Le sujet le plus chaud en fiscalité


Édition de Mai 2017

Le sujet le plus chaud en fiscalité


Édition de Mai 2017

Si vous êtes propriétaire d'entreprise, lisez bien ceci. Et respirez.

Lors du dépôt du budget fédéral de 2015, Ottawa a annoncé une mesure visant les propriétaires d'entreprise. Une petite modification apportée au paragraphe 55(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu a semé la panique dans le milieu des services financiers. Certains conseillers ont même proclamé la fin des dividendes inter-sociétés non imposables ! Exagéré ? Penchons-nous sur le sujet le plus chaud en fiscalité depuis lors.

Dans les faits, il s'agit d'un changement qui ne touche pas toutes les personnes en affaires. C'est une modification technique qui s'applique dans certains cas, souvent complexes, et qui a effectivement pour conséquence de transformer un dividende non imposable reçu par une société par actions en gain en capital imposable.

À la base, comme presque toutes les dispositions de cette loi, les anciennes règles avaient l'équité comme objectif premier. Toutefois, comme c'est souvent le cas, les spécialistes déjouent ces règles en effectuant des opérations légales, mais contraires à l'esprit de la loi. Quand on ne peut pas appliquer la fameuse « règle générale anti-évitement » - une disposition fiscale qui ratisse tout de même très large, mais qui ne peut pas être appliquée systématiquement -, il faut modifier la loi pour faire cesser ces opérations lorsqu'on les juge abusives.

C'est ce qui s'est passé dans le dossier des dividendes inter-sociétés. En vertu des anciennes règles, des sommes qui auraient dû être considérées comme un gain en capital imposable étaient transformées en dividendes non imposables. Certaines opérations permettaient de diminuer la valeur d'une société au point que le gain en capital qui aurait dû être réalisé lors de la vente de celle-ci était annulé au profit d'une autre société qui n'était pas imposée sur-le-champ en se faisant verser des sommes non imposables.

Le principal problème dans cette situation, c'est que les nouvelles règles ne sont pas assez claires. Et il existe des situations, souvent complexes, où les autorités ne se sont pas encore prononcées.

Ce qui est certain cependant, c'est que si vous êtes actionnaire d'une société qui détient des actions non participantes à dividendes discrétionnaires (ANPDD), vous devriez être touché par les nouvelles règles. Des actions non participantes sont des actions dont la valeur ne varie pas en fonction de la valeur de l'entreprise. Autrement dit, en cas de liquidation, ces actions n'ont pas droit au reliquat, c'est-à-dire la valeur résiduelle des actifs de la société. Si elles ont une valeur supérieure à leur coût fiscal, ce qui est plutôt rare, il serait possible d'éviter les nouvelles règles dans une certaine mesure.

Des dividendes discrétionnaires sont des dividendes qui ne sont pas fixés à l'avance et qui peuvent être déterminés selon la volonté du conseil d'administration à n'importe quelle période de versement.

Par conséquent, si votre situation est simple - actionnaire unique ou coactionnaire avec votre conjoint -, il y a de fortes possibilités que ces règles ne vous concernent pas, tout particulièrement si vous êtes personnellement actionnaire de votre société.

Si une société de portefeuille détient les actions de votre société de gestion (ou société opérante), il ne faut pas que des dividendes soient versés à votre société sur des ANPDD, comme nous l'avons vu. Si c'était le cas, il faudrait remédier à cette situation, par exemple en émettant des actions identiques mais participantes. Certains effets négatifs pourraient ainsi être amenuisés ou annulés.

En terminant, laissez-moi vous donner le seul vrai conseil qui sera certainement utile : consultez votre fiscaliste et demandez-lui s'il y a une possibilité que vous soyez visé par les nouvelles règles portant sur les dividendes inter-sociétés.

Voici quelques indications sur les nouvelles règles fiscales relatives aux dividendes inter-sociétés :

Quelques règles techniques s'appliqueront lors du versement de « dividendes en actions », c'est-à-dire lors de l'émission de nouvelles actions en guise de dividendes.

Pour qu'un dividende inter-sociétés ne soit pas imposable, il doit être versé sur une action ayant une valeur supérieure à son coût fiscal. Autrement dit, l'action doit avoir un gain en capital latent.

Il sera beaucoup plus difficile de créer des structures permettant de déjouer ces règles.

Il existe quelques exceptions, notamment dans le cas d'un rachat (annulation) d'actions impliquant des personnes liées.

Ces nouvelles règles n'auront aucun effet dans la plupart des situations simples.

« Certains conseillers ont même proclamé la fin des dividendes inter-sociétés non imposables ! Exagéré ? »

À propos de ce blogue

Dany Provost possède une formation multidisciplinaire lui permettant d'avoir une vue d'ensemble d'une situation financière. Combinant l'actuariat, la fiscalité, le placement et une grande maîtrise de l'environnement Excel, son expertise lui a permis de développer plusieurs outils de modélisation complexes, notamment en optimisation fiscale et avantages sociaux. Il est directeur planification financière et optimisation fiscale chez SFL Expertise et est l’auteur des livres «Arrêtez de planifier votre retraite, planifiez votre plaisir» et «As-tu réglé ça?» Membre honoraire et expert désigné de l’Institut de planification financière, il est un collaborateur régulier dans les médias en plus d’être chroniqueur en fiscalité dans le journal Finance et Investissement.

Dany Provost