteur immobilier:

«During an engagement with an oil and gas company, we were told that it has been difficult to find a diverse slate of candidates. Such a perspective demonstrates a limited willingness to explore alternatives to the current status quo. When we discussed the topic with a real estate company, we found that efforts were being made to address the issue; however, we supported the shareholder proposal due to the company not committing to a concrete timeline.»

Le paragraphe précédent illustre trois des obstacles à la diversité: le manque de sensibilité, l’obsession du temps et le principe des vases communicants.

Chaque fois qu’un jeune Noir québécois meurt sous les balles d’un policier, Fabrice Vil se pose deux questions: est-ce que je le connais? Quelle caractéristique du système - ou quel système - a mené à cette finalité?

Chaque fois que le taux de participation des femmes à des CA québécois et canadiens est dévoilé, je me pose la même question: que pourrait-on changer au système pour que cette proportion ne dépende plus de la bonne foi des comités de nomination et que les opportunités données aux administratrices de talent correspondent à leurs droits?

La diversité n’est pas qu’une affaire d’attitudes. C’est aussi une affaire de système, sinon on perd notre temps. Beaucoup de talents. Des vies aussi.

 

 

 

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