Cette erreur est fréquente... et très coûteuse pour les gens d'affaires

Publié le 02/06/2017 à 09:00

Cette erreur est fréquente... et très coûteuse pour les gens d'affaires

Publié le 02/06/2017 à 09:00

(Photo: 123rf.com)

Il se passe rarement un mois sans que je ne sois confronté à une situation qui cause de sérieux maux de tête à des gens d’affaires mal conseillés. Je parle ici de la détention d’une police d’assurance vie dans une société par actions.

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Il est courant de voir ce genre de situation qui ne cause généralement pas de problème. Cependant, certains clients qui ont été mal conseillés, la plupart du temps, se voient confrontés à ce dilemme : laisser tomber leur chère police ou se ramasser avec une facture fiscale salée.

Le problème vient souvent du fait que, lors de la transaction originale, un manque flagrant d’explications est survenu.

Avant de parler de ces problèmes, voici une règle du pouce qui en évitera la grande majorité :

On ne fait pas détenir une police d’assurance vie permanente par une société par actions dont les actions seront éventuellement vendues.

Cette règle, bien que simple, implique ce qui suit :

  • Une police d’assurance vie couvrant des besoins temporaires ne créera généralement pas de problème.
  • Une société de gestion peut très bien détenir une police d’assurance vie permanente.

Quand je parle d’une « police d’assurance vie permanente », je fais référence à tout genre de police qui n’est pas « temporaire », c’est-à-dire dont la protection s’arrêtera à une date donnée. Les polices d’assurance vie universelle, les polices d’assurance vie entière et les polices de type « temporaire 100 ans » sont autant d’exemples de polices permanentes.

L’attrait de la détention d’une police d’assurance vie par une société par actions vient du fait que la prime est payée par un contribuable dont le taux d’imposition peut être plus faible que celui d’un actionnaire.

On donne souvent l’exemple d’une prime de 1 000 $ payée par un actionnaire imposé à 50 % et une société imposée à 20 %. Pour être en mesure de payer la prime nette, l’actionnaire doit gagner 2 000 $ afin qu’il lui reste les 1 000 $ nécessaires au paiement de sa prime. La société, quant à elle, n’a qu’à gagner que 1 250 $ afin qu’il lui reste 1 000 $ après impôt (250 $ d’impôt).

Tout cela est bien beau mais…

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Une société opérante (exploitant une entreprise) imposée au « petit taux » de 18,5 % pourrait éventuellement être vendue. L’actionnaire désirant profiter de la fameuse DGC (déduction pour gains en capital) de plus de 400 000 $, soit la moitié de « l’exonération » dans le jargon, doit absolument vendre ses actions et non pas les actifs de sa société par actions. Or, si une police d’assurance vie est détenue par cette société qui sera vendue, elle ne le sera vraisemblablement plus après la vente. Pourquoi ?

Le vendeur voudra peut-être conserver sa police qu’il a payée pendant longtemps, donc qui a une certaine valeur. De toute façon, l’acquéreur ne voudra pas payer un sou pour cette police, à moins de vouloir faire de la spéculation sur la vie du vendeur.

Si la police est simplement abandonnée, le vendeur aura payé pour rien pendant plusieurs années. S’il veut garder sa police et continuer ainsi à payer des primes moins élevées que celles qu’il paierait en souscrivant à une nouvelle police identique dans le marché, des impacts négatifs importants pourraient être générés.

Il existe un grand principe en fiscalité qui interdit à un actionnaire de « dépouiller » sa société sans impact fiscal. Or, si une police d’assurance vie doit sortir de la société, on assiste justement à ce dépouillement, un appauvrissement de la société. Et cela ne peut se faire sans heurts.

Deux impacts néfastes possibles

Des conséquences néfastes sont possibles : un au niveau de la société et l’autre au niveau de l’actionnaire.

Il faut comprendre que si une police sort d’une société, il s’agit d’un changement de preneur. Or, sauf exception, un tel changement déclenche ce qu’on appelle une « disposition ». On doit ainsi soustraire de la valeur de rachat, le coût fiscal de la police. Si une telle valeur n’existe pas, la société n’aura pas d’impôt à payer.

Dans les autres cas, l’excédent de la valeur de rachat de la police sur son coût constitue un gain imposable comme un revenu d’intérêt. Or, ce type de revenu est imposé ultimement à 19,8 % (en décroissance jusqu’en 2020 à 19,5 %) dans une société. C’est donc dire qu’une valeur de rachat excédant de 100 000 $ le coût fiscal de la police coûte 19 800 $ d’impôt à la société. Vous trouvez que c’est élevé ?

Attendez… le pire est à venir…

La police doit obligatoirement faire l’objet d’une évaluation par un actuaire de sa « juste valeur marchande » (JVM), c’est-à-dire du prix qu’un investisseur serait prêt à payer, en moyenne, afin de réaliser un rendement correspondant généralement à des taux obligataires corporatifs. Et ça… ça fait mal!

Tout d’abord, l’actuaire chargera quelque 2 000 $ pour faire ses calculs. Mais ce n’est rien… La JVM sera considérée comme un dividende imposable. Imaginez un actionnaire sortant sa police valant 400 000 $... ce pourrait être jusqu’à 175 000 $ d’impôt… pour l’actionnaire!

Mais pourquoi, diable, une police pourrait-elle valoir 400 000 $ ? Parce que la définition de la JVM d’une police d’assurance vie est l’actualisation, pendant le reste de la vie de l’assuré, des économies de primes réalisées chaque année. Cela signifie que si un assuré paie actuellement 5 000 $ par année pour sa veille police et qu’il lui en coûterait aujourd’hui 25 000 $ pour un produit similaire, c’est une économie de 20 000 $ par année qui est réalisée.

On comprend aussi que plus un assuré est en mauvaise santé, plus sa police vaut cher… Peut-être n’est-il même plus assurable dans le marché. Dans ces cas, l’actuaire, avec l’aide d’un tarificateur spécialisé, estime une prime théorique qui devrait être chargée par un assureur pour couvrir le risque de mortalité.

Ce qui est triste, c’est que, C'EST JUSTEMENT DANS LE CAS OÙ UNE POLICE VAUT CHER QU'ON VEUT LA CONSERVER… ironique n’est-ce pas ?

Alors, suivez mon conseil… s’il y a une chance que les actions de votre société soient vendues à un tiers un jour, ne faites pas souscrire une police par la société qui sera vendue…  à moins qu’une société de gestion soit actionnaire (moins risqué, mais pas exempt de risques non plus)… vous éviterez ainsi possiblement une très grosse déception.

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À propos de ce blogue

Dany Provost possède une formation multidisciplinaire lui permettant d'avoir une vue d'ensemble d'une situation financière. Combinant l'actuariat, la fiscalité, le placement et une grande maîtrise de l'environnement Excel, son expertise lui a permis de développer plusieurs outils de modélisation complexes, notamment en optimisation fiscale et avantages sociaux. Il est directeur planification financière et optimisation fiscale chez SFL Expertise et est l’auteur des livres «Arrêtez de planifier votre retraite, planifiez votre plaisir» et «As-tu réglé ça?» Membre honoraire et expert désigné de l’Institut de planification financière, il est un collaborateur régulier dans les médias en plus d’être chroniqueur en fiscalité dans le journal Finance et Investissement.

Dany Provost