Un impôt déguisé dans le prochain budget: hypocrisie ou équité?

Publié le 20/01/2017 à 09:00

Un impôt déguisé dans le prochain budget: hypocrisie ou équité?

Publié le 20/01/2017 à 09:00

Depuis quelques jours, certains assureurs contactent leurs clients et courtiers en assurance collective pour leur faire peur et leur demander de faire pression sur le ministre des Finances, Bill Morneau. Y a-t-il des fondements à leurs dires ? Sommes-nous en train d’assister à une manœuvre du gouvernement Trudeau pour reprendre en catimini ce qu’il a offert en grande pompe au nom de la sauvegarde de la classe moyenne ?

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En effet, de grands assureurs au Canada ont contacté leurs clients en leur mentionnant que, lors du prochain budget fédéral, on pourrait assister à un changement majeur de politique fiscale en matière d’assurance collective. Il serait ainsi possible que les primes d’assurance maladie payées par un employeur deviennent des avantages imposables, ce qui coûterait à plusieurs familles des centaines, voire des milliers de dollars d’impôt additionnels par année. Mais d’où sort donc cette rumeur ?

Certainement de quelqu’un de très près du ministère des Finances. À moins que ce soit de quelqu’un en manque d’attention… L’an dernier, avant le budget, on craignait une augmentation du taux d’inclusion du gain en capital. Les firmes comptables «spinnaient» l’information en faisant peur au monde. Puis… pout… pout… pout… rien. Se reprendront-ils cette année?

Lors du dernier budget, le gouvernement fédéral a indiqué qu’il entreprendrait un examen approfondi des dépenses fiscales. «L’examen a pour objectif d’assurer que les dépenses fiscales fédérales sont équitables envers les Canadiennes et les Canadiens en plus d’être efficientes et responsables sur le plan budgétaire» peut-on lire sur le site Internet du ministère des Finances du Canada.

Autrement dit, on regarde une multitude d’éléments de notre système fiscal. C’est le ministre Morneau qui dirige cet examen et il est assisté, outre son personnel, par un comité composé de sept experts du domaine, dont le seul représentant du Québec, le professeur Luc Godbout, a récemment dirigé la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise.

Ces experts, contrairement à ce que l’on voit souvent, n’auront pas la tâche de produire un rapport dont tous les membres (préférablement) entérinent les propositions. Chaque expert donne son opinion sur des questions posées par le ministre et c’est ce dernier qui fera l’arbitrage, le moment venu.

Mais revenons au problème…

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Dans les lois fiscales au Canada, lorsqu’un employeur paie un avantage quelconque à un employé, ce dernier est imposé sur cet avantage. Par exemple, si un employeur prête une automobile à un employé qui est utilisée à des fins personnelles, l’employé aura un revenu d’emploi plus élevé que son simple salaire à la fin de l’année. C’est normal… au lieu d’être payé «en argent», il est payé «en auto»…

Il existe cependant quelques exceptions à cette règle. Par exemple, les primes d’une assurance invalidité collective payées par un employeur ne génèrent pas d’avantage imposable. Au fédéral, il en va de même pour les primes d’assurance maladie (médicaments, traitements paramédicaux, soins visuels, soins dentaires…). Depuis le début des années 1990, le Québec fait cependant bande à part du reste du Canada en imposant ces primes payées par l’employeur. C’est la principale raison qui fait que le revenu d’emploi au fédéral – sur le T4 – est souvent différent de celui du Relevé 1 au Québec.

Si le fédéral s’arrimait avec le Québec, cela signifierait une «augmentation de salaire» pour les fins de l’impôt fédéral mais sans avoir plus d’argent. Une telle augmentation se traduirait ainsi par de l’impôt supplémentaire pour les personnes visées.

Il est plus facile, pour un gouvernement, de modifier des mesures fiscales que peu de monde comprend que de dire carrément qu'il augmente l'impôt...

Dans un régime collectif, on voit souvent l’employeur payer jusqu’à 50 % des primes totales pour un employé. Si l’assurance invalidité n’est pas imposable, comme c’est souvent le cas, les premiers dollars de l’employeur servent à défrayer le coût de l’assurance maladie car elle n’a un effet négatif qu’au Québec et non au fédéral. Les primes d’assurance vie, de décès et mutilation par accident ainsi que contre les maladies graves – depuis 2013 pour ces deux derniers types –  font l’objet d’un avantage imposable aux deux paliers de gouvernement.

Il n’est pas rare de voir des cadres se faire payer la totalité de leurs primes d’assurance maladie par leur employeur. Si cette mesure fédérale se concrétise, ces cadres pourraient payer jusqu’à 27,6 % de la valeur de ces primes en impôt additionnel. « C’est énorme! » m’a confié François Desrochers, le président d’Avanco Services Conseils en Avantages Sociaux. « Et cette mesure pénaliserait de façon importante la classe moyenne canadienne, que le gouvernement Trudeau prétendait au contraire vouloir aider avec son programme électoral. Pour plusieurs familles canadiennes, on peut dire qu’une telle décision annulerait en grande partie les avantages fiscaux consentis jusqu’à maintenant par le ministre Morneau. On pourrait penser que ça s’apparente à ce vieux truc politique de reprendre de la main gauche ce qu'on a donné de la main droite ».

Si une telle mesure est adoptée dans le prochain budget, la situation fiscale des régimes d’assurance collective au pays sera encore plus sensible. La différence financière entre un régime dont le scénario fiscal n’a pas été dûment calculé – à l’aide d’une modélisation mathématique performante –, et un régime fiscalement optimal sera encore plus grande. Il sera encore plus important, pour les employeurs, de s’assurer d’avoir un conseiller équipé et en mesure d’effectuer ces calculs, qui sont très complexes et nécessitent des outils mathématiques fiables.

Mais… pas de panique!

Comme je l’ai dit, cette mesure fait partie d’un ensemble de propositions sur la table afin de revoir notre système fiscal. Cet impôt déguisé sera-t-il mis de l’avant, et si oui, dès le prochain budget ? On le saura bientôt.

Si vous souhaitez vous opposer à cette mesure, prière d’envoyer un courriel à fin.taxpolicy-politiqueimpot.fin@canada.ca.

Mais quand on regarde la logique de cette proposition, elle est là. Il s’agit réellement d’un avantage personnel dont profitent les employés. Même si le Québec est la seule province à imposer les primes d’assurance maladie payées par les employeurs, cela ne signifie pas qu’il a tort…

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À propos de ce blogue

Dany Provost possède une formation multidisciplinaire lui permettant d'avoir une vue d'ensemble d'une situation financière. Combinant l'actuariat, la fiscalité, le placement et une grande maîtrise de l'environnement Excel, son expertise lui a permis de développer plusieurs outils de modélisation complexes, notamment en optimisation fiscale et avantages sociaux. Il est directeur planification financière et optimisation fiscale chez SFL Expertise et est l’auteur des livres «Arrêtez de planifier votre retraite, planifiez votre plaisir» et «As-tu réglé ça?» Membre honoraire et expert désigné de l’Institut de planification financière, il est un collaborateur régulier dans les médias en plus d’être chroniqueur en fiscalité dans le journal Finance et Investissement.

Dany Provost