La rente à vie ou le magot?

Publié le 18/01/2019 à 09:00

La rente à vie ou le magot?

Publié le 18/01/2019 à 09:00

BLOGUE INVITÉ. La vraie question en fait est « Garder la rente promise du régime de retraite ou prendre le CRI ?» Elle est fréquente. Qu’implique-t-elle?

D’abord, expliquons ce qu'est un « CRI ». Il s’agit d’un Compte de Retraite Immobilisé, une créature de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, une loi québécoise. C’est le véhicule qui accueille généralement les sommes sortant d’un régime de retraite, par exemple lors d’une terminaison d’emploi.

Dans le jargon, lorsqu’on parle d’un CRI, on fait également référence à un REER immobilisé, une autre créature, cette fois de la loi fédérale équivalente, la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension. Les différences entre un CRI et un REER immobilisé sont mineures à l’exception des situations de décès qui entraînent le transfert d’un CRI dans un REER régulier, ce qui n’est pas le cas d’un REER immobilisé, qui doit, dans ce cas, rester immobilisé pour le conjoint survivant.

En fait, ce qui détermine si c’est un CRI ou un REER immobilisé qui s’applique, c’est la juridiction du régime de retraite. Généralement, il s’agit de la juridiction québécoise pour les entreprises du Québec. Cependant, les organisations suivantes sont notamment assujetties à la loi fédérale : gouvernement fédéral, entreprises de télécommunications ou de transport intercontinental et banques à charte fédérale.

Des sommes « immobilisées » sont des sommes qui ne peuvent pas être liquidées rapidement à la retraite, contrairement aux sommes accumulées dans un REER ou un FERR régulier, par exemple.

Cela dit, un employé quittant son employeur offrant un régime de retraite à prestations déterminées doit faire le choix de soit demeurer au sein du régime, et ainsi avoir droit à une rente de retraite (qu’il prendra au moment de sa retraite), soit de transférer la valeur de son régime dans un CRI.

La solution à ce questionnement n’est pas simple. En fait, comme dans le cas de l’âge idéal de demande de retraite du RRQ, la réponse exacte est «Dis-moi quand tu mourras, je te dirai quoi faire».

Comme on doit décider tout de suite pour des choses incertaines du futur, il y a un pari à faire. Ça ne veut cependant pas dire qu’on doit s’en remettre au hasard pour prendre sa décision...

On doit comparer les deux situations dans un contexte de projections réalistes. On parle ainsi d’hypothèses d’inflation, de rendement et d’imposition réalistes.

Pour répondre de façon étoffée à la question, j’ai construit un outil de calcul qui compare les deux scénarios dans un contexte où l’âge de décès hypothétique varie, par exemple, de 75 à 100 ans.

La comparaison montre un tableau d’accumulation avec le taux de rendement nécessaire dans les comptes de retraite (CRI, CELI, non enregistrés) pour donner le même résultat que la rente. Afin de guider le choix de l’employé, l’outil calcule également les probabilités de décès cumulatives de chacune des années illustrées.

Un conseiller qui recommande ainsi de transférer les sommes à l’extérieur du régime de retraite connaît davantage sa « commande », c’est-à-dire le rendement que le portefeuille de son client doit réaliser afin qu’il ait été de bon conseil.

Or, avec l’expérience des années, je peux vous dire qu’il est rare que l’on recommande de sortir du régime de retraite. Si votre conseiller vous fait cette recommandation, je vous suggère de demander un deuxième avis. Il est possible que le taux de rendement requis soit si faible, même à des âges de décès avancés, que cette recommandation soit bonne. Mais, statistiquement, selon mon expérience, la plupart des cas se soldent par une recommandation de rester à l’intérieur du régime.

La raison est simple : la rente est garantie à vie. On ne souscrit pas à une rente pour le taux de rendement qu’elle donne à l’espérance de vie. En vertu du Code civil du Québec, un contrat de rente est assimilé à un contrat d’assurance. Une rente viagère est, en fait, une assurance longévité. Si le décès survient à 100 ans, le client n’a pas à se soucier de gérer des placements et des liquidités.

De plus, le taux de rendement calculé est béton. À moins que le promoteur du régime soit en difficulté financière et que le régime soit déficitaire, les taux illustrés sont aussi certains que les intérêts sur un dépôt garanti. Aucune fluctuation possible.

Si vous quittez votre emploi avec un régime de retraite à prestations déterminées, ayez ces éléments à l’esprit.

Une autre façon de bien illustrer les options qui s’offrent à vous est de les inclure dans une planification de retraite et de voir à partir de quel âge vous manquerez d’argent en sortant l’argent du régime. Si c’est autour de 86 ans pour les hommes et 89 ans pour les femmes, sachez que vous aurez environ une chance sur deux de vous retrouver sans le sou à la fin de votre vie.

Bonne réflexion!

À propos de ce blogue

Dany Provost possède une formation multidisciplinaire lui permettant d'avoir une vue d'ensemble d'une situation financière. Combinant l'actuariat, la fiscalité, le placement et une grande maîtrise de l'environnement Excel, son expertise lui a permis de développer plusieurs outils de modélisation complexes, notamment en optimisation fiscale et avantages sociaux. Il est directeur planification financière et optimisation fiscale chez SFL Expertise et est l’auteur des livres «Arrêtez de planifier votre retraite, planifiez votre plaisir» et «As-tu réglé ça?» Membre honoraire et expert désigné de l’Institut de planification financière, il est un collaborateur régulier dans les médias en plus d’être chroniqueur en fiscalité dans le journal Finance et Investissement.

Dany Provost